Etudes à l’étranger : pourquoi la Roumanie attire de plus en plus de futurs vétérinaires

Près d’un nouveau vétérinaire sur deux en France a suivi ses études dans un autre pays de l’Union européenne. Avec une sélection à l’entrée moins exigeante et la reconnaissance du diplôme, les cursus roumains sont désormais les troisièmes les plus attractifs.

 Sabine et Chloé, étudiantes en Roumanie, ont profité des vacances pour effectuer un stage pratique à la clinique vétérinaire de Mirepoix (Ariège).
Sabine et Chloé, étudiantes en Roumanie, ont profité des vacances pour effectuer un stage pratique à la clinique vétérinaire de Mirepoix (Ariège). LP/Guylaine Roujol Perez

    En cette rentrée universitaire, Sabine et Chloé s'apprêtent à rejoindre l'école vétérinaire qu'elles ont quittée pour les vacances. Pour cela, elles devront traverser une bonne partie de l'Europe pour rejoindre la Roumanie. Sabine y entame sa quatrième année à l'université de Cluj-Napoca, Chloé rentre en deuxième année à Timisoara.

    Près de la moitié des jeunes diplômés inscrits pour la première fois à l'ordre des vétérinaires en France en 2019 – une démarche obligatoire pour exercer – ont été formés dans un autre pays européen. Un chiffre en augmentation ces dernières années. Après la Belgique et l'Espagne, la Roumanie est le troisième pays le plus attractif pour les étudiants. Quatre universités y forment à un diplôme de vétérinaire reconnu dans l'ensemble de l'Union européenne.

    Sabine, qui rêvait, petite fille, de devenir vétérinaire en Nouvelle-Zélande, a choisi la section anglaise de Cluj-Napoca en 2017 pour se donner « plus de possibilités » après l'obtention de son diplôme. En 2019, cette université de Transylvanie accueillait 399 étudiants français dans cette filière.

    Après deux années de classe prépa à Nice (Alpes-Maritimes), la jeune Varoise a bien été admissible à l'entrée dans l'une des écoles de l'Hexagone, mais a calé de peu dans la dernière ligne droite d'un concours très sélectif. « Ma voisine étudiait dans la première section en langue anglaise ouverte par l'université de Cluj-Napoca. C'est elle qui m'a donné l'idée. Je ne me voyais pas redoubler pour retenter le concours. »

    Avec une sélection basée sur les notes du bac et la motivation, « la participation à des actions de défense de la cause animale, du bénévolat, des recommandations de vétérinaires entre autres », Sabine, forte de deux ans de volontariat dans un refuge de la SPA et de son exigeante classe prépa, voit sa candidature retenue.

    Des sections en français et en anglais

    Après une année commune aux études de santé (PACES), Chloé a, elle, bifurqué en cours de deuxième année vers la biologie avant d'envisager une formation d'assistante vétérinaire. « Lors d'un stage, j'ai entendu parler d'un étudiant au Portugal et j'ai envisagé de me lancer à l'étranger. »

    Pourquoi la Roumanie et pas l'Espagne plus proche ? Outre le mode de recrutement, les deux étudiantes évoquent la barrière de la langue. La section en français a été ouverte en 2010 à la faculté de Cluj-Napoca, celle de Timisoara est plus récente. « La première année, en 2018, ils n'étaient qu'une douzaine. L'année suivante, nous étions vingt-huit Français à débuter ce cursus et ils sont 48 dans la promo qui suit » explique Chloé. A Cluj-Napoca, ils étaient près d'une centaine à intégrer la première année en 2019, les deux tiers en français, l'autre tiers en langue anglaise.

