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Santé

Scandale de la prothèse Prolift : faut-il s'inquiéter en France ?

Douleurs permanentes, infections, perforations d'organes, des milliers de femmes dans le monde portent plainte contre le laboratoire propriétaire de la prothèse Prolift, utilisée pour traiter la descente d'organes et l'incontinence après accouchement.

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Prothèse vaginale / Implant de renfort contre le prolapsus / descente d'organes

L'usage des prothèses vaginales (ou implants de renfort) peuvent être indiquées sur les bons patients et par un bon chirurgien.

Emily Critchfield/Duke Health

Douleurs permanentes, incapacité à marcher ou avoir des relations sexuelles : des milliers de femmes à travers le monde se déclarent victimes d’une prothèse d’origine française.  Utilisée pour traiter la descente d’organes (ou prolapsus) et l'incontinence après l'accouchement, la prothèse Prolift peut se fendre dans le vagin et causer une gêne grave, comme l’a dénoncé l’Obs dans une enquête récente. Mais en France, y a-t-il matière à s'alerter ?

Prolift, l’implant vaginal accusé par des milliers de patientes en souffrance

Prolift a été introduit sur le marché en mars 2005 par le laboratoire Johnson & Johnson et développé par une équipe française. Installé comme un filet par voie vaginale, il a pour fonction de prévenir les descentes d’organes et de traiter les incontinences post-accouchements.

Les plaignantes opérées sont Australiennes, Américaines, Anglaises, Ecossaises ou Néérlandaises. Victimes d’effets indésirables graves, elles portent plainte massivement contre le laboratoire Johnson & Johnson. Trop lourde et mal positionnée, la prothèse peut en effet mettre des années à cisailler le vagin ou perforer le rectum ou la vessie.

Au-delà des douleurs, les patientes entendent dénoncer le manque d’informations préalable. Ces femmes estiment ne pas avoir donné de consentement éclairé à cette opération. "Les seuls risques dont j'ai été informée avant ma chirurgie étaient qu’elle ne fonctionnerait peut-être pas, ce qui est complètement différent de devoir vivre chaque jour dans la douleur", témoigne une patiente via Mesh Down Under, groupe de victimes néozélandaises.

Le manque de formation des professionnels de santé est également mis en cause par les patientes qui dénoncent un diagnostic difficile et des chirurgiens réticents à ré-opérer. "Il m'a fallu quatre ans et six spécialistes différents pour obtenir un diagnostic", racontait en 2016 Mrs Sullivan, néozélandaise implantée en 2008.

Pas de Prolift en France, mais des prothèses similaires aux risques connus et surveillés

En France c’est en 2013 (un an après les Etats-Unis) que la commercialisation du Prolift et des 3 autres dispositifs médicaux similaires est arrêtée "par décision du laboratoire pour des raisons économiques", précise l’ANSM. Autrement dit, cet arrêt n'est pas imputé aux effets indésirables du dispositif.

Si Prolift n'est plus commercialisé chez nous, les autres prothèses similaires qui le sont font l’objet d’une surveillance et de recommandations d’usage précises. Ainsi, en juin 2016, le Boston Scientific Group, fabricant de plusieurs prothèses de renfort, a dû ajouter des effets indésirables dans les notices de plusieurs de ses produits sur demande des autorités, dont des "douleurs permanentes" ou encore des "perforations ou lacérations de vaisseaux, de nerfs, de la vessie, de l’urètre ou de l’intestin". De son côté, l’ANSM réalise actuellement un contrôle du marché sur ce type de dispositif et finance une étude destinée à rapporter et analyser les complications et effets indésirables graves liés à la chirurgie de l’incontinence urinaire d’effort et des Prolapsus des organes pelviens. 

