Le projet secret de l’Elysée pour la préfecture de police de Paris

Le ministère de l’Intérieur veut revoir les attributions de la PP, souvent comparée à un «État dans l’État».

 Forte de 42 000 fonctionnaires, la PP jouit d’une autonomie opérationnelle face à la Direction générale de la police nationale. (Illustration)
Forte de 42 000 fonctionnaires, la PP jouit d’une autonomie opérationnelle face à la Direction générale de la police nationale. (Illustration) LP/Olivier Boitet

    Une citadelle assiégée? À l'Élysée, on est bien décidé à revoir à la baisse les compétences de la puissante préfecture de police (PP) de Paris, souvent comparée à un « État dans l'État ». Selon nos informations, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, a reçu pour consigne de redéfinir les missions de la PP. Immigration irrégulière, police judiciaire, renseignement, intervention dans la lutte antiterroriste : autant de chantiers désormais ouverts à la réflexion.

    La préfecture de police de Paris -dont le statut particulier destiné à « réunir entre les mains d'un seul homme tous les pouvoirs de police de la capitale » remonte à 1 800- occupe une place à part dans le paysage administratif français. Derrière ses hauts murs de l'île de la Cité, elle porte le poids de l'histoire. Elle fut en effet la première force de police municipale française et se souleva pour la libération de Paris d'août 1944.

    Forte aujourd'hui de 42 000 fonctionnaires, elle jouit d'une autonomie opérationnelle face à la Direction générale de la police nationale, avec « sa » police judiciaire (dont la prestigieuse brigade criminelle) ou encore de « son » service de renseignement. Selon l'adage populaire, le préfet de police, poste actuellement occupé par Michel Delpuech, est « l'homme le mieux informé de France ». Il conserve, en outre, des compétences municipales, en matière de circulation notamment. Dans la pratique, il existe donc deux polices. L'une nationale, l'autre parisienne.

    La PP apparaît affaiblie depuis l'affaire Benalla

    La réflexion visant à rapprocher la situation de la capitale en matière de sécurité avec celle des autres métropoles françaises n'est pas nouvelle. En février 2017, le sénateur (LR) Philippe Dominati s'y montrait favorable, signant un rapport d'information au vitriol sur la PP. L'élu pointait la « complexité de son organisation et l'enchevêtrement de ses compétences », ainsi que « la contestation croissante sur le plan politique ». L'idée d'une réforme trouve un écho particulier depuis l'élection d'Emmanuel Macron, lui qui entend rénover l'ancien monde.

    « Il existe une conjonction favorable », confie un bon connaisseur du projet. La PP apparaît affaiblie depuis l'affaire Benalla. Trois haut gradés ont été mis en examen cet été. Et récemment, l'Inspection générale de la police nationale a préconisé un « avertissement » à Alain Gibelin, le directeur de l'ordre public à la PP, professionnel reconnu, non poursuivi dans le volet pénal de l'affaire mais auquel il est reproché l'imprécision d'une note de service sur la durée de conservation des images de vidéosurveillance.

    Les cadres chargés de mener à bien la mission élyséenne n'ont pas été choisis au hasard. Notamment Laurent Nuñez, vu comme un homme susceptible de mettre en place une évolution consensuelle. Il connaît en effet toutes les arcanes de la préfecture de police pour y avoir occupé le poste de directeur de cabinet du préfet, avant de partir gérer la sécurité à Marseille.

    Modèle marseillais

    Or, « le modèle » marseillais est souvent cité comme exemple. Si le préfet de police des Bouches-du-Rhône coordonne l'action des services opérationnels, ces derniers demeurent rattachés à leurs directions centrales. Hasard ? Il y a quelques semaines, la Cour des comptes se déplaçait en province pour analyser les vertus comparées des différentes polices d'agglomération.

    Le 18 octobre dernier, Éric Morvan, le directeur de la police nationale, s'exprimant devant de hauts cadres policiers, a lui aussi évoqué la situation des Bouches-du-Rhône : « Je préfère pour la réforme territoriale de la police à laquelle je réfléchis me référer au modèle marseillais plutôt qu'au modèle parisien », qui développerait une « propension à constituer vis-à-vis du reste de la police nationale une sorte d'isolat pénalisant. » Pour autant, Éric Morvan prenait soin d'ajouter qu'il ne fallait nullement « affaiblir » la PP, dont il souhaite préserver la spécificité.

    Les tenants du statu quo font, eux, valoir que la situation particulière de la capitale, siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques, lieu d'innombrables manifestations, justifie pleinement l'exception parisienne. Sollicités, les responsables de la préfecture de police de Paris se sont refusés à tout commentaire.

    REPÈRES

    1800. Année de création de la PP.

    42 000. Nombre de fonctionnaires, dont le patron actuel est Michel Delpuech.

    655 millions d'euros. Le budget annuel alimenté par l'État et la Ville de Paris.

    10. Nombre de directions et de services, dont la Direction régionale de la police judiciaire (brigade criminelle, financière, des stups…), celles du renseignement (lutte contre le terrorisme, les violences urbaines, le hooliganisme…), de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (lutte contre la délinquance quotidienne, l'immigration irrégulière…), de l'ordre public et de la circulation (encadrement des manifestations, circulation…) et la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.