Le procès de l'imam Kerzazi aux assises du Nord.Sept ans de prison et la promesse de ne plus exorciser.

publié le 7 juin 1997 à 4h01
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Mohammed Kerzazi, l'ancien imam de Roubaix qui a tué une jeune fille

de 19 ans, Louisa Lardjoune, au cours d'une séance d'exorcisme, a été condamné hier à sept ans d'emprisonnement par la cour d'assises du Nord. Son «complice», son assistant, Morad Selmane, ancien président de cette mosquée, a été condamné à quatre ans. Le troisième accusé, Tahar Lardjoune, frère aîné de Louisa, qui était allé chercher les imams pour qu'ils chassent le démon du corps de sa soeur et qui les avait secondés dans cette opération criminelle, a été acquitté. «Descendez de ce box, vous n'avez rien à y faire, vous étiez perdu, à la dérive», a lancé l'avocat général. Luc Frémiot a prononcé un réquisitoire modéré, demandant sept à dix ans pour Kerzazi, cinq ans pour Selmane. Les jurés ont été encore moins sévères que lui. Ils ont accepté, comme le magistrat le leur avait demandé, d'abandonner le chef d'accusation initial ­ «tortures ou actes de barbarie», pour le requalifier en «coups et blessures volontaires». La réclusion criminelle à perpétuité qu'encouraient les trois hommes était, du coup, exclue.

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Durant le procès, l'avocat général a cherché à prendre la mesure de la dimension culturelle de l'exorcisme dans l'islam. Il a entendu un spécialiste de ces pratiques, Hassan Hakim, assurer à la barre: «Les exorcistes sont des gens de bonne foi; quand ils torturent, ils torturent le diable.» Il rappelle que jamais les coups mortels ne peuvent être justifiés par un texte coranique.

L'avocat général avait aussi cherché à se renseigner sur les peines prononcées dans les pays musulmans pour des faits semblables. Les religieux islamiques appelés à la barre ont tous assuré que «rien, dans le Coran, ne justifie la violence». Leurs opinions ont divergé au sujet des pratiques non écrites. Une attestation fournie par la défense avançait qu'«aucun reproche ne doit être fait à l'exorciste» en Arabie Saoudite, où l'accusé avait appris ses techniques. L'imam de la mosquée de Chambéry, Omar Achour, a dit qu'en Algérie «on demande pardon à la famille de la victime et on fait un jeûne de deux mois». Selon un témoin indépendant des autorités religieuses, il n'existe pas, dans le Maghreb, de jugements spécifiques. Les exorcistes maladroits sont poursuivis pour homicide involontaire. L'avocat général s'est rangé à cet avis: «Kerzazi n'est pas poursuivi pour sa pratique d'exorcisme, mais pour actes de violences. C'est le procès de citoyens français dont la culture est différente de la nôtre et qui doivent répondre d'un crime de droit commun.» Me Jacques-Philippe Lammens, qui défendait l'imam, a interrogé: «Est-il l'être froid et glacial, insensible, que l'on voudrait sanctionner comme un criminel?» Pour Me Eric Dupond-Moretti, Morad Selmane a été «l'enfant de choeur d'une cérémonie dont il n'était pas le maître». Ayant de «fortes croyances personnelles», il ne pouvait pas s'opposer à l'imam et n'imaginait pas que celui-ci ne puisse pas faire le bien. Mohammed Kerzazi a dit qu'il n'avait jamais «voulu faire de mal à Louisa». Il se rend maintenant compte que «ses pratiques étaient barbares et pernicieuses». Il a promis qu'il ne ferait plus jamais d'exorcisme.