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Qui serait l'héritier au trône de France ?

En s’arrêtant à une lecture stricte de la loi salique, Louis de Bourbon est l’héritier du trône de France. Mais, chaque camp, orléaniste ou légitimiste, défend son candidat (et attaque le concurrent).
par Service Checknews
publié le 8 juillet 2019 à 10h20

Question posée par Dylan le 10/08/2018

Bonjour,

Nous avons reformulé votre question, qui était : «Qui est, selon la loi, l'héritier au trône de France ? Jean d'Orléans, comte de Paris, ou Louis XX, duc d'Anjou ?»

Depuis 1870, la France est une République et n’a plus été dirigée par un roi ou un empereur. Néanmoins, ils sont encore deux à prétendre à un éventuel trône de France. Jean d’Orléans, fils d’Henri, porte aujourd’hui le titre honorifique de comte de Paris. Louis de Bourbon, porte, lui, le titre de duc d’Anjou. Tous les deux se disent héritier légitime de la couronne française en cas de restauration de la monarchie. Les Orléans, car le dernier roi régnant venait de leur branche, et les Bourbons, à cause de leur place d’aîné dans l’arbre généalogique.

La loi qui fixe les règles de succession au trône durant l'Ancien Régime est la loi «salique», développée sous Clovis, puis amendée et agrémentée au cours des siècles. Elle instaurait le principe de primogéniture mâle : est héritier le premier né de sexe masculin. «Mais ce critère n'est pas absolu, car il peut être corrigé par d'autres principes», explique à CheckNews Hervé Drévillon, professeur d'histoire moderne à l'Université Paris-I. En effet, la nationalité, la religion et la santé du souverain peuvent entrer en compte pour préférer un héritier plutôt qu'un autre. Depuis les Capétiens, ce sont les nobles qui acclament le roi, une simple formalité qui vient confirmer le droit de naissance.

Hervé Drévillon poursuit : «Si on applique le principe de la primogéniture mâle sans aucune autre considération, l'héritier du trône de France est Louis de Bourbon qui a la double nationalité française et espagnole, mais qui est issu du lignage des Bourbons d'Espagne.» Mais il ne s'agit que d'une interprétation stricte de la loi. Or «la notion de succession "légitime" au trône de France n'est pas une notion juridique mais une pure construction idéologique», conclut Hervé Drévillon.

Deux branches

C'est cette construction idéologique qui est débattue depuis le XIXsiècle, et se trouve au cœur d'un conflit entre les légitimistes, les partisans de Louis de Bourbon, et les orléanistes, les soutiens du comte de Paris, bien que les deux prétendants soient descendants de Louis XIII.

C’est au moment du règne de cet ancêtre commun (1610-1643), qu’intervient la scission. Le roi Louis XIII a eu deux enfants de sexe masculin : Louis XIV, son premier fils. Il représente la branche aînée de la descendance (les Bourbons). Puis son frère cadet, Philippe d’Orléans, qui n’a jamais régné, a engendré la branche cadette qui mettra plus tard, en 1830, Louis-Philippe sur le trône, après la révolution de Juillet et l’abdication de Charles X, dernier Bourbon de la branche aînée à avoir régné sur la France.

Au-delà des querelles de trône, c’est un Orléans, le dénommé Philippe Égalité, qui, en 1792, a voté la mort de son cousin, le roi Louis XVI. Une trahison que certains royalistes ne pardonneront jamais.

Roi de France ou roi des Français

Le prétendant Louis-Alphonse de Bourbon est le fils d'Alphonse de Bourbon et de Carmen Martinez-Bordiu y Franco, aristocrate espagnole et petite-fille de Francisco Franco. Aujourd'hui âgé de 45 ans, Louis est un peu plus présent que son «concurrent» sur la scène médiatique française. Après s'être exprimé en faveur des gilets jaunes et plus récemment contre l'arrêt des soins à Vincent Lambert, il est actif sur les réseaux sociaux. Avec son blog Legitimite.fr, il se revendique comme héritier légitime du trône de France et ses admirateurs l'appellent Monseigneur.

Même s’il appartient à la branche aînée de la descendance de Louis XIII, sa légitimité est remise en cause, avec de multiples arguments. D’abord en raison de sa double nationalité franco-espagnole. Mais aussi à cause de ses parents. C’est ce qu’a expliqué à CheckNews Emeric du Mas de Paysac, gestionnaire de grandes fortunes, royaliste et spécialiste des têtes couronnées.

Le tribunal pontifical a en effet invalidé en 1986 leur mariage, ce qui fait que leur fils Louis-Alphonse n'est pas né d'une union légitime, d'après la loi catholique. El Pais indiquait le 17 décembre 1986 que cette union avait été déclarée nulle en raison de «l'immaturité psychologique» de l'épouse au moment du mariage.

Outre son appartenance à la branche cadette de la descendance de Louis XIII, la légitimité de Jean d'Orléans est contestée, de son côté, pour d'autres motifs. Et ce, même si la «continuité est très nette et très française» dans la descendance, indique à CheckNews l'historien et journaliste du Figaro Magazine Jean Sévillia.

Le dernier occupant du trône, Louis-Philippe 1er (1830-1848), était bien un orléaniste. Sauf que cet ancêtre du comte de Paris portait un titre différent, celui de roi des Français (et non plus roi de France), créé après la Révolution et par le Parlement, et porté avant lui uniquement par Louis XVI, dans les tous temps de son règne.

Cette nuance dans la nomination du monarque est importante. Elle définit deux types de nominations du roi. Quand le roi de France (issu de la monarchie absolue) est nommé par naissance et pouvoir divin, le roi des Français est, quant à lui, désigné par le Parlement (à la façon d'une monarchie constitutionnelle), et «se pose comme dépositaire de la volonté générale», d'après Emeric du Mas de Paysac.

Alors comment trancher ? Qui est donc le dernier héritier légitime du royaume de France ? Le descendant du roi de France ? Ou du roi des Français ? «Ni l'un, ni l'autre», d'après le comte Du Mas de Paysac. Si l'on suit strictement la loi salique, mais aussi les lois de l'Eglise catholique et les coutumes précédemment appliquées, aucun des prétendants actuels n'est légitime, estime-t-il.

Dylan De Abreu et Caroline Ernesty

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un partenariat avec le CFPJ pour le journal d'application de la promotion 48.

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