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Sénégal: Wade en lice une 3e fois

Le Conseil constitutionnel a validé vendredi soir la nouvelle candidature du président sortant, tout en mettant hors jeu le chanteur Youssou Ndour. Au risque d’enflammer le pays.
par Hélène Boizia, De notre correspondante à Dakar
publié le 28 janvier 2012 à 0h00

Les cinq Sages du Conseil constitutionnel ont annoncé vendredi soir la liste des candidats autorisés à se présenter à l’élection présidentielle du 26 février. Choc à Dakar. Ils ont autorisé le président Abdoulaye Wade à briguer un troisième mandat, au risque d’embraser le pays. La question de la légalité de la candidature du chef de l’Etat cristallisait, depuis des mois, le débat politique au Sénégal. Un enjeu devenu primordial en juin, quand des milliers de Sénégalais sont descendus dans les rues pour empêcher une modification de la Constitution proposée en catimini par le pouvoir et autorisant le Président à être élu au premier tour avec seulement 25% des voix.

Juriste. Depuis, opposants et partisans du Président s'affrontaient à coup d'interprétation de la Constitution. Remaniée en 2001 sous l'impulsion de Wade, alors tout juste élu premier président de l'alternance, le texte stipule que le mandat présidentiel «est renouvelable une seule fois». Réunis en août à l'initiative des partis politiques d'opposition et mouvements de la société civils, cinq constitutionnalistes sénégalais - dont un membre du comité de rédaction et de la Constitution - avaient tous estimé que cette disposition devait s'appliquer au président candidat. «L'esprit et la lettre de la Constitution interdisent un troisième mandat à Wade. C'est pourquoi nous devons refuser le dépôt de sa candidature», avait alors déclaré Mounirou Sy, professeur de droit à l'université de Dakar.

Forte de ces arguments, l'opposition réfutait la thèsedu pouvoir selon laquelle le président Abdoulaye Wade, ayant exercé son premier mandat sous la constitution précédente, n'en a fait qu'un sous la réglementation actuelle et est donc autorisé à se représenter. L'initiative du pouvoir, de faire venir à grands frais, en novembre, des juristes étrangers pour défendre la position du chef de l'Etat, n'avait fait qu'envenimer le débat. Dans son combat contre le troisième mandat, l'opposition rappellait aussi qu'en 2007 Abdoulaye Wade avait publiquement promis de ne pas se représenter. Puis elle avait fait de l'expression «je l'ai dit, je me dédis» - «Wax waxeet» en wolof, la langue parlée au Sénégal -, prononcée en juillet par le Président lors de son discours à la nation, un argument de campagne, transformé en chanson coup de poing par le chanteur de rap engagé Didier Awadi.

Menace. «Si Wade participe aux élections, il n'y aura pas d'élections. Si les membres du Conseil constitutionnel valident sa candidature, ils seront responsables de tout ce qui adviendra au Sénégal», avait déclaré, lors d'un récent rassemblement en banlieue, Alioune Tine, président du mouvement de défense des droits de l'homme, la Raddho, et porte-parole du M23. Face à un Conseil constitutionnel dont tous les membres sont nommés par le Président, et qui viennent de se voir allouer une nouvelle indemnité financière par la présidence, l'opposition agitait déjà la menace de la rue. Tout en invoquant le respect de la légalité, les jeunes, réunis vendredi sur la place de l'obélisque pour une ultime démonstration de force avant la décision du Conseil, ne disaient pas autre chose. «Si les juges autorisent Wade à se présenter, le pays sera en feu», avertissait l'un d'entre eux. Dans son taxi, Papis semblait bien d'accord avec les manifestants. Pas sûr pour autant qu'il soit prêt à risquer son gagne-pain.

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