L’incroyable collection de Roxane Debuisson, protectrice du vieux Paris

La collection d’enseignes et de mobilier urbains de Roxane Debuisson, protectrice du patrimoine du vieux Paris, sera vendue aux enchères de Drouot (Paris IXe) ce lundi. L’exposition est ouverte ce lundi matin.

 Paris (IVe arrondissement), novembre 2018. La collection Roxane Debuisson est vendue aux enchères à l’hôtel des ventes de Drouot ce lundi.
Paris (IVe arrondissement), novembre 2018. La collection Roxane Debuisson est vendue aux enchères à l’hôtel des ventes de Drouot ce lundi. LP/Marion Kremp

    Les vitres ouvertes de son antique Phantom 5 laissaient échapper les rengaines parisiennes qu'elle chantait à tue-tête. Des Rolls de maharadjah, elle en aura eu au moins quatre, dont elle descendait chaque midi à l'heure du déjeuner pour se mettre à la table des grands chefs. Ceux qu'elle a fait sortir des cuisines pour les célébrer au grand jour.

    Roxane Debuisson s'est éteinte à 91 ans.En juillet dernier, ses funérailles ont ainsi vu pleurer une quarantaine de toques blanches qui enterraient celle qui était devenue leur grand-mère à tous. Après la cotation en bourse de la société d'ingénierie informatique de son époux à la fin des années 1980, Roxane Debuisson avait décidé que plus jamais elle ne ferait la cuisine. Elle organisait alors des rencontres entre chefs dans les palaces et des petits-déjeuners de pâtissiers au Crillon.

    Une esthète un brin snobinarde

    Sa passion pour la gastronomie n'avait d'égal que celle qu'elle voua jusqu'à la fin à la capitale. Pas n'importe laquelle et certainement pas le nord de Paris qui n'était, pour cette esthète un brin snobinarde, que d'interlopes faubourgs rattachés par mégarde à la cité originelle.

    Ce lundi, la salle des ventes de Drouot (Paris IXe) dispersera sa collection : une grosse centaine d'enseignes, de mobilier urbain et tableaux parisiens qu'elle sauva de la destruction toute sa vie durant.

    Née en 1927, Roxane Debuisson avait passé son baccalauréat. Elle resta mère au foyer, sans s'en laisser conter. Sa forte personnalité mêlée à une passion déjà bien construite pour Paris a fait d'elle la collectionneuse à qui la salle rouge rend hommage.

    Paris (Ier), 1970. Alertée par son meilleur ami le photographe Robert Doisneau, Roxane Debuisson a sauvé le buste de Molière qui servait de décoration à une boulangerie de la rue du Pont-Neuf. Robert Doisneau
    Paris (Ier), 1970. Alertée par son meilleur ami le photographe Robert Doisneau, Roxane Debuisson a sauvé le buste de Molière qui servait de décoration à une boulangerie de la rue du Pont-Neuf. Robert Doisneau LP/Marion Kremp

    « Maman avait commencé à collectionner les cartes postales parisiennes chez les bouquinistes dès les années 50, c'est elle qui a lancé la mode, raconte Florence, l'une de ses trois filles. Un jour de 1962, alors qu'elle passe rue de Birague (Paris IVe), la boule qui servait d'enseigne à un coiffeur est décrochée avant d'exploser au sol. C'est là qu'elle a compris que tout allait disparaître et qu'elle a commencé à courir toute la ville, nous dans ses jupes, pour sauver ce qu'elle pouvait. »

    Hommage à ces petites choses qui ont fait l'âme de Paris

    En novembre dernier, avant que son appartement du boulevard Henri-IV ne soit vidé, nous avions pu pénétrer ce mausolée éclectique et farfelu, hommage à ces petites choses qui ont fait l'âme d'un Paris désormais disparu. Celui des artisans et des boutiques aux noms en forme de rébus, permettant à ceux qui ne savaient pas lire de savoir qu'ici était un coiffeur, là un marchand de couleurs et plus loin encore un joyeux bistrot.

