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Nadia Hai, ministre déléguée à la Ville, au JDD : "Eric Zemmour détourne l'Histoire à des fins électorales"

INTERVIEW - A l'occasion de l'inauguration de l'exposition "Portraits de France" au musée de l'Homme, la ministre déléguée à la Ville, Nadia Hai, défend une vision complexe de l'histoire de France et s'en prend aux mensonges d'Eric Zemmour.

Gaël Vaillant , Mis à jour le
La ministre déléguée à la Ville, Nadia Hai, dénonce l'utilisation de faits historiques faite par Eric Zemmour, désormais candidat à la présidentielle.
La ministre déléguée à la Ville, Nadia Hai, dénonce l'utilisation de faits historiques faite par Eric Zemmour, désormais candidat à la présidentielle. © AFP

Du révolutionnaire Jean-Baptiste Belley à l'artiste Joséphine Baker , le musée de l'Homme, à Paris, inaugure vendredi une exposition autour de 58 personnalités issues de l'immigration qui ont participé à l'histoire de France. Ces figures sont issues de l'imposant rapport "Portraits de France" , publié en mars. Voulue par Emmanuel Macron, cette enquête avait pour but de définir une liste de personnalités que les collectivités locales pourraient utiliser pour la nomenclature de l'espace public. Nadia Hai, la ministre déléguée à la Ville qui a supervisé le dossier, revient pour le JDD sur ce rapport et accuse l'opposition, en particulier Eric Zemmour, de "détourner l'Histoire à des fins électorales".

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Pourquoi avoir conçu ces "Portraits de France"?
Ce projet s'inscrit dans un contexte très sensible autour de notre mémoire collective : en 2018, il était question de débaptiser des noms de rue ou de déboulonner des statues de personnalités, à l'instar de Colbert. Lors d'une interview sur Brut, Emmanuel Macron s'est refusé à réécrire notre passé mais a insisté sur la nécessité d'enrichir notre mémoire collective pour écrire une histoire commune. Le Président a ensuite incité les collectivités territoriales à s'emparer du sujet. Le ministère de la Cohésion des territoires a alors lancé cette initiative du recueil "portraits de France" et ce sont 318 noms qui ont émergé.

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Comment s'est fait le choix de ces personnalités?
Nous avons réfléchi à la meilleure façon de mener ce projet et nous avons acquis la conviction que le politique devait se dessaisir du dossier. Nous avons fait appel à l'historien Pascal Blanchard pour constituer un conseil scientifique composé de chercheurs et de membres d'associations. Il fallait vraiment un organe indépendant qui ne soit pas sous influence politique.

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Eric Zemmour n'a pas hésité une seule seconde à détourner l'histoire de France pour pouvoir écrire son histoire personnelle

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Ce conseil scientifique a rendu en mars un recueil de 318 personnalités pensé comme un outil à destination des collectivités locales. Ces dernières ont-elles déjà commencé à l'utiliser?
Plusieurs places et rues ont été baptisées depuis le printemps et d'autres vont venir : le Conseil de Paris vient de valider la création d'une place au nom de l'aviateur vietnamien Do Huu Vi, un square de Bordeaux a été nommé en hommage au clown Chocolat… Il y a un vrai engouement pour ce recueil, demandé par de nombreux maires. 

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Certaines personnalités figurent déjà dans les livres d'Histoire de l'école. Beaucoup sont méconnues, voire oubliées. Espérez-vous que les élèves les découvrent davantage?
C'est un espoir qu'on va rendre concret. Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Education, va mettre en place un kit pédagogique à destination des professeurs et plusieurs événements autour de la valorisation de ces "portraits de France". L'Education nationale nous apprend l'histoire de France et ces personnalités en font partie.

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L'Histoire apprise à l'école reflète-t-elle suffisamment la diversité de notre société?
Les programmes de l'Education nationale ne relèvent pas de ma responsabilité mais l’enseignement de l’Histoire à l’école est fondamental. L'éducation, elle, est plus globale : elle se fait à l'école, dans les lieux culturels, dans l'espace public et privé. L'école ne peut pas tout assumer et c'est à toute la société d'écrire collectivement notre histoire.

