Tomber amoureux, c'est chimique
Le coup de foudre, la passion n'ont presque plus rien de mystérieux. Dans un livre publié aujourd'hui, une scientifique décrypte comment et pourquoi les êtres humains tombent amoureux. Hormones, molécules, gènes, on est loin du romantisme...
ELLE
N'EST pas psychologue, encore moins conseillère conjugale. Et pourtant, elle en connaît un rayon
sur l'amour. Lucy Vincent est docteur en neurosciences. Elle se passionne pour le fonctionnement
du cerveau humain et les échanges de molécules.
Rien de très sexy, et
pourtant...
Dans un ouvrage qui paraît aujourd'hui chez Odile Jacob, « Comment devient-on
amoureux ? », elle nous fait part des dernières découvertes sur le sentiment amoureux. Qu'est-ce
qui le déclenche ? Que provoque-t-il dans nos têtes ?
Et si les plus belles affaires
de coeur étaient avant tout des expériences chimiques ?
Nous sommes tous programmés
pour aimer.
Le coup de foudre, chacun de nous le guette : « Depuis toujours, l'homme est programmé
pour tomber amoureux, son cerveau n'est comblé que lorsqu'il est dépendant », assure Lucy Vincent.
Romantique ? Pas vraiment.
« C'est une question de survie de l'espèce. La reproduction
suppose que l'homme et la femme fassent du chemin ensemble pour avoir des enfants. Contrairement
aux animaux qui se contentent de brèves rencontres, l'homme doit absolument s'attacher. »
Des
messages chimiques inconscients.
Quand on rencontre quelqu'un, on sait très vite s'il nous plaît.
Façon de s'exprimer, habillement, statut social... Une fois le tri opéré, l''individu est souvent
incapable d'expliquer son choix. « C'est qu'une multitude d'autres messages lui arrivent dont
il n'est absolument pas conscient. Des messages chimiques sur les goûts alimentaires, les gènes,
ou le potentiel érotique de l'autre. »
Qui se charge de les véhiculer ? Les odeurs et
les phéromones, des sécrétions inodores.
Le partenaire « compatible » nous ressemble.
L'objectif de ces messages serait de perpétuer au mieux notre capital génétique. « On réagit
aux messages qui nous ressemblent. Quand un couple qui vient de se rencontrer dîne au restaurant
et s'étonne de commander les mêmes choses, ils ne savent pas que c'est précisément la raison
pour laquelle ils sont face à face ! » s'amuse Lucy Vincent. Pourquoi cette quête du jumeau
génétique ? « Parce que c'est rassurant ».
Le couple, « drogué » pendant dix-huit à trente-six
mois.
« C'est le bon ! » Lorsque le cerveau reçoit ce message, c'est le coup de foudre. Un cocktail
hormonal va maintenir le cerveau dans un état anormalement euphorique, juste le temps de concevoir
un enfant. « Un an et demi, trois ans maxi. Au-delà, les hormones se tarissent », assure Lucy
Vincent. Pendant cette période magique, tout est automatique. Les images d'un cerveau amoureux
qui regarde son compagnon en disent long : la zone cérébrale responsable du jugement est mise
en veille !
Bientôt des philtres d'amour ?
Les phéromones renseignent sur la compatibilité (c'est
le bon), la dopamine motive (tu as envie de te reproduire), l'endorphine satisfait (c'est bien
le bon) et l'ocytocine rend dépendant (tu ne peux plus te passer de lui). Est-ce là la formule
de l'élixir d'amour ? En fait, la dopamine, l'endorphine et les phéromones sont synthétisées
depuis des années. Seule l'ocytocine
empêchera peut-être ce « miracle » vaguement inquiétant.
Ingurgitée en brevage, elle se dégraderait avant d'atteindre le cerveau. Il faudrait donc l'administrer
directement par voie intracérébrale... Une perfusion à haut risque follement peu romantique
!
Pour durer, il faut se bichonner.
« La folie de l'amour ne peut jamais durer
» assure Lucy Vincent. On ne peut que lui substituer nos idéaux. C'est la complicité et les
projets communs qui prennent le relai. » Mais pour maintenir la dépendance qui satisfait tant
nos cerveaux, pas de miracle : il faut le nourrir régulièrement d'ocytocine. Une hormone-clé
de l'amour humain, l'hormone de l'attachement. Celle que l'on sécrète lors des papouilles, des
baisers, des câlins... et de l'orgasme.