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Santé

Covid-19 : clarifications sur la pharmacocinétique de l’hydroxychloroquine

Suite à des questionnements issus d’un collectif de médecins au sujet de l’article de Sciences et Avenir du 24 avril sur la pharmacocinétique de l’hydroxychloroquine, nous avons recontacté le Pr Molimard afin de préciser les modalités d’action du médicament, où les questions de dose à administrer et de durée du traitement sont cruciales.

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Une boîte de Plaquénil, nom commercial de l'hydroxychloroquine qui pourrait avoir un effet contre l'infection Covid-19.

Une boîte de Plaquénil, nom commercial de l'hydroxychloroquine.

Mathieu Pattier/SIPA

Le 24 avril 2020, Sciences et Avenir a publié un article où le Pr Mathieu Molimard, chef de service de Pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux, expliquait que la pharmacocinétique de l’hydroxychloroquine (HCQ) permettait de prédire que ce traitement ne pourrait pas être efficace contre le Covid-19. Suite à cet article, le collectif de médecins « COVID19-Laissons les médecins prescrire » a émis quelques doutes sur ce raisonnement. Sciences et Avenir a contacté ce collectif afin de comprendre leurs inquiétudes.

Une concentration qui s’accumule jusqu’à atteindre un équilibre

« Nous sommes un collectif de médecins créé au début de la crise sanitaire, suite à l’interdiction pour les médecins de prescrire l’hydroxychloroquine », déclare le docteur Jean-Louis Thomas, médecin à la retraite et membre du collectif, faisant référence au décret datant du 26 mars 2020 qui interdit l’accès à l’hydroxychloroquine en dehors de ses indications prévues, sauf dans un cadre hospitalier pour les patients à un stade prononcé de la maladie Covid-19. « Ce que nous critiquons sur cet article est qu’il s’agit d’un calcul théorique, alors qu’on peut simplement se baser sur les études déjà disponibles, par exemple sur les patients traités avec l’hydroxychloroquine pour lupus ou en prévention du paludisme, explique-t-il. Dans ces études, on voit bien qu’il n’y a pas besoin de 67 comprimés de Plaquenil pour atteindre une concentration de 1 µM dans le plasma. On doit utiliser des arguments pratiques, pas seulement théoriques. » Le collectif donne comme exemple deux études sur la concentration plasmatique de HCQ chez des patients traités pour le lupus, datant de 2015 et 2016, ainsi qu’une étude où les patients ont été traités en prévention du paludisme avec une dose unique de HCQ, datant de 2009.

Contacté par Sciences et Avenir, le Pr Molimard, clarifie son raisonnement : « Quand on donne un médicament, sa concentration monte progressivement pour atteindre la concentration d’équilibre. C’est un peu comme si on mettait des comprimés dans une baignoire qui fuit mais la fuite est, pour simplifier, proportionnelle à la quantité présente dans la baignoire : il faut ajouter le volume nécessaire pour la remplir (le volume de distribution) avant d’atteindre un équilibre entre l’entrée et la sortie de l’eau dans la baignoire (car une partie du médicament est éliminée régulièrement), c’est-à-dire, avant d’atteindre un équilibre dans la concentration de la molécule dans le plasma. Selon nos calculs, pour l’hydroxychloroquine, il faudrait l’équivalent de 67 comprimés de 200 mg pour atteindre cet équilibre, donc environ 3 comprimés par jour pendant une vingtaine de jours », illustre-t-il. Selon le pharmacologue, ce raisonnement est validé par les études mentionnées ci-dessus sur le lupus, où les patients ont été traités pendant plusieurs mois pour atteindre une concentration plasmatique entre 1 et 3 µM en moyenne. « C’est une des raisons qui explique que les patients atteints de lupus commencent à sentir les effets de l’hydroxychloroquine après plus d’un mois de traitement », conclut-il. Pour l’étude sur la prévention du paludisme, où les patients ont été traités avec une dose unique, la concentration plasmatique est au maximum transitoirement de 1,22 µM mais chute à 0,5µM en 24h.

Une question de temps plus que de concentration

Donc, il est tout à fait possible d’atteindre la concentration plasmatique de 1 µM dans les patients atteints de Covid-19, mais cela risque de prendre trop de temps : « Par exemple, dans l’étude de l’équipe de Raoult, ils atteignent 1,37 μM au bout de 10 jours, en donnant 600 mg d’HCQ par jour (l’équivalent de 3 comprimés de 200 mg), donc ils sont à un équivalent de 30 comprimés de Plaquenil, détaille le Pr Molimard. Mais on a besoin d’un effet rapide, on ne peut pas attendre 10 jours, on n’a que 2-3 jours si on veut arrêter l’infection au début, comme préconise le Pr Raoult, et en 2-3 jours on n’atteindra pas cette concentration dans le plasma. » Une conclusion similaire peut être tirée d’une autre étude évoquée par le collectif, où le traitement le plus efficace pour diminuer la charge virale est de 800 mg durant 7 à 10 jours, selon une modélisation théorique. Les auteurs précisent qu’une augmentation de la dose journalière pourrait avoir des effets plus rapidement, mais risque aussi de causer des problèmes cardiaques.

Et il est probable que même une concentration de 1 µM ne soit pas suffisante, car il s’agit du bas de la fourchette de ce qui est prévu in vitro. De plus, les études récentes suggèrent qu’il faut au moins 5µM pour atteindre l’EC50 et 10µM pour atteindre l’EC90. « C’est ce que semble montrer en clinique une nouvelle étude randomisée avec 150 patients (pas encore publiée, donc qui n’a pas encore eu de peer-review, disponible en preprint, NDLR), où le traitement était de 1200 mg pendant 3 jours puis 800 mg par jour pendant 2 semaines pour les formes modérées ou 3 semaines pour les formes sévères, donc un équivalent de 62 comprimés sur 15 jours (ou 90 sur 3 semaines pour les formes sévères), mais aucun des traitements n’a réussi à réduire la charge virale comparativement aux patients qui n’en recevait pas, résume le Pr Molimard. Il est probable que les concentrations inhibitrices du virus in vivo soient inaccessibles sans mettre en jeu la vie du patient. »

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