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Menaces

Sanson évite le combat avec «Allah»

L’affaire des «Versets sataniques» de Salman Rushdie est passée par là. Alors qu’elle s’installe à l’Olympia pour un mois, Véronique Sanson reçoit des menaces de mort pour sa chanson «Allah». Par précaution, elle la retire de son répertoire.
par Michel Henry
publié le 25 avril 2006 à 20h57

Paru le 2 mars 1989.

«Allah/ A quoi te sert d’avoir un nom/ Pourquoi ce feu, ce tonnerre (...). Si j’étais toi, je serais pas fière (...). Au nom de quoi fais-tu la guerre/A quoi te sert d’avoir un nom/ C’est pour souiller le désert/ Avec le sang versé pour Allah.» Les spectateurs de l’Olympia n’entendront pas ces paroles. Véronique Sanson affirme avoir reçu des menaces de mort anonymes. Mardi soir, alors qu’elle débutait sa série de concerts, elle a décidé de retirer la chanson de son programme. Allah est passé à la trappe.

Tout a commencé samedi dernier à Caen. Lorsque Véronique Sanson descend de scène, elle apprend que des menaces ont été proférées à son égard, par téléphone. Puis, en début de semaine, alors qu’elle s’installe à l’Olympia, elle reçoit de nouveaux appels, toujours anonymes, et des missives écrites à la main, non signées. Véronique raconte simplement : «Ils disent : “Si tu chantes ça, poum !”»

Elle ne comprend pas. «Cette chanson, dit-elle, je l’ai écrite comme une prière à Allah lui-même. Vraiment pas comme une insulte. C’est contre l’intolérance, le fanatisme. Pas contre l’islam. Je respecte la religion musulmane.» Elle avait enregistré deux versions. Dans la première, elle s’adressait alternativement à Allah et à Dieu ; dans l’autre, à Allah simplement. Finalement, elle avait décidé, avec Michel Berger, de «refocuser sur Allah, par cohérence. Allah, c’est un exemple».

Véronique Sanson n’a pas écrit ça comme une cause. «Ce serait idiot que, pour une chanson comme ça, la salle explose.» Elle n’y tient pas spécialement, à Allah : «C’est le premier album où elle traite de questions d’actualité et de faits de société», explique son attaché de presse, Jean-Pierre Domboy. «Elle n’est pas prête à se battre pour cette chanson-là.»

Allah est sorti, en novembre, sans fracas. «On a fait des radios, plein de télés, ça n’a soulevé aucune vague.»

100 000 exemplaires de l’album ont déjà été vendus. Certaines radios (RMC, RTL) la programment quotidiennement. «Maintenant, après l’affaire Rushdie, ça crée des remous incroyables.» Véronique Sanson croit que «ce sont des gens isolés qui veulent nous embêter. Mais comme on ne sait pas, on ne peut pas prendre de risques. Ça concerne aussi 2 300 personnes ici chaque soir.» Elle se dit prête à chanter Allah à la télévision, par exemple, là où cela n’exposera qu’elle-même.

Elle n’a pas pensé à porter plainte. Hier, dans l’après-midi, des policiers sont venus la voir. Un peu plus tard, le ministère de l’Intérieur l’appelait dans sa loge pour lui demander quel type de protection rapprochée elle désirait. Véronique est un peu étonnée de l’ampleur que cela prend. Mais elle veut informer les gens. «Par honnêteté», dit-elle. Coup de pub ? Elle rit. «Bien sûr, les gens pourraient aussi dire “c’est elle qui a inventé tout ça”. Ce que j’ai entendu tout à l’heure est encore pire : “C’est parce qu’elle ne remplit pas.” Quand même... Evidemment, c’est faux.» (Les quinze premiers jours à l’Olympia sont quasiment complets). Hier, les radios périphériques et NRJ avaient décidé de continuer la programmation. Seule RMC l’avait momentanément interrompue, le temps de prendre contact avec la chanteuse.

Le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe a déclaré qu’il avait pris des mesures de protection pour Véronique Sanson, à la demande de son père. «Au XIXe siècle, il y a des œuvres littéraires qui ont été interdites pour prétendument outrage à la religion. Si on entrait dans ce mécanisme de censure, l’année dernière un film, aujourd’hui un livre, ce soir une chanson, on ne peut pas tolérer cette forme de terrorisme», a déclaré Pierre Joxe, interrogé sur FR3. «Il y a le terrorisme qui tue et le terrorisme qui veut terroriser en voulant tuer la pensée», a-t-il ajouté.

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