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Avant Macron, Chirac, Sarkozy et Hollande voulaient déjà "structurer" l'islam de France

Emmanuel Macron a jugé jeudi "indispensable" de mener "un travail sur la structuration de l'Islam en France". Ses trois prédécesseurs s'étaient déjà engagés à le faire.

Gaël Vaillant , Mis à jour le
L'Islam de France, un dossier traité par Nicolas Sarkozy et François Hollande avant Emmanuel Macron.
L'Islam de France, un dossier traité par Nicolas Sarkozy et François Hollande avant Emmanuel Macron. © Reuters

Emmanuel Macron refuse de lier le débat sur la laïcité à celui de l'organisation des instances officielles de l'Islam de France. Mais le chef de l'Etat l'a reconnu jeudi, lors de ses vœux aux autorités religieuses, il y a un "sujet" islam. Dans son discours, il a ainsi lancé aux représentants musulmans présents : "Nous devons avoir un travail sur la structuration de l'islam en France, qui est la condition même pour que vous ne tombiez pas dans les rets des divisions de votre propre religion et de la crise qu'elle est en train de vivre sur le plan international." 

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Ce travail "moral, philosophique" mais aussi "d'organisation" est "indispensable et je vous y aiderai", a enchaîné le président de la République. "Organiser" le culte musulman en France, Emmanuel Macron n'est pas le premier à vouloir le faire. Avant lui, Nicolas Sarkozy, en tant que ministre de Jacques Chirac puis chef de l'Etat, et François Hollande ont tenté de le faire. Sans forcément parvenir aux résultats souhaités.

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Chirac lance le débat sans le nourrir

Jacques Chirac est le premier chef de l'Etat a constaté la nécessité d'organiser le culte musulman, et ce, dès son arrivée au pouvoir. Le 4 octobre 1995, après avoir reçu le Haut conseil à l'intégration - qui faisait alors le lien entre l'Etat et les communautés religieuses -, le locataire de l'Elysée souligne la "nécessité de favoriser l'organisation de l'Islam de France". Cette expression n'est pas nouvelle - Pierre Joxe, ministre de l'Intérieur de François Mitterrand, avait lancé une réflexion sur le sujet en 1990 -, mais apparaît pour la première fois dans le vocable présidentiel. "[Jacques Chirac] nous a demandé de nous en occuper plus particulièrement, indique à l'époque l'historien Pierre Chaunu à Libération . L'Islam est peut-être finalement la meilleure barrière contre l'islamisme."

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Chevènement pose l'idée d'un interlocuteur unique pour l'Etat

En 1997, l'Assemblée bascule à gauche et Jean-Pierre Chevènement, qui récupère le portefeuille de l'Intérieur et des Cultes, relance le débat public. "J'ai suivi avec attention et médité les efforts de plusieurs de mes prédécesseurs pour intégrer l'islam dans la communauté nationale, déclare-t-il le 23 novembre 1997. J'ai le même objectif : aider à l'affirmation d'un islam français." Le ministre de Lionel Jospin pose pour la première fois l'idée de définir un "interlocuteur légitime" de a communauté musulmane pour l'Etat, mais, refusant que l'Etat "impose ses choix", il laisse les musulmans de France se saisir du sujet.

Le président Chirac décide, le ministre Sarkozy exécute

Dès son arrivée aux commandes de la Place Beauvau, en 2002, Nicolas Sarkozy pousse les instances musulmanes existantes à clarifier leur position sur la laïcité. Mais c'est bien Jacques Chirac qui lui a demandé, dès sa réélection, de s'occuper de la question de l'islam de France. Comme l'explique le journaliste Samuel Pruvot dans son livre Le mystère Sarkozy, le chef de l'Etat "recommande" à son ministre de l'Intérieur le nom de Dalil Boubakeur, le recteur de la grande mosquée de Paris, pour "achever l'organisation du culte musulman". De l'aveu de ses conseillers de l'époque, interrogés par Samuel Pruvot, Nicolas Sarkozy "ne connaît rien aux musulmans".

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Mais l'ambitieux ministre qui pense déjà à la présidentielle de 2007 s'accapare rapidement le dossier pour présenter sa vision de l'islam de France. Il rencontre alors les multiples tendances de l'Islam en France, éclatées entre l'institution de la Grande mosquée de Paris, l'UOIF (Union des organisations islamiques de France) ou encore la FNMF (Fondation nationale des musulmans de France). Nicolas Sarkozy fait de la politique, joue sur les rivalités des uns et des autres et fini par imposer la création d'un CFCM (Conseil français du culte musulman), unique instance officielle.

Le président Sarkozy délaisse le dossier

A partir de 2005, Nicolas Sarkozy se désintéresse de l'organisation de l'islam de France. Au moment de la crise des banlieues, il préfère parler d'insécurité et du problème du communautarisme. Une fois élu, le chef de l'Etat entretient des relations minimales avec le CFCM qu'il a pourtant contribué à créer. Alors que son discours se durcit au cours de son mandat, il renvoie les instances musulmanes à leurs responsabilités, notamment à l'occasion de polémiques sur les prières de rue, la labellisation du halal ou encore le port du voile intégral dans les universités. En 2010, Claude Guéant, alors ministre de l'Intérieur, envisage, un temps, une réforme du CFCM qui n'aboutit pas.

François Hollande tente une nouvelle approche

En 2007, la majorité de l'électorat musulman a voté pour Ségolène Royal selon l'Ifop. En 2012, ces électeurs se reportent sans surprise sur François Hollande qui porte un discours très neutre sur la laïcité - le candidat socialiste souhaite d'abord le respect de la loi. Elu président, il n'est pas confronté dans l'immédiat au dossier de l'islam de France. Le sujet revient dans l'actualité en marge des tragiques attentats qui ont émaillé la deuxième partie du quinquennat. François Hollande pose alors un discours conciliateur – "l'islam est compatible avec la démocratie" – et maintient sa confiance aux membres du CFCM. Mais la multiplication des cellules djihadistes en lien avec quelques imams radicalisés forcent l'exécutif socialiste à agir.

Sous l'impulsion de Manuel Valls - d'abord ministre de l'Intérieur puis Premier ministre -, le gouvernement lance un "plan" pour l'islam de France. Après l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'Intérieur, annonce la création d'une Fondation pour l'islam de France pour travailler, au côté du CFCM, à la "refonte de l'islam de France". A la tête de la nouvelle instance, Jean-Pierre Chevènement, qui retrouve un dossier qu'il connaît bien, résume l'objectif devant la presse : "Il faut créer les conditions pour que les musulmans de France se sentent intégrés à la communauté nationale." Outre le financement de projets éducatifs et culturels, la fondation doit surtout repenser l'encadrement du financement des mosquées. Doté d'un organigramme et de fonds en mars 2017, elle n'est pas encore pleinement fonctionnelle aujourd'hui.

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