Glottophobie : Castex, Delga, Euzet, ces élus d'Occitanie fiers de leur accent et de leurs origines
La nomination de Jean Castex au poste de premier ministre a suscité de nombreux commentaires et moqueries à cause de son accent du Sud-Ouest. Ce phénomène porte un nom : la glottophobie.
"J'adore l'accent de Jean Castex, j'ai l'impression d'être en vacances" ce commentaire de la députée européenne Nadine Morano lors de son passage dans l'émission les "Grandes Gueules" le 6 juillet dernier n'est pas un épiphénomène. Il s'inscrit dans un ensemble de railleries et de moqueries, notamment sur les réseaux sociaux, concernant l'accent prononcé du nouveau Premier ministre.
"J'adore l'accent de Jean Castex, j'ai l'impression d'être en vacances", assure Nadine Moranohttps://t.co/fZMUfnzzuH
— RMC (@RMCinfo) July 6, 2020
"C'est pathétique" déplore le député LRM de la 7eme circonscription de l'Hérault Christophe Euzet. "On ne regarde pas son parcours, on s’attache à la prononciation alors qu’il parle un français impeccable" s'agace-t-il. Pour le sociolinguiste Philippe Blanchet les remarques et commentaires sur l'accent de Jean Castex sont "glottophobes".
Glottophobie késako ?
Mais qu'est-ce donc que la glottophobie ? Pour Philippe Blanchet, aussi auteur de Discriminations : combattre la glottophobie (Éditions Lambert-Lucas, 2016), cette notion est définie par "des discriminations subies en raison de l'accent". Moins connue que d'autres formes de rejet, la glottophobie peut avoir des répercussions graves pour les personnes qui en sont victimes.
Cette stigmatisation a des conséquences sur l'obtention d'un emploi, l'accès à un logement, à un crédit, ou même l'accès aux soins. "On dit à certaines personnes : "quand on comprendra ce que vous dites on vous soignera"" s'étrangle Philippe Blanchet.
Un manque de légitimité
La multiplication des remarques sur l'accent d'une personne est aussi un poids psychologique. "Vous savez, c’est un peu comme les remarques sur la féminité. Ça peut être plaisant au début, mais à la longue... On ne se réduit pas à un accent chantant ou à la couleur de sa robe" confie Carole Delga, présidente de la région Occitanie. En 2018, Jean-Luc Mélenchon s'était moqué de l'accent d'une journaliste avant de s'excuser.
L'accent renvoie aussi à un manque de compétence et de légitimité. L'inflexion du Sud est d'autant plus touchée par ces interprétations. "L’accent du sud est sympathique mais il véhicule une impression d’incompétence. On est incompétent mais on est sympa" peste Christophe Euzet.
Un système discriminant ancien
Pour Philippe Blanchet, la glottophobie s'inscrit dans la genèse de l'État français moderne et trouve ses origines lors de la Révolution française. "Cela s’est d’abord exercé en rejetant les autres langues de France et en imposant l’usage exclusif du Français". Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, "on vous empêche d’avoir un accent autre que celui parisien, qui n’est pas neutre mais est aussi un accent" affirme le chercheur, lui-même né à Marseille.
"C’est un système discriminant qui empêche d’accéder au prestige de certaines fonctions si on n’a pas l’accent de la bourgeoisie parisienne" continue Philippe Blanchet, "pour être accepté vous devez abandonner votre prononciation locale".
Glottophobie : le nouveau premier ministre, Jean Castex victime de discrimination en raison de son accent du Sud-Ouest https://t.co/R8mslfjnIv pic.twitter.com/DbgJKXZ7fv
— France 3 Occitanie (Toulouse) (@France3MidiPy) July 4, 2020
Un espoir avec Jean Castex ?
La nomination de Jean Castex, originaire du Gers, peut-elle être un espoir pour les personnes souffrantes de glottophobie ? Pour Carole Delga "Ce n’est malheureusement pas un seul homme qui pourra faire changer les choses en profondeur". Philippe Blanchet se veut plus optimiste : "C'est un bon signe, de plus en plus de gens trouvent que c'est inacceptable que l'on discrimine des gens à cause de leur accent".
Christophe Euzet espère que l'arrivée de Jean Castex à Matignon contribue "à normaliser l’expression de l’accent du sud dans la sphère d’expression publique". Le député de l'Hérault a déposé en décembre 2019 une proposition de loi visant à lutter contre la glottophobie. "J’ai bon espoir qu’elle soit adoptée d’ici la fin de l’année" conclut-il.
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