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Renseignement et espionnage dans la Rome antique

Renseignement et espionnage dans la Rome antique. Rose Mary Sheldon, Les Belles Lettres, 2009, 528 p., 35 €

Jean-Vincent Holeindre

Sciences Humaines N° 214 - Avril 2010

À la guerre, il ne suffit pas d’être le plus fort pour l’emporter. Il faut aussi être bien informé. Mieux connaître l’ennemi grâce à l’espionnage, mesurer ses forces et ses faiblesses, voire l’intoxiquer en diffusant de fausses informations… Telle est la fonction des services secrets, qui détiennent en partie les clés de la victoire. Les Américains l’ont appris à leurs dépens lors des attentats du 11 septembre 2001. Mais ce revers a eu aussi des effets bénéfiques puisqu’il leur a rappelé l’importance du renseignement dans la stratégie politique et militaire.

De ce point de vue, le parallèle avec les Romains est frappant. La passionnante enquête de Rose Mary Sheldon sur les pratiques romaines du renseignement commence avec le sac de Rome par les Gaulois en 390 avant notre ère et s’achève avec le règne de l’empereur Dioclétien au IIIe siècle. Les Romains n’ont au départ ni le goût, ni le savoir-faire en matière d’espionnage. Pour eux, la guerre est avant tout affaire de force, non de ruse. Mais ils ont aussi une remarquable capacité d’autocorrection. Dès qu’ils perdent une bataille, ils s’interrogent sur les raisons de leur défaite afin de retourner contre l’ennemi les armes qui leur ont été fatales. Après avoir été victimes des espions d’Hannibal et de ses manœuvres d’intoxication pendant la Deuxième Guerre punique (IIIe siècle av. J.-C.), les Romains trouvent en Scipion l’Africain le général de génie qui sait observer le camp adverse. À l’école de l’ennemi, les Romains passeront maîtres dans l’art de l’espionnage, tel César partant effectuer lui-même des missions de reconnaissance avant d’engager la bataille. Ils n’ont jamais cherché à institutionnaliser le renseignement, mais ils ont su en tirer profit pour conquérir le monde.

L’originalité de cet ouvrage tient au profil de l’auteure : ancien officier de l’armée américaine, R.M. Sheldon est devenue l’une des meilleures spécialistes de l’histoire du renseignement à l’époque de l’Antiquité gréco-romaine. Dans ce livre, elle propose une analyse à la fois rigoureuse et enlevée des principales sources anciennes, de Polybe à Tacite en passant par César et Tite-Live. À partir du cas romain, elle avance une thèse brillamment argumentée : en dépit des évolutions technologiques, les principes du renseignement sont immuables. De la République romaine à l’Amérique du XXIe siècle, ce n’est jamais la technologie qui a fait le bon stratège, c’est d’abord l’intelligence.

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