Cazeneuve accuse Le Pen et Fillon d'instrumentaliser l'attentat des Champs-Élysées

Bernard Cazeneuve, discret jusqu'alors dans la campagne, est sorti de son silence ce vendredi pour s'indigner des commentaires de Marine Le Pen et de François Fillon sur l'attentat de la veille aux Champs-Elysées. Le Front national a immédiatement répondu au Premier ministre.

Le Premier ministre Bernard Cazeneuve, après une réunion à l'Elysée, le 12 avril 2017. 
Le Premier ministre Bernard Cazeneuve, après une réunion à l'Elysée, le 12 avril 2017.  (AFP/GABRIEL BOUYS )

    Bernard Cazeneuve sort de sa réserve. Premier ministre, mais également chef de la majorité gouvernementale, le socialiste a pris la parole ce vendredi pour dénoncer «l'outrance et la division» distillées par Marine Le Pen et François Fillon au lendemain de l'attaque des Champs-Elysées. Le Front national s'est immédiatement offusqué et le vice-président du parti, Florian Philippot, s'est même lâché en estimant que l'ancien ministre de l'Intérieur pensait «davantage à faire campagne pour Macron qu'à protéger les Français».

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    Marine Le Pen «cherche comme après chaque drame à en profiter pour instrumentaliser et diviser, elle cherche à exploiter sans vergogne la peur et l'émotion à des fins exclusivement politiciennes», a d'abord expliqué Bernard Cazeneuve dans une inhabituelle allocution sur le perron de Matignon. Le Premier ministre a également pris soin de rappeler que la présidente frontiste avait systématiquement voté contre les lois anti-terrorisme proposées par son gouvernement ou par l'Europe.

    «L'outrance n'est pas gage de la fermeté»

    Quand Marine Le Pen «demande la restauration immédiate de nos frontières nationales», «elle fait mine d'ignorer que c'est ce gouvernement qui a rétabli le contrôle aux frontières», avec, depuis le 13 novembre 2015, «105 millions de personnes contrôlées» et «80 000» refoulées. Quant à sa demande d'expulsion des fichés S étrangers, depuis 2012, «117 personnes ont été expulsées du territoire pour des activités terroristes» et ce «dans le cadre de l'Etat de droit».

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    «La plus grande fermeté prévaut donc en la matière, sans arbitraire», a-t-il affirmé, soulignant également que la poursuite des fichés S pour «intelligence avec l'ennemi», voulu par le FN, se traduirait par des sanctions «moins fermes» que celles prévues par les nouvelles lois antiterroristes. «La facilité n'est pas la fermeté, ni l'outrance le gage de la fermeté», a-t-il critiqué.

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    «Honte à Cazeneuve», lance Philippot

    Le Front national a immédiatement répliqué, par la voix de son numéro deux, Florian Philippot : «Pour son inconséquence et sa légèreté, Cazeneuve depuis longtemps aurait dû démissionner», lâche le bras droit de Marine Le Pen sur Twitter. «Il ferait mieux de fustiger Daech. Honte», ajoute-t-il. «Cazeneuve pense davantage à faire campagne pour Macron qu'à protéger les Français. Quelle indignité.»

    «Avec le bilan qui est le sien en matière de terrorisme, 239 morts en 5 ans dans notre pays, Cazeneuve ferait mieux de se faire oublier», a poursuivi David Rachline, porte-parole de Marine Le Pen.

    Fillon n'a eu «aucune initiative» quand il était Premier ministre

    Quant à François Fillon, Bernard Cazeneuve lui a notamment reproché de proposer une révision des accords de Schengen sur la libre circulation dans l'Union européenne, «constamment évoquée» lorsqu'il était lui-même Premier ministre, mais qui n'a fait l'objet d'«aucune initiative» à l'époque. «C'est sous l'impulsion de ce gouvernement que la France» a obtenu l'instauration dans les règles de Schengen d'un contrôle aux frontières de l'UE, même pour les citoyens de l'Union, a fait savoir Cazeneuve. Tout en prônant «l'unité», François Fillon a en effet jugé que «certains n'avaient pas totalement pris la mesure du mal» qu'il entend combattre «d'un main de fer».

    «Cazeneuve dégrade sa fonction»

    Par ailleurs, le candidat LR «préconise la création de 10 000 postes de policiers. Comment croire sur ce sujet un candidat, qui, lorsqu'il était Premier ministre en avait supprimé 13 000 dans les forces de sécurité intérieure ?», lance encore Bernard Cazeneuve, rappelant que François Fillon propose de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires. De quoi s'attirer les foudres de plusieurs proches du député de Paris. «J'invite le Premier ministre à garder son sang froid, à ne pas se laisser aller et à ne pas voler au secours du candidat Macron», a écrit Bruno Retailleau dans un communiqué. Selon le coordinateur de la campagne de François Fillon, «ce n'est pas son rôle. Les Français attendent du Premier ministre en ces moments difficiles qu'il soit à 100% à sa tâche de protection des Français et surtout qu'il se garde des polémiques qui n'ont pas lieu d'être alors que la France est frappée par le terrorisme islamiste.»

    «Cazeneuve dégrade sa fonction avec des propos bassement politiciens alors que François Fillon a tenu un discours digne et responsable. (...) Je dénonce (cette) attaque bassement politicienne», a quant à lui lancé le président du département des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti.

    Mélenchon appelle au «sang-froid» contre «les polémiques vulgaires»

    «Il ne sert à rien de polémiquer : la lutte contre le terrorisme islamiste impose continuité, cohérence et unité. Les français le demandent», a pour sa part tweeté l'ancien chef du gouvernement, Manuel Valls, sans préciser à qui s'adressait cette mise en garde. Jean-Luc Mélenchon a lui aussi appelé à «ne pas perdre son sang-froid, de ne pas céder à la panique, de ne pas se laisser emporter par les émotions, de ne pas se vouer à la haine, la vengeance, les rancunes». Dans cette allocation retransmise en direct sur Facebook, il a recommandé «par-dessus tout (d')éviter les polémiques grossières et vulgaires qui conduiraient à nous montrer les uns et les autres du doigt et à se faire des reproches qui sont les plus malvenus à cette heure».