PREUVE. D'ordinaire, ce sont les moules qui sont au menu du poulpe, également appelé pieuvre commune (Octopus vulgaris). Mais il lui arrive parfois de préférer manger un individu de sa propre espèce... Et en particulier ses bras ventousés. Un acte de cannibalisme, qui, pour la première fois, a été filmé dans la nature par des plongeurs. Au-delà de tout aspect moral anthropomorphique, pour quelle raison biologique un poulpe en mange-t-il un autre ?
Une question de territoire ?
Les scientifiques savaient déjà que les pieuvres étaient capables de cannibalisme, mais les cas rapportés jusqu'alors n'étaient connus que suite à l'analyse de contenus stomacaux (donc indirectement) ou d'après des observations en laboratoire (pouvant comporter certains biais).
Un poulpe surpris en train d'en manger un autre (gris en haut à droite) ©Manuel E. Garci [IIM/CSIC]
CONTROVERSE. En captivité, les poulpes peuvent notamment être trop nombreux dans le même aquarium, ce qui entraîne des luttes de territoire. Le cannibalisme pourrait ainsi être un moyen d'endiguer la surpopulation et de défendre un espace vital. Reste que l'existence de la territorialité chez les poulpes est controversée dans le milieu scientifique, les études sur le sujet ayant abouti à des résultats variables.
Le cannibalisme : un bilan énergétique positif
Exit la raison territoriale. Les chercheurs lui préfèrent une autre hypothèse : celle du meilleur rendement énergétique. Imaginez, vous avez le choix entre un plateau de moules vivantes et les tentacules d'un petit poulpe sans défense. De toute évidence, il sera moins fastidieux de picorer les bras du céphalopode, plutôt que de décortiquer une à une chaque moule bien fermée.
FAINÉANT. Ainsi, selon les spécialistes de la question, tel Jorge Hernández-Urcera, de l'Institut de recherche marine (IIM) à Vigo (Espagne), quand une pieuvre se nourrit d'un petit membre de son espèce, elle reçoit la même quantité d'énergie qu'elle aurait obtenue en se nourrissant d'un grand nombre de moules. Et ce, alors qu'elle dépense moins d'énergie en capturant un autre poulpe qu'en ouvrant les moules. Le calcul est vite fait : le bilan énergétique du cannibalisme est positif. Et si le poulpe ne sait pas compter, il est peut-être un peu fainéant.