    Le coût de la vie est aussi un argument fort. Mais pas celui de l'inscription à l'école ! En France, elle revient à 2531 euros en 2020, avec des possibilités de bourse. L'année dernière en Roumanie, Chloé a payé 3200 euros et Sabine s'est acquittée de 5000 euros, « peut-être car la formation à Cluj-Napoca est plus prestigieuse ». Des tarifs qui grimpent inexorablement. « Pour les élèves rentrés un an après moi, les frais se montaient à 6000 euros », précise Sabine. Alors que sa voisine en France, récemment diplômée, payait environ 2500 euros par an.

    Pas de choc culturel

    Si les deux jeunes femmes appréhendaient un choc culturel − « J'avais en tête la Roumanie de Ceausescu », avoue Sabine−, toutes deux sont emballées par la vie étudiante locale et l'accueil qui leur a été réservé. « J'ai trouvé un appartement en quelques heures et tout a été réglé très vite », se souvient Chloé. Sabine apprécie la gastronomie locale, la ville de Cluj et ses parcs, et a l'impression « que tout est possible, qu'il y a moins de contraintes qu'en France. » Toutes deux trouvent que les Roumains parlent en général très bien l'anglais et sont heureux de leur faire découvrir leur pays. Seul bémol, les logements et frais universitaires semblent suivre la même ascension que l'intérêt suscité par les formations auprès des étudiants étrangers.

    En France, les quatre écoles vétérinaires de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), Toulouse (Haute-Garonne), Nantes (Loire-Atlantique) et Lyon (Rhône) voient aussi leurs effectifs augmenter. Le nombre de places en première année, défini par un arrêté du ministère de l'Agriculture, s'est élevé à 640 en 2020, soit 160 par école. Les trois quarts de leurs étudiants sont passés par un concours très sélectif au terme de deux ans de classe préparatoire au minimum.

    Un besoin accru de vétérinaires

    « Plusieurs facteurs expliquent cette augmentation » explique Anne Laboulais, directrice de communication du Conseil national de l'ordre des vétérinaires. « ll y a un besoin accru en vétérinaires en France, notamment dans les zones rurales moins attractives. Aujourd'hui, les écoles françaises arrivent un peu à capacité d'accueil maximale pour des études très largement financées par l'Etat. A côté de ça, des étudiants partent à l'étranger. Pour plusieurs raisons. Le concours peut décourager, mais il y a aussi cette nouvelle génération qui a envie de découvrir le monde. Et le diplôme délivré dans l'Union européenne est reconnu partout en Europe. »

    Les étudiants formés en Roumanie feraient-ils l'objet d'ostracisme de la part des professionnels en place ? D'après Sabine, « les vieux vétos sont souvent plus réfractaires que les plus jeunes, mais c'est de moins en moins le cas. » Certains de ses collègues de prépa lui ont confié que « la Roumanie, ils y avaient tous pensé. Parce que lorsqu'on passe le concours, on ne sait pas si on va réussir. Ils sont donc assez ouverts d'esprit. »

    Lors d'un stage en clinique en France, Chloé a remarqué que trois vétérinaires sur quatre avaient fait leurs études à l'étranger. Une mixité limitant les risques de rejet ou de méfiance. Pour l'Enva (Ecole nationale vétérinaire d'Alfort), « ce n'est pas un sujet », car l'autorité officielle d'accréditation « garantit que les compétences des étudiants européens soient semblables à la fin de leurs études ». De même, du côté de l'ordre des vétérinaires, on affirme que « tous sont censés avoir le même niveau une fois diplômé car ils ont reçu la même formation. »

    En 2021, un nouveau mode d'admission va révolutionner l'entrée en école vétérinaire. Parcoursup proposera en effet 160 places réparties entre les quatre écoles vétérinaires de France. Officiellement; ce mode de sélection vise à diversifier l'origine des étudiants « plutôt d'origine urbaine et de CSP + », selon l'ordre des vétérinaires. Le déficit de praticiens en zone rurale et l'augmentation des besoins liés à une meilleure médicalisation des animaux de compagnie provoquent également un appel d'air. Une modalité de recrutement qui recentrera peut-être certains bacheliers vers l'Hexagone.