Cependant, si le Prolift n’est plus disponible chez nous, la prothèse était encore utilisée assez récemment pour que certaines patientes françaises soient concernées. De plus, d’autres prothèses du même type sont actuellement commercialisées et utilisées en France. Pourquoi n'y a-t-il donc pas de mouvement judiciaire de la part des patientes implantées ? Selon les experts, information et écoute des patientes et bonnes pratiques médicales seraient les clés d'une prise en charge optimale.

En France, l’implant de renfort par voie vaginale n’est recommandé qu’en dernier recours

Les praticiens français suivent en effet des recommandations précises. Pour soigner le prolapsus, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande d’abord la rééducation pour en stabiliser l’évolution ou l’utilisation d’un pessaire (anneau souple placé dans le vagin) pour les patientes à très haut risque chirurgical ou qui refusent la chirurgie. Cependant, les pessaires présentant des risques élevés d’infections, le traitement demeure essentiellement chirurgical : soit avec les tissus existants (technique historique comportant d’importants risques de récidives), soit par l’installation de prothèses qui exposent à d’autres types de complications, notamment des érosions et des infections. Ces options permettent "d’adapter le traitement à la patiente", commente le Dr Nicolas Korahanis, chirurgien urologue à Montpellier.

D’après l’Association Française d’Urologie (AFU) la chirurgie de référence pour installer les prothèses se fait par voie abdominale plutôt que par voie vaginale. "Cette chirurgie a concerné 20.000 patientes en 2016 et donne d’excellents résultats", commente le Dr Christian Castagnola, chirurgien urologue et Vice-Président de l’AFU délégué à la communication, "Nous obtenons très peu de complications, avec seulement 3,4 % d’érosions et qui sont traitables".

En revanche, dans les cas où la voie abdominale n’est pas recommandée, par exemple parce que la patiente a subi trop d’interventions par cette voie ou si elle ne peut pas supporter une anesthésie générale, la voie vaginale reste un recours plus risqué mais possible. "Le succès de cette opération repose principalement sur une bonne indication et une technique précise", explique le Dr Christian Castagnola. "C’est une chirurgie plus délicate, avec un taux d ‘érosion de la prothèse qui peut atteindre 12 % et jusqu'à 12 % de dyspareunies (douleurs lors des apports sexuels)". Si ces effets indésirables sont signalés, il faut enlever tout le matériel lors d’une "chirurgie compliquée", sans garantie que les douleurs disparaissent. "Tous les traitements ont des effets secondaires", rappelle le Dr Nicolas Korahanis. "Même s’il y a eu de nombreuses complications sur certaines prothèses, des milliers de femmes ont aussi été guéries par ces techniques".

Information et écoute du patient, les piliers du consentement éclairé

"Gérer une complication n’est pas facile mais le dialogue reste la meilleure solution. Il m’a fallu parfois réopérer les patientes mais avec une bonne information cela n’a jamais posé de problème" commente le Dr Nicolas Korahanis, qui qualifie la chirurgie d’"école de l’humilité", dans laquelle "on apprend jusqu’à sa retraite".

Du côté des gynécologues, autre spécialité impliquée dans ce type de chirurgie, les recommandations vont dans le même sens en termes de communication, bien qu'elles n'affichent pas de préférence entre les chirurgies par voie abdominale et vaginale. Elles stipulent que les patientes doivent être informées des alternatives à la chirurgie en général (pessaire, rééducation) et à la chirurgie prothétique en particulier, mais aussi des complications "liées à la chirurgie du prolapsus, inhérentes à la voie d’abord vaginale ou abdominale".

"Le plus important c’est d’informer et écouter les patientes avant et après l’opération avec un suivi régulier" ajoute le Dr Castagnola, précisant que l'AFU recommande de donner systématiquement des fiches explicatives aux patientes en plus du dialogue au cabinet. Des règles déontologiques qui pourraient selon lui expliquer l’absence de mouvement judiciaire de la part des patientes françaises qui ont mal toléré l’implant de renfort. "On en revient toujours au dialogue avec les patientes", conclut-il, "et ne pas oublier que la souffrance de ces femmes doit toujours être prise en compte".

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