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Verbatim

Ce qu'il faut retenir de la conférence de presse de François Hollande

par LIBERATION
publié le 18 septembre 2014 à 17h39
(mis à jour le 18 septembre 2014 à 20h45)

L'essentiel 

• François Hollande tenait ce jeudi à l'Elysée la quatrième conférence de presse depuis le début de son quinquennat.

• Le président de la République, dont la cote de popularité est au plus bas, a balayé le terrain économique comme celui du quotidien des Français.

Introduction

«Le monde affronte une crise particulièrement grave, ou plutôt des crises qui se conjugent, se renforcent les unes les autres. L'Europe est une nouvelle fois devant des choix cruciaux. La France s'interroge dans un climat de défiance lourd sur son avenir. C'est à ces questions que je veux répondre aujourd'hui (...) en livrant la conception que j'ai de mon devoir.»

1. Questions internationales et sécurité intérieure 

• Etat islamique, risque terroriste en France et situation en Syrie et en Irak

«Mon premier devoir c'est d'assurer la sécurité de la France. Or le monde est menacé gravement par un terrorisme qui a changé de dimension. Un terrorisme qui n'a jamais disposé d'autant de moyens financiers, militaires, humains. Un terrorisme qui ne prétend plus contester les Etats mais prendre leur place. Qui s'en prend à la population la plus fragile, quelle que soit sa religion. Ce sont ces groupes que nous avons combattus victorieusement au Mali. C'est en Irak et en Syrie que le danger est le plus grand. Le groupe Daesh a prospéré dans le chaos syrien, disons-le aussi, parce que la communauté internationale est restée inerte. Le terrorisme occupe de larges parties du territoire et maintenant en Irak, massacre toutes celles et ceux qui lui résistent, chasse les minorités notamment chrétienne, décapite des journalistes, crucifie ses opposants, enlève des femmes. (...) Les réfugiés se comptent par millions, je n'oublie pas qu'il y a 200 000 victimes du conflit syrien, et beaucoup d'autres qui cherchent à fuir comme ils peuvent et qui essaient de traverser la mer Méditerranée au péril de leur vie.

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Ce groupe Daesh attire des combattants du monde entier. Près de 1 000 Français ont rejoint ce groupe en Syrie ou en Irak, des jeunes endoctrinés, embrigadés, souvent mineurs, qui risquent leur vie – 36 sont morts – et qui peuvent revenir avec les pires projets dans la tête (...) Chacun a en tête ce qui s'est passé au Musée juif de Bruxelles.

La France a donc pris ses responsabilités en août (...) Ce matin, j'ai réuni le Conseil de Défense et j'ai décidé de répondre à la demande des autorités irakiennes pour accorder le soutien aérien. Notre but est de contribuer à la paix et à la sécurité en Irak en affaiblissant les terroristes. (...) Je le dis aussi nettement que j'affirme la nécessité de ce soutien : nous n'irons pas au-delà, il n'y aura pas de troupes au sol et nous n'interviendrons qu'en Irak.

Le Parlement sera informé dès les premiers avions engagés. Le Premier ministre réunira les assemblées dès la semaine prochaine. Voilà la décision que j'ai prise. Elle est fondée sur l'enjeu de notre propre sécurité. Elle suppose que nous puissions lutter ici en France contre le terrorisme. Tout au long de ces dernières heures, le Premier ministre a fait adopter le projet de loi pour lutter contre les filières terroristes et faire en sorte que les jeunes ne puissent pas être enbrigadés sur des lieux de combat.»

• Les otages français

«La France ne paye pas de rançon. La France ne pratique pas non plus d’échanges de prisonniers. (...) Ca ne veut pas dire que des pays ne le fassent pas. C’est arrivé que des pays, pour nous aider, le fassent, je le concède»

• Le virus Ebola 

«Le monde fait face à un autre fléau, qui peut se révéler désastreux. Là aussi la France doit prendre ses responsabilités. Par solidarité (...) mais aussi pour notre propre sécurité sanitaire. La solidarité c'est souvent la meilleure façon d'assurer sa propre sécurité. L'OMS fait bien son travail, MSF remplit une tâche remarquable. Une soignante française vient d'être touchée par la maladie, elle est en voie de rapatriement, elle sera hospitalisée dans les meilleurs conditions à Paris. Je veux saluer ceux qui prennent ces risques.

