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Emotion dans un village du Lot après la mort d'un jeune homme tué par un chasseur

Une marche blanche va être organisée samedi en hommage à Morgan Keane, 25 ans, tué par un chasseur alors qu'il coupait du bois devant chez lui, à Calvignac.
par Stéphane Thépot, Envoyé spécial à Calvignac (Lot)
publié le 4 décembre 2020 à 19h16

Réunis dans une petite maison de Cajarc, les amis de Morgan sont effondrés. Ce jeune homme de 25 ans est mort mercredi, tué par un chasseur alors qu'il coupait du bois pour chauffer sa petite maison délabrée. Les faits se sont produits entre 16h45 et 17 heures, alors qu'une douzaine de chasseurs de la Diane cajarcoise participaient à une battue au lieu-dit «la Garrigue», entre Cajarc et Calvignac dans le Lot. Le tireur est un chasseur de 33 ans originaire de Montbazens (Aveyron), invité par les chasseurs lotois à se joindre à eux. Il n'avait son permis de chasse que depuis le mois de mai. Il a été mis en examen pour homicide involontaire, a annoncé le procureur de la République de Cahors, Frédéric Almendros, en précisant que les autres participants «qui sont susceptibles d'avoir des responsabilités» seront aussi entendus par un juge d'instruction.

«Entre chien et loup»

Aux yeux du représentant du parquet, le caractère accidentel de la mort de Morgan ne fait guère de doute. Mais le procureur souhaite vérifier si «les règles de la battue ont été respectées ou bafouées». Il s'agit notamment de savoir à quelle distance les chasseurs se trouvaient de la maison de Morgan, située un peu à l'écart du noyau villageois de la Garrigue, composé de quelques fermes et de belles demeures en pierre avec piscines. L'enquête devra également établir si la visibilité, à cette heure dite «entre chien et loup», permettait encore de distinguer un sanglier dans les bosquets parsemant les champs nus de la plaine du Lot. Morgan Keane, né à Villefranche-de-Rouergue en Aveyron, vivait chichement de petits boulots dans une pauvre masure héritée de ses parents, des Britanniques venus s'installer dans la vallée du Lot il y a une quarantaine d'années. Sur le toit, une bâche de plastique bleue remplace les tuiles envolées. Les amis du jeune homme veillent sur son petit frère, désormais seul.

Dérogations permettant la chasse pendant le confinement

Ce nouvel accident de chasse mortel intervient dans un contexte national particulièrement sensible, alors que plusieurs associations environnementalistes remettent en cause les dérogations permettant la chasse pendant le confinement. Comment se fait-il que les chasseurs aient le droit de sortir leurs fusils, alors que tous les autres loisirs en pleine nature demeurent interdits aux simples mortels ?

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Dans le Lot, la préfecture justifie cette exception par les dégâts que le grand gibier cause aux cultures. La facture s’élève à 22 000 euros dans le département. Le plan départemental prévoyait de tuer plus de 500 sangliers et autant de chevreuils d’ici la fin de l’année. L’objectif n’ayant pas été atteint, le préfet a reconduit sa dérogation à la veille du drame. A Cajarc, le président de la Diane est lui-même éleveur sur le causse qui domine la rivière. Ses troupes ont fondu en quelques années. Ils ne seraient plus qu’une cinquantaine, alors que la société de chasse enregistrait encore plus de soixante-dix cartes il y a cinq ans.

Désormais minoritaires, les chasseurs sont de plus en plus montrés du doigt. «Ils ont tendance à se croire chez eux partout», dénoncent des habitants qui s'apprêtent à participer à une marche blanche samedi, jour de marché à Cajarc. La demande d'autorisation de la manifestation déposée par les amis de Morgan à la sous-préfecture, mentionne un maximum de 250 participants. Le maire de Cajarc redoute l'arrivée de «bobos» anti-chasse dans sa bourgade de 1 000 habitants.

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