Pascal Dupraz : «Je vis depuis trois ans avec un défibrillateur»

L’ancien entraîneur de Toulouse évoque pour la première fois les problèmes de santé qui l’ont éloigné des terrains. Il explique aussi comment il s’est soigné.

 A 56 ans, l’ex-entraîneur de Toulouse se dit prêt à reprendre un club.
A 56 ans, l’ex-entraîneur de Toulouse se dit prêt à reprendre un club. PRESSE SPORTS

    Pascal Dupraz nous avait promis depuis longtemps de s'épancher sur ses problèmes cardiaques, expliquant que, le moment venu, il dirait « certaines choses que les gens ne savent pas ». Il a tenu parole. L'ex-coach d'Evian et Toulouse, 56 ans, actuellement consultant pour Canal +, n'a plus entraîné depuis janvier 2018 et un accident cardiaque qui l'a amené à quitter Toulouse. Sans filtre ni calculs, il raconte comment il s'est remis de ses problèmes de santé.

    Vous avez cumulé les soucis cardiaques depuis bientôt trois ans. Comment l'expliquez-vous ?

    PASCAL DUPRAZ. J'ai une faiblesse congénitale, alors que je ne bois ni ne fume et que je fais du sport tous les jours. J'ai fait mon premier infarctus à 39 ans. Pourtant, aujourd'hui, je me sens incroyablement bien. Pour comprendre ma situation, il faut remonter à mon arrivée à Toulouse en mars 2016. Trois jours, après, je me suis effondré sur le terrain pendant un entraînement victime d'une syncope.

    Que s'est-il passé ensuite ?

    Il m'est alors arrivé quelque chose dont je n'ai jamais parlé publiquement. Je suis dans ma chambre d'hôpital et j'espère sortir pour coacher l'équipe à Marseille. Mais le ciel me tombe sur la tête : le cardiologue me dit « j'ai votre assurance vie » et me propose de me poser un défibrillateur sous le bras. Je ne l'avais jamais dit ouvertement avant aujourd'hui. Ça n'a pas été une décision facile car mon père était mort trois semaines après la pose d'un défibrillateur. J'ai pensé que j'allais mourir trop vite. Olivier Sadran, mon président de Toulouse a été extraordinaire et a refusé que je démissionne. Au final, on est parti ensemble pour un sauvetage historique alors que Toulouse avait dix points de retard sur le barragiste à dix matchs de la fin.

    Vous avez donc coaché avec ce défibrillateur ?

    Oui. Ça fait de moi l'entraîneur le mieux sécurisé de France ! Ce défibrillateur me protège en permanence. Au début, je flippais. Un jour, à Rennes, j'ai reçu un avion en papier sur le banc de touche et tout le monde s'est foutu de ma gueule en pensant que je simulais. En fait, ce petit impact que je n'avais pas vu venir m'a fait croire que c'était le cœur. J'ai eu peur et je ne pouvais pas dire pourquoi.

    Comment expliquez-vous alors ce second malaise en janvier 2018 ?

    Je faisais un match de badminton avec un copain. Je sais, c'est très con car c'est un sport violent. J'étais mené au score et j'ai accéléré. Et là le défibrillateur s'est déclenché et j'ai ressenti une immense décharge électrique. Un choc terrible. Dire que je haïssais cet appareil et là, il me sauve la vie. Les toubibs ont ensuite vu que, sur les traces de mon infarctus à 39 ans, il y avait quelques cellules vivantes. Il fallait opérer et après, il n'y avait plus de risque de défibrillation. Ce n'était pas grand-chose, mais il fallait juste attendre la prochaine trêve. On était en janvier et la suivante était mars.

    C'est pourquoi vous quittez Toulouse…

    J'ai réfléchi un week-end. L'équipe avait des soucis et je suis allé voir Olivier Sadran pour discuter. Je ne comptais pas démissionner, mais je lui ai dit que si je devais coacher encore deux mois en songeant à mon cœur, je ne serai pas à 100 % avec le TFC. Au bout d'une heure et demie de discussion, j'ai compris que je devais privilégier ma santé. Sadran a été parfait sur ce coup. J'ai été opéré deux fois, en janvier et en mai pour faire les choses correctement. Et les médecins m'ont affirmé que désormais, j'étais parfaitement apte à reprendre mon métier.

    Avez-vous cherché un poste l'été dernier ?

    J'ai eu plein de contacts. Des connus et des pas connus. Et je dis à chaque fois aux présidents que les cardiologues m'ont donné le feu vert et que je vis depuis trois ans avec un défibrillateur. Pourtant, au fond, je n'étais pas prêt à reprendre en juin. Là, c'est bon, l'envie est revenue. Mais si je n'ai pas retrouvé en début de saison prochaine, cela signifiera que je devrais faire autre chose.

    Attendez-vous la chute d'un collègue ?

    Je ne souhaite le mal de personne, mais c'est un métier où on remplace toujours quelqu'un avant de perdre sa place au profit d'un autre. Mais j'ai aussi un problème : je suis en contrat jusqu'au 1er mars avec un agent, Stéphane Canard, avec qui je ne veux plus travailler pour des raisons personnelles. Et l'été dernier, j'ai rencontré Jean-Pierre Bernès. Un mec que j'admire. C'est lui qui me représentera bientôt. D'ailleurs, si je devais discuter avec un club avant mars, Jean-Pierre me représenterait et je dédommagerais Stéphane Canard.

    Quelle image pensez-vous avoir ?

    Je n'en sais rien. Tenez, même si je n'ai jamais eu de contacts avec Dijon, j'ai ouï dire que son président ne m'aimait pas. Alors, qu'on ne se connaît pas. Je suis quelqu'un qui donne son opinion avec franchise, mais jamais avec vice ou méchanceté.

    Faites-vous attention dans votre activité de consultant sur Canal + ?

    Je me retiens de tout dire. Mais sur un plateau, je suis un des rares qui peut parler du métier d'entraîneur. Et j'essaie de le défendre. Et, parfois, j'entends des absurdités proférées par ceux qui n'y connaissent rien. Côtoyer des gens, ce n'est pas savoir. Un infirmier ne peut pas critiquer le boulot d'un chirurgien, même s'il le croise dans les couloirs. Les idées arrêtées, cela me gonfle. Surtout, quand certains coachs en prennent plein la figure, là ou d'autres sont épargnés. Et là, je serre les poings.

    Que voulez-vous qu'on dise de vous comme coach ?

    Que j'ai construit un club, Evian, passé de la promotion d'honneur à la Ligue 1 et que j'en ai repris un autre, Toulouse, que tout le monde avait condamné et qui s'est sauvé. Et qui ensuite marchait pas mal lors du championnat suivant. Ça veut dire que j'ai peut-être un peu de talent non ? Mais je suis aussi un mec chanceux : tous mes malheurs de vie ont débouché finalement sur du positif. Tous, sauf la mort de mes parents, dont je ne me remettrais jamais. Mais ma philosophie de vie a changé. Elle est plus profonde. Croyez-moi, je suis plus fort maintenant.