Réforme du code du travail : ce que prévoient les ordonnances

Emmanuel Macron a signé les ordonnances. © PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP
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avec AFP , modifié à

Désormais signées par Emmanuel Macron, les ordonnances de la réforme du code du travail vont progressivement entrer en vigueur dans les semaines à venir. Mais que vont-elles changer ?

L'épilogue du feuilleton de la réforme du code du travail approche à grands pas. Vendredi, Emmanuel Macron a signé, sous l’œil des caméras, les cinq ordonnances qui vont permettre de réformer le marché du travail. Elles seront publiées au Journal officiel ce week-end ou la semaine prochaine, ce qui leur permettra d'entrer progressivement en vigueur dans les semaines à venir. Malgré l'opposition des syndicats, la CGT en tête, les Français pourraient donc ressentir les premiers effets concrets de la réforme dans les semaines à venir. Pour s'y préparer, tour d'horizon des principales mesures des ordonnances.

  • Barème des indemnités prud'homales

Les ordonnances instaurent un plafond en cas de licenciement abusif, fixé à un mois de salaire en-dessous d'un an d'ancienneté, et qui augmentera jusqu'à 20 mois de salaire au-delà de 28 ans. Un plancher verra également le jour. Dans les TPE (moins de 11 salariés), il sera fixé à 15 jours à partir d'un an d'ancienneté, puis augmentera progressivement jusqu'à trois mois à partir de 11 ans. Dans les autres entreprises, il sera d'un mois à partir d'un an d'ancienneté, puis de trois mois à partir de deux ans.

Si le licenciement s'est accompagné de la "violation d'une liberté fondamentale" (ex : liberté d'expression), de harcèlement ou de discrimination, il n'y aura pas de plafond et le plancher sera fixé à six mois. En contrepartie, le texte crée une augmentation des indemnités légales de licenciement par décret à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté, contre 1/5 aujourd'hui, jusqu'à 10 ans. Au-delà, elles restent à 1/3 de mois.

  • Clémence pour les vices de forme

En cas de licenciement, un vice de forme n'empêchera plus un examen sur le fond. L'erreur formelle sera sanctionnée au maximum d'un mois de dommages et intérêts. Pour éviter les erreurs de procédure, employeurs et salariés auront accès à un formulaire-type.

  • Ruptures conventionnelles collectives

Les entreprises pourront, par accord homologué par l'administration, lancer des plans de départ volontaires autonomes, en dehors de plans sociaux. L'accord prévoira le niveau d'indemnités de tous les salariés volontaires. Actuellement, les séparations à l'amiable ne sont conclues qu'individuellement. Elles donnent droit à l'assurance chômage. La mesure inquiète beaucoup la CGT. "Est ce que c'est une façon d'éviter un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) ?", s'est interrogé Philippe Martinez.

  • Licenciements économiques

Les difficultés économiques des groupes licenciant en France seront appréciées au niveau du territoire national, au lieu du monde.

  • Délai de recours après un licenciement

Les salariés licenciés n'auront qu'un an pour saisir les prud'hommes. Jusqu'à présent, ils avaient un an en cas de licenciement économique, deux ans pour les autres cas.

  • Dialogue social des TPE-PME

Dans les entreprises jusqu'à 20 salariés sans élus du personnel, l'employeur pourra soumettre à référendum un projet d'accord sur les thèmes ouverts à la négociation d'entreprise. Une majorité des deux tiers sera nécessaire pour le valider. Jusqu'à 49 salariés, l'employeur pourra, en l'absence de délégués syndicaux, négocier avec un élu non mandaté par un syndicat.

  • Référendum d'entreprise

Un employeur pourra organiser un référendum pour valider un accord signé par des syndicats représentant plus de 30% des salariés de l'entreprise, sauf si l'ensemble des organisations signataires s'opposent à la consultation. Jusque-là, de tels référendums ne pouvaient être organisés qu'à l'initiative des représentants des salariés.

  • Fusion des instances représentatives du personnel

Les ordonnances fusionneront d'ici 2020 délégués du personnel (DP), comité d'entreprise (CE) et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans un "comité social et économique". Il conservera les compétences des trois instances, pourra ester en justice. Une commission santé, sécurité et conditions de travail, de type CHSCT, subsistera dans les entreprises d'au moins 300 salariés. En-dessous de 300 salariés, de telles commissions existeront dans les entreprises nucléaire ou Seveso (sites dangereux). Pour les autres entreprises, l'inspection du travail pourra imposer la création d'une telle commission.

Les entreprises pourront aussi conserver, par accord, des délégués du personnel. Par accord, il sera possible d'intégrer les délégués syndicaux, et donc la compétence de négociation, dans une instance unique nommée "conseil d'entreprise". Son aval sera nécessaire sur certains sujets.

  • Articulation branche/entreprise

Les sujets de négociation seront divisés en trois blocs :
   - L'accord de branche prime : minima conventionnels, classifications, mutualisation des financements paritaires (prévoyance, formation...), gestion et qualité de l'emploi (temps partiel, contrats courts...), égalité professionnelle.
   - La branche peut décider si ses accords priment ou non sur ceux d'entreprises : pénibilité, handicap, conditions d'exercice d'un mandat syndical, primes pour travaux dangereux.
   - L'accord d'entreprise prime sur tous les autres sujets, par exemple la prime d'ancienneté et le 13ème mois.

  • CDD et "CDI de chantier"

Les branches pourront modifier par accord la durée, le nombre de renouvellements et la période de carence des CDD. Elles pourront aussi autoriser le recours au CDI de chantier, un contrat surtout utilisé dans la construction qui peut se terminer une fois un chantier achevé.

  • Généralisation de l'accord majoritaire

La règle de l'accord majoritaire (signé par des syndicats représentant plus de 50% des salariés) dans les entreprises sera généralisée dès le 1er mai 2018, 18 mois avant la date prévue par la loi El Khomri. L'accord majoritaire s'applique aujourd'hui principalement aux sujets relatifs à la durée du travail. Dans les autres domaines, la signature de syndicats minoritaires représentant 30% des salariés suffit, si des syndicats majoritaires ne s'opposent pas.

  • Primauté de l'accord collectif sur le contrat

Aujourd'hui, plusieurs types d'accords d'entreprises (réduction du temps de travail, maintien de l'emploi, mobilité...) s'imposent au contrat de travail et mènent au licenciement des salariés qui refusent. Un seul type d'accord s'imposera désormais au contrat de travail, mais couvrira un champ plus large (bon fonctionnement de l'entreprise, développement ou préservation de l'emploi). En cas de refus, les salariés seront licenciés pour motif spécifique, toucheront l'assurance chômage et bénéficieront d'un droit à 100 heures de formation financées par l'employeur.

  • Télétravail

Le salarié pourra télétravailler de droit, alors qu'un avenant au contrat de travail et un accord sont aujourd'hui nécessaires. Si l'employeur s'y oppose, il devra justifier son refus.

  • Fin du contrat de génération

Suppression d'une des mesures phare du quinquennat Hollande, qui devait favoriser l'emploi des jeunes et des seniors. Le contrat de génération est considéré comme un échec par la Cour des Comptes.