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Shérif Elstadt, fais-leur peur

Par FADAT Jérémy
  • Rynhardt Elstadt (Toulouse)
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Débarqué comme joueur supplémentaire en octobre 2017, le Sud-Africain s’est imposé comme le justicier indispensable et la caution combat qui manquait à une flamboyante équipe stadiste. Lui, aussi charmant dans la vie que rugueux sur un terrain, qui s’épanouit depuis son arrivée dans la ville rose. Découverte d’un sacré personnage.

Il suffit d’une poignée de minutes avec Rynhardt Elstadt pour lui imaginer une deuxième carrière d’acteur. Pas seulement car ses grands yeux bleus, ses cheveux clairs, son physique avantageux et son allure élancée lui offrent de faux airs de Daniel Craig, dernier ambassadeur des James Bond. C’est aussi que le Sud-Africain a ce talent pour cumuler les rôles, comme nombre de joueurs dans son profil. Hors rugby, Elstadt est souriant, affable et charmant. Entre séducteur et gendre idéal. Mais, dès qu’il pose un pied sur un terrain, le gentleman se transforme en impitoyable justicier. Ce n’est donc pas parce qu’il a longtemps porté le maillot de la Western Province qu’il aurait parfaitement incarné un shérif dans «Il était une fois dans l’Ouest» ou «Le bon, la brute et le truand». Trêve de plaisanterie, l’ancien des Stormers est la caution guerrière du Stade toulousain, celui qui fait régner l’ordre dans les rucks et assène les cartouches en défense. «En France, vous dites qu’il y a ceux qui jouent du piano et ceux qui les déménagent, en sourit-il. Les deux sont indispensables. Je fais partie de la deuxième catégorie mais, sans des mecs comme moi, les artistes ne peuvent pas faire grand-chose. On répète souvent que les avants font le sale boulot et que les trois-quarts brillent. Cela a toujours été ainsi mais, si nous ne sécurisons pas le ballon, les arrières ne l’auront jamais. Je n’ai aucun problème avec ça. On ne peut pas tous avoir le même travail. Je fais celui de sape et nos flèches marquent les essais. J’aimerais bien en inscrire davantage mais je suis incapable de les imiter (sourires). Je sais qu’on a trouvé un parfait équilibre sur ce plan cette saison, qui explique nos résultats.» Elstadt assume le registre dans lequel il évolue. Et revendique même l’aspect rugueux de son jeu : «J’ai toujours adoré quand ça tape fort, je m’épanouis dans un rugby physique. C’est ma nature et ma culture. Puis notre sport réclame du combat, même quand on produit un jeu ambitieux comme à Toulouse.»

Dogme qui lui vient de ses jeunes années aux Stormers, lorsqu’il a découvert le haut niveau. «Mon maître, c’est Rassie Erasmus, l’actuel sélectionneur des Springboks, affirme le flanker, capable de monter en deuxième ligne, poste auquel il a commencé sa carrière professionnelle. Il était en charge de la défense quand j’ai débuté et il est sûrement le meilleur spécialiste que j’ai connu dans ce domaine . Il a fait de moi ce que je suis.» Peut-être la raison pour laquelle la presse sud-africaine a récemment évoqué un intérêt prononcé du boss des Boks pour son ex-protégé, impressionné par ses performances en France, ce qui pourrait conduire Elstadt à une convocation pour le prochain Rugby Championship et pourquoi pas la Coupe du monde.

Ce premier jour où il a secoué «doudou»

Un appel en équipe nationale serait-il de nature à combler un vide pour celui qui n’a jamais été dans les plans avant de rejoindre l’Europe en octobre 2017 ? «Non, je n’ai aucune frustration et ne le vis pas comme un manque, rétorque-t-il. J’ai espéré défendre le maillot de mon pays mais ça ne se réclame pas. Je n’étais sûrement pas assez bon. J’ai disputé une Coupe du monde junior avec les Baby Boks (en 2009) mais, après huit saisons au Stormers, j’avais besoin de voir autre chose. Il fallait que je sorte de mon confort. Sur le plan humain mais aussi sportif. C’était la condition pour progresser.» L’opportunité est ainsi apparue à l’instant idoine. «En 2011, j’ai eu l’occasion de venir à Castres mais j’étais un gamin. J’ai préféré continuer à me construire, à me faire un CV chez moi. Puis j’ai commencé l’aviation (voir encadré) et passé du temps à étudier. Quand je me suis retrouvé au bout de l’aventure, Toulouse s’est présenté avec une offre. C’était le moment pour basculer.» Et rejoindre son pote Cheslin Kolble, avec qui il évoluait aux Stormers et qui venait de débarquer à Ernest-Wallon. «Cheslin avait signé à Toulouse et, le jour des adieux, il était très ému, carrément en larmes. Moi, j’avais déjà quelques contacts avec le Stade et je lui ai glissé à l’oreille : «T’inquiète, je vais peut-être vite arriver.» Lorsque j’ai atterri à Blagnac, on m’a directement amené de l’aéroport au stade pour assister à un match contre Clermont. C’était une découverte incroyable.»