Là encore il faut une mobilisation internationale. L'Europe a dégagé 140 millions d'euros. (...) La France va également agir. Non seulement par une aide financière à la Guinée, l'un des pays les plus concernés (...) et je viens donc de décider d'installer dans les jours qui viennent un hôpital militaire (...) là où se situe le foyer de l'épidémie.»

• Ukraine, Russie et Mistral

«Pour les Mistral, qui devaient être livrés à la fin du mois d'octobre, j'ai dit que dans les circonstances actuelles, ce n'était pas possible, mais si le cessez-le-feu est respecté, si le processus de règlement est achevé, alors ils pourront être livrés et le contrat exécuté, mais nous n'en sommes pas là»

2. L'Europe et l'économie

• L'Ecosse et l'idée européenne

«Si le projet européen se dilue, la voie est ouverte, et on la voit empruntée, aux égoïsmes, aux populismes, aux séparatismes (...) Qui peut dire ce que sera le résultat du référendum en Ecosse ? [Un référendum] qui peut décider de l'avenir du Royaume-Uni, mais aussi de celui de l'Europe. (...) Une conjugaison de forces centrifuges (...) ont fini par perdre ce qu'était l'enjeu européen pour d'abord se replier dans le cadre national, puis ensuite dans le cadre régional. Se faire plus petit, pour soi-disant être plus fort, le contraire même de ce qu'a été l'idée européenne (...) Après un demi-siècle de construction de l'Europe, nous rentrons, en tout cas c'est un danger, dans un processus de déconstruction, pas simplement de l'Union mais des États eux-mêmes»

• Zone euro et faible croissance 

«Je place depuis deux ans l'enjeu de la réorientation de l'Europe pour que le retour nécessaire aux équilibres budgétaires s'adosse à une politique de croissance et d'emploi. Nous commencons à être entendus (...) La BCE a déjà pris des intiatives : baisse de l'euro qui est revenu à une parité plus convenable, qui a permis de gagner de la compétitivité, et puis un financement supplémentaire donné à l'économie. Le nouveau président de la Commission européenne a présenté un plan d'investissement de 300 milliards d'euros, ça peut être un point possitif pour la demande.

Le sommet de la zone euro, en octobre, permettra à la France de faire entendre sa position : l'Europe ne peut vivre durablement une croissance ralentie quand il a tant de chômage. (...) Il ne s'agit de pas revenir sur les règles qui ont été fixées, et que nous avons acceptées, pour réduire les déficits (...) La France ne dit pas "parce que nous sommes un grand pays nous devons nous éxonérer de notre discipline". (...) La France, elle va faire 50 milliards d'économie et ce n'est pas si facile. La France elle ne fera pas davantage car ce serait mettre en cause la croissance. La France ne va pas lever d'impot supplémentaire pour ne pas désespérer les Français.

Le danger, c’est l’enlisement des économies européennes dans la stagnation, c’est-à-dire un scénario de fin de croissance, l’austérité budgétaire se conjuguant avec un niveau élevé de l’euro et la faible inflation s’ajoutant à la faible croissance.»

• Le couple franco-allemand

«Nos amis allemands ont raison de nous rappeler de faire des réformes, nous en avons faites. Qu’on ne nous demande pas de faire en 5 ans ce que nos amis allemands ont réalisé en plus de 10 ans dans un environnement plus favorable et sans contrainte de déficit. (...) donc nous devons être plus compétitifs (...) savoir engager un véritable dialogue social, changer un certain nombre de règles. L’Europe elle a besoin de la France parce que nous sommes la deuxième économie de l’Europe. Nous avons un haut niveau de productivité, une démographie dynamique. Alors la France elle compte.

(...) La France est prête à de nouvelles initiatives (...) pour aller plus loin avec l’Allemagne dans des politiques intégrées, comme la transition énergétique, le numérique et les infrastructures. Nous sommes prêts à dire que nous sommes favorables à une Europe à plusieurs vitesses où le couple franco-allemand doit être le moteur de cette intégration»

• Industrie et écologie

«Nous allons changer la façon de faire de l’industrie, du bâtiment. Dans un an, nous accueillons la conférence sur le climat et c’est l’occasion pour la France de réussir ce que d’autres n’ont pas réussi, un accord.»