    Roxane Debuisson dans son appartement du boulevard Henri-IV au milieu de sa collection. Ici l’enseigne du bistrot le Cygne de la Croix, exemple d’enseigne en rébus pour permettre aux clients qui ne savaient pas lire de se repérer. La croix protégeait alors les buveurs et indiquait qu’il s’agissait d’une taverne.
    Roxane Debuisson dans son appartement du boulevard Henri-IV au milieu de sa collection. Ici l’enseigne du bistrot le Cygne de la Croix, exemple d’enseigne en rébus pour permettre aux clients qui ne savaient pas lire de se repérer. La croix protégeait alors les buveurs et indiquait qu’il s’agissait d’une taverne. LP/Marion Kremp

    Qui mieux que maître Christophe Lucien pour orchestrer cette vente inédite? Amoureux inconditionnel des charmes cachés de la capitale, le commissaire-priseur de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) qui a bien connu la grande dame, organise tous les ans à Drouot sa désormais célèbre vente « Paris mon amour ».

    « Elle était comme un ange gardien pour moi. C'est elle qui a voulu que je m'occupe de la vente. Elle m'avait dit, « ces enseignes sont venues à moi, qu'elles retournent à des commerçants qui les raccrochent dans les rues de Paris » », confie maître Lucien.

    Les trois pépites à ne pas rater

    Roxane Debuisson espérait que ses enseignes, sauvées de la destruction à l'heure des grands travaux des trente glorieuses, soient rachetées par des commerçants et qu'ils les raccrochent dans les rues de Paris. Ce samedi et ce lundi matin, les curieux et les acheteurs pourront découvrir les pépites que la collectionneuse a acquises à partir des années 1960. Des enseignes, mais aussi des bancs publics, des arrêts de bus, des banquettes de métro, des plaques de rue en lave, des tableaux… Au total, une grosse centaine d'objets qui seront vendus aux enchères à Drouot (Paris IXe) ce lundi après-midi. Premier prix 30 €.

    Collection Roxane Debuisson. Potelet de l’arrêt de bus Sully-Morland. LP/Marion Kremp
    Collection Roxane Debuisson. Potelet de l’arrêt de bus Sully-Morland. LP/Marion Kremp LP/Marion Kremp
    Collection Roxane Debuisson. Devanture de la boulangerie des Statues autrefois située au 94, rue de la Tombe-Issoire (Paris XIVe). LP/Marion Kremp
    Collection Roxane Debuisson. Devanture de la boulangerie des Statues autrefois située au 94, rue de la Tombe-Issoire (Paris XIVe). LP/Marion Kremp LP/Marion Kremp

    Roxane Debuisson a sauvé de la destruction la devanture de la boulangerie des Statues qui se trouvait alors rue de Tombe-Issoire (Paris XIVe). Elle devait son nom à la proximité d'un sculpteur dans la cour de l'immeuble au début du XIXe siècle. L'immeuble a été démoli en 1971 pour agrandir un carrefour. Les plaques de verre seront mises en vente à 1 000 €.

    Collection Roxane Debuisson. Enseigne lumineuse d’une fabrique de lanternes époque art nouveau. LP/Marion Kremp
    Collection Roxane Debuisson. Enseigne lumineuse d’une fabrique de lanternes époque art nouveau. LP/Marion Kremp LP/Marion Kremp

    C'est son meilleur ami et tout aussi amoureux de Paris le photographe Robert Doisneau qui signala à Roxane Debuisson la présence de cette enseigne lumineuse du fabricant de lanternes Grimmeisen. L'enseigne mise en vente 800 € était encore accrochée en 1970 passage Piver, au 92, rue du Faubourg-du-temple (Paris XIe).

    Exposition ce samedi de 11 heures à 18 heures et ce lundi de 11 heures à midi. Vente aux enchères ce lundi à 14 heures, Hôtel des ventes de Drouot, 9, rue Drouot, Paris (IXe).