Pourtant, les présentations ne sont pas été des plus amicales lors de la première séance d’entraînement. Car, si les contacts sont rudes avec Elstadt le week-end, ils peuvent aussi l’être en semaine. Dorian Aldegheri, victime d’un plaquage sévère, en a d’abord fait les frais, jusqu’à être «électrocuté» selon un témoin de la scène. Ce qui a failli accoucher d’un accrochage général. «Vous êtes au courant de ça, se marre l’intéressé. Oui, j’avais un peu secoué «Doudou»… C’était chaud sur le coup mais c’est la manière dont je fonctionnais. En Afrique du Sud, on m’avait toujours appris qu’on s’entraîne comme on joue si on veut connaître le succès. En arrivant en France, on m’a demandé d’être plus relax (sic). J’ai eu du mal à le comprendre. C’était si bizarre à mes yeux. C‘est ce qui a été le plus dur dans mon apprentissage ici car j’ai dû changer mon état d’esprit. J’avais besoin que ça cogne et, parfois, ça irritait les autres. Là, le staff venait me voir : «Non ça, Rynhardt, tu ne peux pas.» Moi, je répondais : «O.K., O.K.» Maintenant, ça va mieux. J’ai intégré le fait que les saisons sont tellement longues en Top 14 qu’on doit savoir lever le pied. Je crois avoir réussi à trouver le bon équilibre, j’essaye de me canaliser même si, des fois, ça déborde un peu. Mais je perds mes qualités si je deviens trop paresseux (sourires).»

Schalk Burger, ce mentor

Reste que le Sud-Africain s’est imposé comme un maillon essentiel, en tous points de vue, de l’effectif rouge et noir. Alors qu’il manquait certains patrons l’été passé, il avait même été nommé capitaine durant les matchs de préparation. Un signe fort. «S’il faut prendre plus de responsabilités, pas de souci. D’autant plus que je commence à avoir un peu de vécu. Même si je ne parlais pas assez bien français pour tenir un discours devant mes partenaires, j’avais apprécié cette marque de confiance du staff. Je me moque d’être un cadre ou pas, mais je peux montrer l’exemple par mon attitude sur le terrain.» Un désir de transmission, hérité là encore de ses débuts en Super Rugby, quand il côtoyait son modèle. Sans surprise, il n’est autre que Schalk Burger, le mythique sécateur springbok. «Il est mon mentor, une légende que j’admirais depuis l’adolescence. J’ai eu le privilège de jouer une cinquantaine de matchs à ses côtés aux Stormers. Il a été mon capitaine et j’en suis fier. J’étais un petit garçon devant lui. C’est un des hommes les plus droits que j’ai pu croiser. Dans l’ensemble, j’ai eu la chance de côtoyer de grandes stars, comme Bryan Habana aussi. J’ai tellement appris d’eux. J’aimerais avoir la même aura, cette faculté naturelle à aider les jeunes. C’est pareil pour Jerome Kaino. Après l’avoir affronté, je joue aujourd’hui avec une autre légende et je constate son influence sur les autres tous les jours. Puis il m’offre plus de liberté dans le jeu. Ça me soulage de l’avoir à côté car je sais que lui aussi va s’occuper des tâches obscures.» Ce qui permet à Elstadt de définitivement s’épanouir. Dans son rugby et dans sa vie. «Je touche quand même de plus en plus de ballons, c’était un peu le souhait du staff (sourires). J’ai eu besoin de trouver mes marques mais les sensations sont montées crescendo et mon rôle dans le groupe a évolué. À Toulouse, on me demande d’être plus complet et ça me plaît.» À tel point qu’il a confié à plusieurs proches que ce sera son deuxième et dernier club. Gage d’un homme d’actes sur le terrain autant que de parole en dehors. «Prolonger ici est une des meilleures décisions que j’ai prise. Je vis une expérience fabuleuse depuis un an et demi et je veux finir ma carrière en France.»

 

En Afrique du Sud, on m’avait toujours appris qu’on s’entraîne comme on joue. En France, on m’a demandé d’être plus relax. J’ai eu du mal à le comprendre.

Digest...

Né le : 20 décembre 1989 à Johannesburg (Afrique du Sud)

Mensurations : 1,98m ; 117kg

Poste : Troisième ligne aile

Clubs successifs : Stormers (2011-2017), Stade toulousain (depuis 2017)

Sélections nationales : Springboks moins de 20 ans (2009)

Palmarès : Currie Cup avec la Western Province (2014)

"Sans des mecs comme moi, les artistes ne peuvent pas faire grand-chose. Si nous ne sécurisons pas le ballon, les arrières ne l’auront jamais."

Depuis 2013, date à laquelle il a débuté ses études de pilotage, Rynhardt mène une vie chargée dans laquelle l’aviation tient une place prépondérante. «J’ai passé les diplômes pour piloter sur les vols commerciaux dans mon pays, explique-t-il. Au bout de quelques mois à Toulouse, j’ai décidé de viser la licence de pilote française. Je veux pouvoir travailler ici mais il me fallait obtenir une équivalence.» En dehors des entraînements à Ernest-Wallon, Elstadt passait ainsi cinq heures par jour dans les bouquins. À côté du rugby, le Sud-Africain a trouvé sa deuxième passion. «C’est génial, ça fait partie de choses dont je ne peux pas me passer. Tout le monde trouve ce métier prestigieux, peu de gens l’exercent, mais je vous assure qu’on ne décroche pas ce genre de diplôme sans énormément de travail et de sacrifices. C’est un job unique que je recommanderais à beaucoup de personnes car il procure des sensations incroyables. Vous savez quoi ? J’habite près de Blagnac, donc de l’aéroport, et les avions qui décollent me servent de réveil le matin. J’adore ça.»

Surtout, cette activité lui permet de visiter notre pays plus vite que ses partenaires. «Il m’arrive souvent, sur nos repos, de partir pour une journée. Je suis par exemple allé à La Rochelle ou plein de fois à Cannes. J’ai un ami pilote principal sur un avion privé. Quand il a de la place, je suis le copilote et on se fait une virée, même si je peux évidemment piloter seul aussi.»

 

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