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Libération

Le PCF perd son «dandy rouge»

Guy Hermier est mort samedi, à 61 ans.
par Pascal VIROT
publié le 30 juillet 2001 à 0h12

Pour faire sulfureux, on l'appelait le «dandy rouge». Il cultivait le personnage: cigarillo perpétuellement allumé (en lieu et place d'infatigables Gitanes maïs abandonnées dans les années 80), un manteau (négligemment, forcément) jeté sur les épaules et un sourire énigmatique semblant vouloir éclairer un propos tout aussi énigmatique. Guy Hermier, député communiste des Bouches-du-Rhône, est décédé samedi soir d'un long cancer, à l'âge de 61 ans. A lui seul, il incarnait une part de l'histoire du PCF depuis quarante ans.

Homme posé, né le 22 février 1940 à Créteil (Val-de-Marne) d'un père maçon, il entame très tôt un parcours d'apparatchik, estampillé modèle Marchais, dans l'ombre duquel le jeune Hermier a grandi. Son révélateur fut pourtant Roland Leroy, futur adversaire juré de Marchais. Nous sommes dans les années 1965-1966. Elève des écoles normales de Nîmes et Montpellier, il est remarqué pour sa pugnacité contre «les Italiens» de l'UEC (Union des étudiants communistes), ces communistes ­ tels Bernard Kouchner ou Roland Castro ­ envieux des camarades du PC italien qui tentent une franche déstalinisation. Dans le rôle du normalisateur, Guy Hermier ne laisse pas sa part aux chiens. Quelques mois plus tard, il aide à régler leur sort aux «trotskisants» menés par Alain Krivine, lui aussi chassé du PCF. Dès lors, une jolie carrière s'offre à Guy Hermier.

Affecté dans un premier temps dans le Val-de-Marne, le département de Georges Marchais, les échelons sont courts: membre du comité central en 1967 et du bureau politique cinq ans plus tard. Dans les années 70, il est envoyé dans les Bouches-du-Rhône, pour occuper le siège de député de la 4e circonscription, celui du charismatique François Bil loux, ancien ministre du général de Gaulle. Il est élu en 1978 et le sera sans discontinuer jusqu'en 1997. Il est aussi con seiller municipal de Marseille à partir de 1983, face au redoutable Gaston Defferre. Il devient maire des XVe et XVIe arrondissements, dans les quar tiers nord de Marseille, en 1995.

Contestation. Chargé du secteur intellectuel au parti, il lance l'hebdomadaire Révolution au début des années 80. Dans ce journal, créé sur les cendres de France nouvelle, Guy Hermier laisse la porte ouverte aux opposants à la ligne Marchais. Il sait toutefois donner des gages de bonne volonté. Il supprime la mythique revue Nouvelle Critique, restructure les éditions du parti, licencie. Mais, peu à peu, il bascule lui aussi dans la contes tation interne, avec Charles Fiterman, numéro deux du PCF. Celui-ci décide de quitter le navire après son expérience gouvernementale. Guy Hermier, lui, tranche a contrario et répond à l'éternelle question depuis 1920, date de naissance du PCF: doit-on rester dans le parti pour tenter de le réformer, ou constater que le PCF (et, philosophiquement, le communisme) n'est pas amen dable?

L'arrivée de Robert Hue aux commandes, début 1994, lui offre paradoxalement un nouvel espace. Hue «le mutant» reprend, sans s'y référer, les thèses des «refondateurs» (Patrick Braouezec, Guy Hermier, Roger Martelli, François Asensi, Jack Ralite...) regroupés autour de la revue Futurs. Initiateurs de la rénovation du PCF, ils ont beau jeu de critiquer la politique «à la godille» de Hue.

Rapidement, Hermier pointe les failles. Visionnaire après la chute du mur de Berlin, il prévient: «Il est évident que toute velléité de perpétuer, sous quel que ravaudage que ce soit, la manière dont le projet communiste s'est inscrit dans le siècle et y a fait faillite est irrémédiablement vouée à l'échec.» Pour «refonder», il propose la mise en place d'une «maison commune» aux communistes, en rupture avec la «forme parti» héritée du léninisme. Sur le plan tactique, il plaide, en 1996, pour la construction d'un «pôle de radicalité», à la gauche du PS.

Limites. Robert Hue ne reprendra jamais ces thèmes à son compte. La pusillanimité du secrétaire national agacera Hermier: «La stratégie de Hue a largement fait preuve de ses limites», laissait-il tomber en avril 1998. Ajoutant cette pique presciente: «Du moment que le PCF est accroché au PS, le Premier ministre a relativement les mains libres.» Jusque sur la forme, il contestait la politique de Robert Hue: «Au moins, du temps de Marchais, même avec le centralisme démocratique, il y avait des débats au sein de la direction.» Un rien fataliste, le «dandy rouge»? Sans aucun doute. Comme d'autres communistes, il a traversé ces dernières années avec le détachement de l'élégance et de l'intégrité.

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