L’assemblage du gigantesque réacteur Iter, «soleil artificiel», a débuté

Ce projet international, qui a pris cinq ans de retard et a vu son budget tripler, réunit 35 pays et commence à sortir de terre ce mardi en France, dans les Bouches-du-Rhône.

 Ces derniers mois, plusieurs composants de ce réacteur expérimental baptisé « Tokamak » ont été livrés sur le site en provenance d’Inde, de Chine, du Japon, de Corée du Sud ou d’Italie.
Ces derniers mois, plusieurs composants de ce réacteur expérimental baptisé « Tokamak » ont été livrés sur le site en provenance d’Inde, de Chine, du Japon, de Corée du Sud ou d’Italie. AFP/CHRISTOPHE SIMON

    Un gigantesque puzzle a officiellement débuté ce mardi dans le sud de la France. L'assemblage du réacteur du projet Iter, un programme international visant à maîtriser la production d'énergie à partir de la fusion de l'hydrogène, comme au cœur du soleil, vient de débuter à Saint-Paul-lès-Durance (Bouches-du-Rhône).

    « Avec la fusion, le nucléaire peut être une promesse d'avenir » en nous offrant « une énergie non polluante, décarbonée, sûre et pratiquement sans déchets », a estimé le président Emmanuel Macron, dans une vidéo pré-enregistrée diffusée lors de la cérémonie organisée sur le site d'Iter.

    « Créer une énergie propre et sûre d'ici à 2050 »

    Commentant ce projet international lancé par un traité de 2006 et réunissant 35 pays, soit toute l'Union européenne (avec le Royaume-Uni), la Suisse, la Russie, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis, le chef de l'Etat sud-coréen Moon Jae-In a également salué dans un message vidéo « le plus grand projet scientifique de l'histoire de l'humanité » et ce « rêve partagé de créer une énergie propre et sûre d'ici à 2050 ».

    Des techniciens se tiennent devant le réacteur thermonucléaire expérimental (ITER), assemblé à Saint-Paul-lez-Durance, le 7 novembre 2019. REUTERS/Jean-Paul Pelissier
    Des techniciens se tiennent devant le réacteur thermonucléaire expérimental (ITER), assemblé à Saint-Paul-lez-Durance, le 7 novembre 2019. REUTERS/Jean-Paul Pelissier AFP/CHRISTOPHE SIMON

    Alternative rêvée aux énergies fossiles comme le pétrole, le gaz ou le charbon, émettrices de CO2, la fusion de l'hydrogène pourrait également remplacer l'énergie nucléaire : si la fission de l'atome produit des déchets radioactifs pendant des dizaines de milliers d'années, la fusion de l'hydrogène ne génère pas de déchets de longue vie, a insisté Bernard Bigot, le directeur général d'Iter.

    Autre avantage : les combustibles nécessaires à cette fusion, extraits de l'eau et du lithium, sont disponibles et, selon Bernard Bigot, à même « d'assurer l'approvisionnement d'un parc de réacteurs pendant des millions d'années, un gramme de combustible libérant autant d'énergie que huit tonnes de pétrole ».

    Un assemblage jusqu'en 2024

    Ces derniers mois, plusieurs composants de ce réacteur expérimental baptisé « Tokamak » - hauts pour certains comme un immeuble de quatre étages et pesant plusieurs centaines de tonnes -, ont été livrés sur le site en provenance d'Inde, de Chine, du Japon, de Corée du Sud ou d'Italie.

    Et les échelles de grandeur donnent le vertige. À lui seul, le plus puissant des aimants d'Iter, celui qui initiera le courant électrique au sein du plasma, pourrait ainsi soulever un porte-avions. Les éléments arrivant peu à peu, reste à assembler le million de pièces de ce puzzle en trois dimensions, un travail qui devrait durer jusqu'en 2024 pour les 2300 personnes présentes sur le site.

    Ce gigantesque réacteur permettra de reproduire la réaction de fusion de l'hydrogène qui se produit naturellement au cœur du soleil et des étoiles : concrètement, cette fusion sera obtenue en portant à une température de l'ordre de 150 millions de degrés un mélange de deux isotopes de l'hydrogène transformé à l'état de plasma.

    20 milliards d'euros de budget

    Iter pourrait produire son premier plasma fin 2025 ou début 2026 et le réacteur pourrait atteindre sa pleine puissance en 2035. Réacteur expérimental, Iter ne produira pas concrètement d'électricité. Et c'est 2060, au mieux, qu'il faudra attendre pour avoir le premier raccordement au réseau électrique d'un réacteur à fusion dérivé d'Iter. Pour générer de l'électricité, ces futurs réacteurs à fusion commerciaux utiliseront tout simplement la chaleur produite sur les parois de leur « tokamak » par le bombardement des neutrons nés de la fusion : cette chaleur sera évacuée par un circuit d'eau sous pression pour aller alimenter, sous forme de vapeur, une turbine et un alternateur.

    Iter, s'il était raccordé au réseau électrique, ne produirait que 200 MW d'électricité, de quoi alimenter quelque 200 000 foyers. Les futurs réacteurs à fusion disposeraient eux d'un volume de plasma permettant d'alimenter deux millions de foyers. Cela pour un coût de construction et un coût opérationnel « équivalent à ceux d'un réacteur nucléaire conventionnel », selon Bernard Bigot.

    Ces « soleils artificiels » font cependant l'objet de critiques récurrentes de la part d'écologistes, notamment français, qui y voient « un gouffre financier » et « un mirage scientifique ». Le projet a ainsi déjà pris cinq ans de retard, avec un triplement du budget initial, à près de 20 milliards d'euros désormais.