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Yuka est-elle une application publicitaire déguisée ?

publié le 17 mai 2018 à 6h11

Question posée par Vincent Bouttier le 09/05/2018

Bonjour,

Vous nous avez posé cette question que nous avons racourcie : «YUKA est l'application à la mode pour vérifier la composition d'un aliment à partir de son code-barre. Chaque réponse est assortie d'un "produit équivalent chez Carrefour" et il semble que les produits Carrefour soient mieux notés que les autres. Qu'en est-il ? YUKA est-elle une application publicitaire déguisée ?».

Yuka est une application lancée en 2017 qui permet d'avoir des informations sur un aliment - celles inscrites sur les emballages- en scannant le code bar du produit. Le résultat s'affiche en général en quatre partie :

  • la photo du produit avec une note sur cent et un adjectif «excellent», «bon», «médiocre» et «mauvais» ;

La composition du produit répartie en deux sections :

  • les «défauts du produit» ;
  • les «qualités du produit» ;

Et dans certains cas :

  • des «meilleures alternatives», c'est-à-dire d'autres produits estimés équivalents, mais mieux notés.

L'appli s'appuie sur l'open data

Pour proposer ce service, l'équipe utilise la base de données sous licence ouverte Open Food Facts lancée en 2012 par Stéphane Gigandet, un informaticien. Cette base propose des informations sur les produits d'alimentation en les répertoriant notamment grâce à leur code barre.

Contacté par CheckNews, le fondateur d'Open Food Facts explique que les fiches des produits peuvent être créées et modifiées par des contributeurs «sur le même principe que Wikipedia». Près de 300 000 produits sont enregistrés.

Pour l'instant, les données entrées par les usagers ne sont pas vérifiées automatiquement. En revanche, des systèmes d'alerte permettent de prévenir en cas d'aberration, par exemple si certains nutriments dépassent 100 grammes, soit plus de 100% de la composition d'un produit (la part des différents composants d'un produit étant présentée pour 100 grammes de produit).

Tout le monde peut se créer un compte sur Open Food Facts ... y compris les marques :

«Nous n'avons pas de liste exhaustive, mais parmi les fabricants qui ont créé des comptes sur Open Food Facts pour envoyer leurs produits, il y a Bret's, Mémé Georgette, Henaff, Marie Morin», explique Stéphane Gigandet.

La plateforme est aussi contactée directement par certains fabricants qui leur fournissent gratuitement les informations sur les produits sous format excel. «Pour l'instant il y a Fleury Michon et nous sommes en train d'importer tous les produits U. D'autres producteurs comme Sodebo et le Coq Noir nous ont envoyé des données et photos que nous n'avons pas encore intégrées à la base».

La marque Carrefour sur laquelle vous interrogez, n'a pas transmis de données. Franprix de son côté a donné son accord pour «une "scan party" avec des contributeurs d'Open Food Facts dans un magasin Franprix» pendant laquelle «plusieurs miliers de produits» ont été pris en photo.

Même si cette deuxième source d'information est pour l'instant minoritaire, Stéphane Gigandet espère la développer, car «les données seront plus à jour et plus complète».

En revanche, pas question pour Open Food Facts d'accepter des financements de ces entreprises :

«Open Food Facts est un projet citoyen porté par une association 1901, tous les participants au projet et développeurs, et toutes les personnes qui ajoutent et renseignent les fiches produits sur Open Food Facts sont bénévoles. Notre financement (moins de 1000 euros par an) provient exclusivement de dons individuels via la plateforme HelloAsso», précise le fondateur.

De plus, toutes les données transmises par les fabricants peuvent être tracées puisque sur chaque fiche produit «il est possible de voir tout l'historique de modification des fiches, et donc de voir quelles informations ont été ajoutées ou modifiées par les producteurs».

Ainsi, la base de données sur laquelle s'appuie largement Yuka est un projet collaboratif et indépendant.

Yuka assure qu'il n'y a pas de favoristisme 

L'application propose elle aussi aux utilisateurs de son service d'ajouter des produits :

«Les utilisateurs de Yuka peuvent contribuer à enrichir cette base de données en renseignant de nouveaux produits directement dans l'application ou en corrigeant les informations des produits déjà renseignées. Les données sont alors immédiatement reversées à Open Food Facts. Aujourd'hui, les utilisateurs de Yuka réalisent plus de 1 500 contributions par jour dans la base de données collaborative», est-il expliqué sur le site.

Cependant, comme pour Open Food Facts, certaines données proviennent aussi des fabricants. «De plus en plus de fabricants nous contactent pour nous fournir leurs données, nous l'avons fait avec quelques-uns uniquement pour le moment», précise Julie Chapon, de Yuka.

Les fabricants ont plutôt intérêt à voir leurs produits référencés, même s'ils courent le risque d'être mal notés si l'aliment est jugé mauvais pour la santé. Le fait d'être dans la base de données permet d'apparaître parmi les recommandations.

Précisons tout de même que 1500 modifications ou ajouts sont effectués par les utilisateurs en moyenne par jours. Tout comme dans le cas d'Open Food Fact, les contributions des fabricants sont encore minoritaires.

Comment sont effectuées les recommandations ? 

Il est difficile de prétendre à une analyse exhaustive, mais nous n'avons pas remarqué de différence de traitements entre certaines marques dans l'application, avec des recommandations plus fréquentes pour une marque en particulier. L'entreprise se défend de tout favoritisme et l'indique même sous les recommandations, précisant qu'il ne s'agit pas de publicité :

«Yuka identifie pour vous des produits similaires qui ont un impact positif sur votre santé. Cette sélection est impartiale : aucune marque ne rémunère Yuka pour apparaître ici», peut-on lire sous les produits recommandés.

Contactée par CheckNews, l'équipe de Yuka renvoie au dit FAQ sur ce sujet dans lequel il est expliqué que l'entreprise est «100% indépendante» :

«Cela signifie que nous ne travaillons avec aucune marque ni aucun fabricant, et que nous ne faisons aucune publicité : les évaluations et les recommandations sont faites de façon totalement objective», peut-on lire.

Voici ce qu'explique le FAQ de l'application à ce sujet :

«Lorsqu’un produit est médiocre ou mauvais, Yuka identifie via un algorithme des produits similaires meilleurs pour la santé. Cette sélection est impartiale : aucune marque ne rémunère ou n’influence Yuka pour apparaître dans les recommandations.

L’algorithme prend en compte :

  • La catégorie du produit (biscuits, yaourts, etc.) afin de recommander un produit au plus proche du produit initial
  • La note du produit afin de recommander uniquement des produits bien notés, à savoir « bons » ou « excellents »
  • La disponibilité du produit afin de recommander des produits qui peuvent être trouvés facilement en magasin»

Comment se finance Yuka ? 

Dans un article des Echos de février 2018, les membres de l'équipe expliquent avoir pensé dans un premier temps à vendre l'application «à un groupe industriel ou à une compagnie d'assurances qui l'aurait alors utilisée en son nom», ou bien la proposer à des «industriels pour que ces derniers s'en servent pour améliorer leurs produits alimentaires en interne et se démarquer de la concurrence». Mais ces options avaient ensuite été écartées pour se tourner vers le consommateurs.

Les revenus de l'entreprises proviennent de dons, et d'un programme de nutrition proposée par la start-up.

L'équipe a aussi annoncé travailler sur une version avec des options payantes, et une possible diversification vers les produits cosmétiques.

Cordialement,

Emma Donada

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