Chants homophobes dans les stades : sanctions ou prévention, le ministère et la LFP en désaccord

Roxana Maracineanu, la ministre des Sports, et Nathalie Boy de la Tour, la présidente de la Ligue de football professionnel, s’accordent sur la lutte contre les chants homophobes, mais pas sur la méthode.

 Nathalie Boy La Tour (en beige à droite) rejette pour l’instant l’idée de sanctions, tandis que Roxana Maracineanu, la ministre des Sports (au centre), souhaite une décision forte.
Nathalie Boy La Tour (en beige à droite) rejette pour l’instant l’idée de sanctions, tandis que Roxana Maracineanu, la ministre des Sports (au centre), souhaite une décision forte. Panoramic/Federico Pestellini

    L'assemblée plénière de l'Instance nationale du supportérisme (INS) a redonné l'occasion à Roxana Maracineanu d'évoquer les chants homophobes dans les tribunes de football, et notamment lors de PSG-OM le 17 mars dernier. La ministre des Sports a de nouveau prôné une ligne forte, alors que la présidente de la LFP (Ligue de football professionnel), Nathalie Boy de la Tour, rejette l'idée de sanctions à ce stade.

    Les deux femmes s'accordent sur une situation qui doit évoluer. « Un des principaux devoirs, c'est d'évoluer avec la société, souligne Roxana Maracineanu. Au même titre que le racisme a heureusement été interdit, il y a un certain nombre d'années, on doit relever et interdire de tenir des propos contre les homosexuels, même si ceux qui les tiennent ne s'en rendent pas compte. Ces chants véhiculent une représentation genrée du sport. La victoire ne peut pas être uniquement associée à la masculinité, la défaite à la féminité et à l'homosexualité. »

    Un « principe de réalité »

    « Je voudrais revenir sur le procès qui m'est fait sur le mot folklorique, explique d'abord Nathalie Boy de la Tour. Je n'ai jamais dit que c'était folklorique, que j'adhérais à ce folklore. J'ai dit et je répète que pour certains supporters, ça s'apparentait à du folklore. Ça ne veut pas dire que c'est acceptable. Je condamne l'ensemble des propos homophobes tenus dans certains stades. »

    La manière de faire évoluer les choses diverge clairement. « Je crois à l'éducation et à la prévention, insiste Nathalie Boy de la Tour. Il faut combattre cette idée que ce qu'on dit n'est pas grave. On voit qu'on peut s'appuyer sur les référents supporters et les associations pour faire passer les messages de lutte contre toute forme de violence et de propos discriminatoires. »

    La ministre, « totalement raccord sur les principes d'éducation et de prévention », veut aller plus loin : « Il faut des clubs plus responsables. Si des sanctions financières doivent être prises, il faudra en arriver là. » Un point qui fait tiquer la patronne du football professionnel français : « Il y a un principe de réalité, toujours : comment vous faites pour empêcher 20 000 à 30 000 supporters de chanter dans un stade ? Moi je n'ai pas la réponse là-dessus. » Un argument qui convainc peu la ministre des Sports : « Pourquoi ce serait difficile ? On peut rester dans une immobilité, ce qui s'est fait pendant des années, ou être dans le progrès, dans le mouvement. Notre société progresse sur toutes ces valeurs. Il faut qu'on suive ce mouvement. »

    Entre « humour et agressivité »

    Les supporters présents lors de l'assemblée plénière de l'INS prônent eux aussi le dialogue plutôt que les sanctions. James Rophe, porte-parole de l'Association national des supporters précise : « Il faut discuter, distinguer ce qui fait partie des mauvaises habitudes et de ce qui est ancré dans le cœur des gens. On aura du mal à faire la différence entre ce qui est repris comme du folklore et ce qui représente une volonté discriminatoire ou raciste. »

    Le sociologue Nicolas Hourcade, spécialiste des milieux ultras, décrypte la problématique et met en avant les limites de la répression sur ces questions : « Il est important de tracer une limite sur ce qui est inacceptable. Ce qui fait la particularité du football, c'est que les supporters ont recours à du chambrage qui oscille entre l'humour et l'agressivité. C'est difficile de tracer une frontière. Sur l'homophobie, il y a une prise de conscience à opérer sur certains registres qui sont insultants. Des chants sont clairement homophobes. Pour d'autres, la qualification est beaucoup plus complexe. Je n'ai pas l'impression que les sanctions payent si bien. Sur les fumigènes, il y a des sanctions extrêmement fortes et ça ne produit aucun effet. Au contraire, ça renforce l'utilisation. Si on travaille ensemble en voulant préserver une culture du football, mais en fixant strictement ce qui est intolérable, on peut éveiller un peu plus les consciences. On l'a vu sur le racisme, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas sur l'homophobie. »