• Moody’s

«Je ne sais pas ce que fera l’agence Moody’s. (...) Jamais, jamais l’Etat n’a emprunté à des taux aussi bas. (...) Ce n’est pas l’agence de notation qui m’inquiète.»

• Le déficit

«Est-ce que nous allons pouvoir faire prévaloir notre point de vue ? Cela va être la négociation [pour défendre au niveau européen un nouveau délais pour la France du retour au seuil de 3% du PIB du déficit public, ndlr]. Je ne pense pas qu’une économie comme la France, mais c’est vrai pour d’autres, puisse faire à la fois le rétablissement de sa compétitivité et le rétablissement de ses comptes publics. [Cet argument est] ce à quoi l’Allemagne est le plus sensible»

3. La fiscalité

• Les impôts

«C'est extrêmement rare d'avoir des manifestations de contribuables qui viennent féliciter le gouvernement pour des baisses d'impôts. Mais on l'a fait en 2014. (...) Pour les personnes retraitées qui jusque là n'avaient pas à déclarer les suppléments familiaux, ils ont eu à la faire. Tous ceux qui étaient en heures supplémentaires ont eu à le faire. (...) Il va y avoir la suppression de la première tranche qui sera au bénéfice de 9 millions de contribuables. Mais il n'y aura pas d'augmentation de l'impôt sur le revenu sur les autres catégories. Il y a déjà eu des mesures qui ont été prises, une tranche à 45%, pour ceux qui gagnent plus de 100 000 euros par an. Mais il ne s'agit pas de prendre aux uns, car je crois que ceux-là ont déjà contribué, pour rendre aux autres.»

• La TVA

«Est-ce qu'il va y avoir une augmentation de la TVA ? Non (...) Là nous avons fait le choix de ne pas augmenter la TVA.»

4. La jeunesse

• Numérique et éducation

«Le numérique va être généralisé. Le plan numérique va être mis en oeuvre en 2016 dès le collège. C'est une chance pour avoir un contenu éducatif, une chance pour l'économie pour avoir ses emplois qui soient préparés dès l'école. Mais (...) il y a aussi ce que nous devons faire pour les dérocheurs. (...) Il y a aussi ce que nous devons faire pour l'apprentissage, pour apprendre un métier, pas d'hier, mais des métiers de demain.»

• Service civique

«Le service militaire a été supprimé, il ne sera pas rétabli [rires]. Mais le service civique doit être élargi. Faire en sorte qu'il y ait plus de missions, plus de jeunes qui puissent y trouver leur accomplissement. Que ça donne des droits par exemple pour passer son permis de conduire.»

 5. La confiance

• Le temps des réformes... et des résultats 

«J'avais prévenu : deux ans et demi de redressement, deux ans et demi pour redistribuer. Reportez-vous à un très bon discours, celui du Bourget. (...) J'ai conscience que notre société est devenue défiante à l'égard de tous les pouvoirs, à l'égard même de l'avenir. (...) Minée par le chômage, l'incertitude, le doute, les inégalités, le sentiment d'abandon, de relégation des territoires. C'est l'avenir de la République qui est en cause quand il y a ce sentiment où l'appartenance n'est plus commune, on se réfugie dans l'isolement (...) ou dans le communautarisme.

C'est pourquoi je veux que notre politique mette l'égalité, la justice, l'exemplarité au coeur de son action. C'est ce que j'appelle le courage dans les réformes. (...) Les résultats, ils tardent à venir, je le sais, je le vois. Ils viendront, ils viendront si nous nous mobilisons tous. Le gouvernement doit faire tout ce qu'il peut, et je fais à ma place tout ce que je dois. J'ai conscience que cette ligne que j'ai tracée, que le cap que j'ai montré, nous permettra d'avoir des résultats, j'espère avant 2017. (...) Je demande que l'on fasse ce jugement à la fin du mien».