Pourquoi avoir choisi de faire une exposition? Le symbole était-il important?
Ce n'est pas un choix dicté par le gouvernement. Emmanuel Macron a souhaité que ce recueil soit utilisé par tout le monde, des collectivités locales aux lieux culturels. Le musée de l'Homme a entendu cet appel et a proposé de créer cette exposition, à laquelle le Président a accepté d’accorder son haut patronage. C'est une véritable fierté de faire entrer ces personnalités et surtout leurs histoires dans un musée. C'est un hommage qu'on leur devait.

Cette initiative fait suite au débat autour des noms de rues et statues dans l'espace public. Ce débat n'a-t-il pas lieu d'être?
Il faut évidemment comprendre pourquoi telle ou telle personnalité possède sa statue dans la rue et il faut rendre compte, sans idéologie, de la complexité historique. Avoir un esprit critique, ce n'est pas réécrire l'Histoire. Au contraire. En revanche, il faut aussi parler de ceux dont on ne parlait pas.

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Nous n'hystérisons pas le débat. L'histoire de France nous montre aussi ce qu'a pu apporter l'immigration.

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Les faits historiques font-ils l'objet de trop de manipulations de la part des responsables politiques?
Le propre du populisme, c'est de prendre des faits et de les utiliser à mauvais escient. L'entrée en campagne d'Eric Zemmour m'a choquée. Ce candidat à l'élection présidentielle n'a pas hésité une seule seconde à détourner l'histoire de France pour pouvoir écrire son histoire personnelle. Ce détournement à des fins électorales, nous devons le combattre. Il est essentiel d'enseigner toutes les composantes, toutes les nuances de l'Histoire pour pouvoir mieux en construire la suite. Dans les moments difficiles, la France s'est toujours retrouvée autour de l'union de toutes ses composantes. C'est ce qui nous a permis de sortir des crises. Lors des confinements, personne ne se posait la question de connaître le prénom de son voisin, mais plutôt de savoir s'il allait bien, s'il n'était pas malade.

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En cette période de pré-campagne présidentielle, le débat politique tourne notamment autour des questions d'immigration. Entendez-vous nourrir ce débat en montrant, par votre galerie de portraits, comment des personnalités issues de l'immigration ont participé positivement à l'histoire de France?
Qui pourrait dire que Joséphine Baker, cette artiste américaine qui aimait la France et qui a conçu une tribu arc-en-ciel en adoptant des enfants du monde entier, n'a rien apporté à notre pays? L'immigration nourrit notre société. Bien sûr, personne ne nie le débat migratoire. Nous sommes d'ailleurs la majorité qui a voté la loi asile et immigration pour mieux réguler et mieux intégrer. Nous ne fuyons pas nos responsabilités. Mais nous n'hystérisons pas le débat. L'histoire de France nous montre aussi ce qu'a pu apporter l'immigration.

Etre candidat à la présidentielle ne nécessite-t-il pas de faire appel à l'histoire de France, de s'y rattacher pour mieux la construire? 
On peut faire référence à l'Histoire mais à condition de ne pas en sélectionner des moments et de les instrumentaliser à sa guise. Eric Zemmour, dans son clip d'entrée en campagne, a sorti de leur contexte des événements et des personnalités pour mieux servir ses thèses. Il fantasme l'Histoire en plaçant la France sous le seul angle obscur, haineux. Dans son clip, il montre des images de Barbara, de Brassens, d'Aznavour ou de Rousseau. Mais toutes ces personnes-là sont issues de l'immigration! Eric Zemmour détourne les événements pour servir une vision réduite et prôner la peur et la division.

En période de crise, la société a tendance à se replier sur elle-même et sur son histoire. Comment redonner l'espoir et se porter vers le futur alors même que la crise n'est pas terminée?
La France a déjà repris des couleurs. Notre niveau de chômage n'a jamais été aussi bas depuis 15 ans, les entreprises n'arrivent pas à recruter tant elles créent des emplois, les faillites d'entreprises en série n'ont pas eu lieu… Où est le crash économique? Il n'est que dans l'imaginaire des Cassandre et autres déclinistes. Il n'est pas dans le quotidien des Français même s'il ne faut pas nier les difficultés qu'ils rencontrent. Oui, la crise sanitaire est toujours là et nous n'en avons pas fini avec le virus. Mais les Français ont su faire face grâce à un esprit de solidarité fort. C'est là-dessus qu'il faut capitaliser pour nous tirer vers le haut.

Exposition "Portraits de France - une autre Histoire de France" , au musée de l'Homme, à Paris, jusqu'au 17 janvier. L'exposition devrait ensuite effectuer un tour de France.

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