La découverte d'une étrange sépulture sur les hauteurs pelées du mont Lykaion (ou mont Lycée) au sud-ouest de l’Arcadie, dans le Péloponnèse, pourrait bien balayer quelques idées reçues concernant la pratique de sacrifices humains dans une civilisation associée à l’idée d’humanité. Le squelette d’un jeune homme, retrouvé plus de 3000 ans après son inhumation au coeur de ce célèbre sanctuaire dédié à Zeus, dieu suprême du panthéon grec, interpelle les archéologues. Étendu dans une fosse bordée de dalles de pierre, le corps de l’adolescent reposait parmi les cendres d’une importante quantité d’animaux immolés… Cette trouvaille sans précédent évoque un rite sacrificiel mentionné dans différents textes grecs. Ainsi, dans La République de Platon, Socrate interroge Adimante à propos de rumeurs sur des scènes de cannibalisme qui se seraient déroulées sur le Lykaion, la "montagne des loups". Plusieurs siècles après, Pausanias, géographe du 2e siècle de notre ère, écrit que "des sacrifices secrets à Zeus Lykaion" auraient eu lieu sur cette montagne. Le philosophe Porphyre rapporte à son tour dans De Abstinentia qu’au cours des fêtes "lycéennes", des sacrifices humains avaient lieu en Arcadie. Depuis 2004, une équipe grécoaméricaine, travaillant sous l’égide de l’École américaine d’études classiques d’Athènes, fouille cet "autel de cendres" où selon David Gilman Romano, professeur d’archéologie à l’Université d’Arizona (États-Unis) et codirecteur du projet, "des sacrifices d’animaux, surtout des chèvres et des moutons, ont fait l’objet d’un culte précoce à Zeus, dès le 16e siècle avant notre ère". Des humains auraient-ils été également immolés ?
Moins d’un dixième du site du mont Lycée a été fouillé
Contacté à Athènes par Sciences et Avenir, l’helléniste Pierre Bonnechère, de l’Université de Montréal (Canada), auteur des Sacrifices humains en Grèce ancienne (1994), salue la trouvaille. En se gardant toutefois d’en tirer des conclusions hâtives. "Ne faisons pas des amalgames trop rapides entre les mythes et les découvertes archéologiques", explique-t-il. A contrario, d’autres spécialistes considèrent que l’Occident moderne a une vision trop romantique des anciens Grecs. Ainsi, pour David Gilman Romano, un constat s’impose : "Quoi qu’il en soit, cet endroit est un autel sacrificiel, pas un cimetière… Pourquoi y avoir enterré ce jeune homme ?" Seuls 7 % du site du mont Lycée ont pour l’instant été explorés. Les années à venir pourraient livrer d’autres corps, ces travaux devant être poursuivis jusqu’en 2020 selon le ministère grec de la Culture.