• Thomas Thévenoud et la transparence

«[Thomas Thévenoud] n'est pas digne de rester député (...) Il n'y a pas davantage d'élus indélicats que par le passé, il y en a toujours eu, hélas ! Mais il y a aujourd'hui davantage de procédures qui permettent de les découvrir et donc de les sanctionner (...) Quand un député ne paye pas ses impôts, quand un ministre a un compte à l'étranger, quand d'autres parlementaires ont des ennuis avec la justice, pour des faits personnels, ce sont des blessures qui sont faites à la démocratie. [Ce que j'ai décidé] après l'affaire Cahuzac, c'est de créer une Haute autorité pour la transparence, qui a parfaitement fonctionné pour [le cas] Thévenoud. (...) Moi je comprends la colère, la défiance (...) Nous ne pouvons tolérer ça et parce que c'est inacceptable, nous ne pouvons tolérer le moindre soupçon».

• Les frondeurs

«Rien n’empêche de poursuivre le débat, de l’enrichir, d’améliorer ce qui est proposé, mais dans le cadre qui est fixé, dans la ligne qui est tracée (...) Je ne vais pas considérer que ceux qui n’ont pas voté la confiance, qui se sont abstenus, sont pour toujours mis en dehors de notre champ de dialogue, à condition je l’ai dit qu’ils participent».

• Une dissolution ?

«La majorité de l’Assemblée nationale a donné sa confiance au gouvernement. Il n’y était pas contraint. S’il n’y avait pas eu la confiance, alors le peuple aurait été appelé à renouveler l’Assemblée nationale».

• Les mauvais sondages

«Il n'est écrit nulle part dans la Constitution que ce sont les sondages qui décident du droit d'exercer ou pas. Ce qui fait ma légitimité c'est le mandat que j'ai reçu du peuple, 5 ans, et la majorité. Les institutions sont faites pour ça : non pas pour protéger une personne mais permettre de prendre des décisions. Aussi longtemps que j'aurai cette responsabilité qui m'a été confiée, je m'attacherai à servir le pays.»

• Une candidature en 2017 ?

«Je suis président, pas candidat, je serai président jusqu’au bout, je n’ai pas d’autre objectif, d’autre priorité, d’autre devoir que de faire tout, tout pour mon pays. Donc, l’idée de ma candidature n’est pas présente. (...) Je ferai ce mandat pleinement, complètement sans me préoccuper même de ma popularité qui est dans l’état que vous connaissez, parce que ce n’est pas mon objectif (...) J’agis, mon sort personnel n’est pas mon objectif. Mon seul objectif, c’est le mandat que j’ai reçu, c’est la France (...) L’idée, ce n’est pas de me prolonger, ce n’est pas de m’abriter [en faisant allusion à la pluie, ndlr]».

6. La vie politique française 

• Le retour de Nicolas Sarkozy  

«Il ne m’appartient pas comme président de la République de commenter les éventuelles déclarations de candidature à la direction d’un parti, et notamment du premier parti d’opposition. Si je veux ajouter, et dois je le faire, une phrase, je dirais simplement que ceux qui ont gouverné le pays hier et avant hier ont parfaitement le droit de prétendre le diriger demain et après demain. C’est la démocratie.»

• La montée de l'extrême-droite

«Oui, nous avons une responsabilité [dans la montée de l'extrême-droite] parce que nous ne répondons pas suffisamment aux angoisses, aux inquiétudes de ceux qui vivent dans des quartiers populaires, au vivre-ensemble menacé

«Oui, nous sommes responsables de cette perte de sens, de repères, [des Français qui se sentent dépossédés de] leur destin, qui craignent l'immigration, qui ne supportent plus ceux qui pensent différemment. [A ces électeurs du Front national qui] ne se considèrent pas d'extrême droite, [il] faut dire la vérité : c'est quoi la solution ? Sortir de la zone euro ? Mettre des barbelés aux frontières ? Chasser ceux [étrangers, ndlr] qui travaillent ? (...) Je préfère une colère à un silence parce qu'une colère c'est encore un contact qui se fait, un silence c'est quand il n'y a plus d'espoir.

Notre responsabilité, la mienne, n’est pas de vendre de l’illusion mais de bâtir l’espoir et de dire combien nous devons être fiers de la France parce que ceux qui se laissent entraîner dans les dérives extrêmes pensent que la France n’a plus d’avenir. Eh bien, si.»

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