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Dieselgate : «Je me suis retrouvé pied au plancher à 60 km/h»

Les témoignages se multiplient pour dénoncer la baisse de puissance des véhicules après la remise à niveau du système antipollution du constructeur allemand.
par Franck Bouaziz
publié le 28 août 2017 à 20h36

La dernière «vanne» de Volkswagen n’est pas une histoire drôle, mais plutôt un avatar de plus du dieselgate. Le constructeur automobile est en effet à nouveau mis en cause, cette fois pour une baisse de puissance des véhicules lors de la reconfiguration du système anti-pollution. Un mécanisme censé brûler une seconde fois les émissions de diesel afin de limiter les rejets dans l’atmosphère. Pour faire amende honorable, Volkswagen a en effet lancé depuis 2016 un vaste programme de rappel de ses véhicules diesel.

En France, pas moins de 900 000 voitures sont concernées et 450 000 sont déjà passées par les ateliers. «L'opération prend de vingt à trente minutes», précise le président du directoire de Volkswagen groupe France, Thierry Lespiaucq. L'intervention, gratuite, consiste à reprogrammer le logiciel qui commande le système antipollution. A priori rien d'anormal pour une entreprise prise en flagrant délit de fraude, qui l'a reconnu et tente de réparer les dégâts.

L'affaire se corse néanmoins à la lumière de multiples mécontements d'automobilistes. Très peu de temps après leur sortie du garage, après cette intervention, certains constatent une perte de puissance subite du moteur. «Dès que j'ai quitté le garage, un voyant rouge s'est allumé», témoigne Adrien, propriétaire d'une Audi A3 (une marque du groupe Volkswagen), qui indique devoir régulièrement s'arrêter sur le bas-côté et faire redémarrer son véhicule pour récupérer une utilisation normale. Il a donc rapporté sa voiture au garage, lequel a diagnostiqué un nécessaire changement de la vanne EGR. Coût de l'opération : 1 300 euros, que l'intéressé se refuse à régler. «Ce n'est pas à moi de payer pour les erreurs d'une marque qui a voulu tricher.»

Garage

Thomas, cadre dans le tourisme en Savoie et propriétaire d'une Skoda (une autre marque du groupe), a connu une aventure similaire. Le 27 juillet, après un courrier lui demandant de rapporter sa voiture pour une mise à niveau du logiciel, il prend le chemin des vacances : «Il y a eu une baisse soudaine de régime et je me suis retrouvé pied au plancher à ne pas dépasser 60 km/h.» Il s'arrête alors dans pas moins de quatre concessions Skoda avant d'obtenir un diagnostic : «Les quatre injecteurs sont à changer. Il y en a pour 3 200 euros que je refuse de payer.» Depuis, son automobile est toujours au garage et l'intéressé fustige «le manque de transparence de la marque».

Interrogé par Libération, le président du directoire de Volkswagen France estime que ces dysfonctionnements n'ont rien à voir avec l'opération de remise à niveau du système antipollution. «Il s'agit souvent de l'encrassement de la vanne EGR qui produit ce genre de conséquence et ce phénomène dépend du mode d'utilisation de la voiture et du carburant choisi.» Soucieux de ne pas fermer néanmoins la porte à tout accord à l'amiable avec les clients, il indique que «des grilles de participation, allant de 50 % à 100 % du prix des réparations», existent pour ces situations.

Le recours aux tribunaux ne semble pourtant pas exclu dans cette affaire. Plusieurs propriétaires de voiture passés par cette procédure de rappel de leur véhicule envisagent de déposer plainte. L'avocat Frédérik-Karel Canoy indique à Libération avoir déjà 300 dossiers de cette nature dans son cabinet : «Je compte demander réparation pour le préjudice subi», précise-t-il.

Les associations de consommateurs se sont elles aussi saisies du mécontentement des propriétaires de voitures. «Nous avons le sentiment que Volkswagen essaie de rappeler le plus possible de véhicules pour montrer qu'ils font leur boulot. Pour autant, nous ne savons pas quelle est véritablement l'opération pratiquée faute d'informations», regrette Isabelle Manevy, juriste à UFC-Que choisir.

«Parapluie»

Elle indique en outre avoir reçu des témoignages d'automobilistes dont la voiture a fait l'objet d'une remise à niveau du logiciel antipollution, sans que l'opération n'ait été demandée. Elle aurait alors été réalisée lors d'une révision ou d'un rendez-vous pris pour une autre réparation. UFC-Que choisir se préoccupe également de l'attestation d'intervention remise après chaque rappel de voiture. L'association se demande si ce document ne ferait pas office de «parapluie judiciaire». En indiquant qu'une intervention a été réalisée sur le système de contrôle de la pollution, le constructeur automobile se couvrirait contre d'éventuels recours en justice.

Jusqu’à présent, cette opération a été lancée par Volkswagen sans que les pouvoirs publics français et les associations de défense de l’environnement n’aient été informés du nombre de véhicule concernés et des opérations précisément réalisées. Ce type d’informations circulait lorsque la commission mise en place par Ségolène Royal réunissait tous les acteurs concernés par le dieselgate. Mais à ce jour, Nicolas Hulot n’a pas réactivé cette instance.

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