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Marmiton, Allociné, Jeuxvideos.com, Purepeople… ces sites ont-ils le droit de devenir payants ?

Désormais obligés de proposer de manière très lisible aux internautes de refuser les cookies publicitaires, de nombreux sites ont conditionné cette option à un abonnement payant.
par Pauline Moullot
publié le 11 avril 2021 à 16h04
(mis à jour le 12 avril 2021 à 10h30)
Question posée par Stéphane, le 09/04/2021

Près d’un demi-euro par mois (0,49 euro) sur Marmiton (groupe AuFeminin, qui appartient à TF1), mais deux euros sur 750g.com. Même prix sur Allociné, JeuxVideos.com, Purepeople et de nombreux sites du groupe Webedia. Sur Cuisine Actuelle, l’abonnement coûte 4,99 euros, donnant accès à tous les sites du groupe Prisma Media. Depuis plusieurs jours, de nombreux sites ont rendu leur accès payant aux internautes qui refuseraient les cookies publicitaires, ces petits bouts de code qui, sur un site, permettent de récolter vos données de navigation pour vous envoyer ensuite des messages publicitaires ciblés.

Vous nous interrogez sur ces messages que vous avez vu apparaître en consultant plusieurs sites, en nous demandant si ces pratiques sont autorisées. Alors que les sites du groupe Webedia affichent la mention dès que l’on arrive sur leur site, ceux du groupe AuFeminin procèdent par étapes.

«Le modèle économique de Purepeople repose historiquement sur l’affichage de publicités personnalisées basées sur l’utilisation de cookies publicitaires, qui permettent de suivre la navigation des internautes et cibler leurs centres d’intérêt. La nouvelle réglementation relative aux cookies ne permet plus à Purepeople de s’appuyer sur cette seule source de revenus. En conséquence, afin de pouvoir maintenir le financement de et fournir les services proposés tout en vous offrant une même qualité de contenu éditorial sans cesse renouvelé, nous vous offrons la possibilité d’exprimer votre choix entre les deux alternatives suivantes d’accès : Accéder au site pour 2 TTC pendant 1 mois sans cookie publicitaire ou accéder au site gratuitement en acceptant les cookies publicitaires», propose ainsi Purepeople. Même message sur Allociné :

Sur les sites du groupe AuFeminin, on nous propose d’abord d’accepter ou refuser les cookies. C’est en cliquant «refuser» que l’option payante apparaît : «Vous avez choisi de refuser les cookies, notamment ceux concernant la publicité personnalisée et la mesure d’audience. En l’absence de revenus publicitaires, l’accès aux contenus est payant : vous pouvez donc vous abonner pour continuer sur notre site sans publicité ciblée.» Le prix de l’abonnement n’est mentionné que dans un troisième temps.

Sur les sites du groupe PrismaMedia (Cuisine Actuelle, Géo, Capital, Gala…), la mention est beaucoup moins évidente :

Depuis l’entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données (RGPD) en 2018, les sites sont obligés d’obtenir le consentement des internautes pour déposer ou lire des traceurs ou cookies pendant leur navigation (quelques traceurs sont soumis à exception, mais pas les publicitaires). En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’assure du respect de cette réglementation et a mis en place une nouvelle recommandation en octobre 2020. «L’évolution des règles applicables marque un tournant pour les internautes, qui pourront désormais exercer un meilleur contrôle sur les traceurs en ligne», écrit-elle alors. Parmi ces préconisations : que le bouton «refuser» les cookies soit aussi accessible et lisible que celui «accepter». Elle a alors laissé six mois aux sites pour se mettre en conformité, soit jusqu’au 30 mars.

Depuis le 1er avril, donc, les sites sont censés proposer de manière très claire aux internautes de refuser leurs cookies publicitaires. Mais ceux dont les finances dépendent très largement des pubs craignent une perte de revenu conséquente. C’est d’ailleurs l’argument mis en avant dans les messages d’avertissement. Ils choisissent alors de passer sur une logique d’abonnement pour pouvoir compenser ce déficit.

Emmanuel Parody, secrétaire général du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste), explique ainsi au Parisien : «70 % de la publicité est programmatique, achetée aux enchères sans que l’on décide sur quel site elle va être diffusée. C’est-à-dire que les annonceurs achètent un ciblage – les 25-34 ans, qui habitent Strasbourg et qui veulent acheter une voiture, par exemple – pour afficher leurs publicités seulement à cette cible, où que soit l’encart.» Refuser les cookies publicitaires ne veut pas dire que vous ne verrez plus aucune pub, mais que celles-ci ne seront plus ciblées en fonction de votre profil. Et celles-ci rapportent «50 % de moins», précise Emmanuel Parody. Ce que confirme à Ouest-France le fondateur de Critéo, la première entreprise française de ciblage publicitaire.

«En réalité, rien n’a jamais été gratuit. Le fait d’imposer ce choix entre accepter les cookies ou payer rappelle que des gens sont payés pour produire ces contenus. Qu’un média a besoin de financement pour vivre», explique le publicitaire. Selon les spécialistes interrogés par ces deux médias, la pratique devrait s’étendre.

La pratique est-elle légale? Des contrôles seront menés «au cas par cas», indique la Cnil à CheckNews. En juin dernier, le Conseil d’Etat avait donné raison aux éditeurs de sites contre la Cnil, qui avait interdit les «cookies wall» (le fait de bloquer l’accès à un site aux internautes qui refusent les cookies). Comme CheckNews l’avait expliqué à l’époque, le Conseil d’Etat avait en fait indiqué que la Cnil ne pouvait décider que d’une interdiction de principe, mais «sans se prononcer sur le fond de la question». Plusieurs spécialistes expliquaient alors que la Cnil devrait examiner chaque site.

Mise à jour lundi 12 avril à 10h30 Suppression sur la déclaration de la Cnil à Ouest-France, ajout de précisions sur sa position.

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