Partager
Climat

La fonte du permafrost est-elle une menace pour l'humanité ?

"Si le permafrost dans les pays arctiques dégèle, est-ce possible que certains virus disparus depuis longtemps redeviennent actifs ?", nous demande un lecteur sur notre page Facebook. C'est la question de la semaine.

réagir
Le permafrost recouvre 25% des terres émergées de l'hémisphère nord, notamment en Russie, au Canada et en Alaska.

Le permafrost recouvre 25% des terres émergées de l'hémisphère nord, notamment en Russie, au Canada et en Alaska.

AFP/ARCHIVES - MLADEN ANTONOV

"Si le pergélisol (permafrost en anglais) dans les pays arctiques dégèle, est-ce possible que certains virus disparus depuis longtemps redeviennent actifs ?", nous demande Georges Boucher sur notre page Facebook. Chaque semaine, sur la page de Sciences et Avenir, nous sélectionnons une question de lecteur pour lui apporter une réponse. Merci pour votre insatiable curiosité.

L'on parle de "pergélisol" en français, et de "permafrost" en anglais : ces sols gelés toute l'année recouvrent 25% des terres émergées de l'hémisphère nord, notamment en Russie, au Canada et en Alaska. Ils peuvent être composés de micro-lentilles de glace ou de grosses masses de glace pure, sur une épaisseur de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres.

La fonte du permafrost : des effets climatiques...

La fonte du permafrost inquiète le plus souvent pour ses effets climatiques. En effet, ces sols gelés renferment quelque 1.700 milliards de tonnes de gaz à effet de serre (GES), soit environ le double du dioxyde de carbone (CO2) déjà présent dans l'atmosphère. Avec le changement climatique en cours, le permafrost se réchauffe et commence à fondre, libérant progressivement les milliards de tonnes qu'il renferme, au risque notamment d'accélérer le réchauffement global.

La fonte du permafrost hypothèque déjà l'objectif, énoncé par l'accord de Paris, de contenir le réchauffement climatique à moins de +1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle, selon une étude scientifique publiée en septembre 2018 dans Nature Geoscience. Dans cette étude, les auteurs décrivent un cercle vicieux : les gaz émis par le permafrost accélèrent le réchauffement, qui accélère la fonte du permafrost. D'ici à 2100, ce dernier pourrait, selon le scénario le moins négatif, diminuer de 30% et libérer jusqu'à 160 milliards de tonnes de GES, alertait en 2015 la chercheuse Susan Natali, du Woods Hole Research Center.

... et sanitaires

Outre ses effets climatiques, la fonte du permafrost, qui abrite des bactéries et virus parfois oubliés, représente aussi une menace sanitaire. Pendant l'été 2016, un enfant est mort en Sibérie de la maladie du charbon (anthrax), pourtant disparue depuis 75 ans dans cette région. Pour les scientifiques, l'origine remontait très probablement au dégel d'un cadavre de renne mort de l'anthrax il y a plusieurs dizaines d'années. Libérée, la bactérie mortelle, qui se conserve dans le permafrost pendant plus d'un siècle, a réinfecté des troupeaux. Et la menace ne se limite pas à l'anthrax.

Des chercheurs ont découvert ces dernières années plusieurs virus géants, dont l'un vieux de 30.000 ans baptisé Mollivirus sibericum, conservés dans le permafrost. Dans ces régions arctiques, que la fonte du permafrost a rendues plus accessibles pour l'industrie minière et pétrolière, les scientifiques préviennent que certains de ces virus pourraient se "réveiller" un jour si les Hommes remuent trop en profondeur les sous-sols. "Quelques particules virales encore infectieuses peuvent être suffisantes, en présence de l'hôte sensible, à la résurgence de virus potentiellement pathogènes dans les régions arctiques de plus en plus convoitées pour leurs ressources minières et pétrolières et dont l'accessibilité et l'exploitation industrielle sont facilitées par le changement climatique", expliquait en 2015 le CNRS dans un communiqué. "Si on n'y prend pas garde et qu'on industrialise ces endroits sans prendre de précautions, on court le risque de réveiller un jour des virus comme celui de la variole qu'on pensait éradiqués", alertait en 2015 auprès de l'AFP Jean-Michel Claverie, professeur à l'Université d'Aix-Marseille, directeur de l'Institut de microbiologie de la Méditerranée (CNRS) et à l'origine de la découverte du virus géant vieux de 30.000 ans dans le permafrost.

MATÉRIEL. La fonte du permafrost cause également de coûteux dégâts matériels : bâtiments écroulés, glissements de terrain, routes et tarmacs instables. Selon un rapport de Greenpeace publié en 2009, les compagnies russes dépensaient à l'époque jusqu'à 1,3 milliard d'euros par an pour réparer les pipelines, immeubles et ponts déformés par les effets du réchauffement et de la fonte des terres gelées.

Lise Loumé avec AFP

Commenter Commenter
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications