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Reportage

Pierre Laurent : «C’est de notre responsabilité d'accueillir Fodé-Moussa Camara»

Mercredi, le secrétaire national du Parti communiste a rendu visite à ce Guinéen incarcéré près de Lyon après avoir refusé son expulsion du territoire.
par Maïté Darnault, correspondante à Lyon. Photo Pablo Chignard. Hans Lucas pour Libération
publié le 6 juin 2018 à 17h55

Pierre Laurent est sorti de prison ce mercredi vers 13 heures. A l'issue d'une visite de deux heures à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, le secrétaire national du Parti communiste français, venu en sa qualité de sénateur de Paris, a pu donner des nouvelles de Fodé-Moussa Camara. Ce Guinéen homosexuel de 29 ans, sans-papiers, a refusé d'embarquer le 3 mai dans un vol pour Conakry. Il est depuis incarcéré à Corbas, suite au renvoi de son jugement devant le tribunal correctionnel de Lyon au 12 juin. «Il est extrêmement angoissé par sa situation, il est concentré sur une seule chose, sortir d'ici, a expliqué Pierre Laurent. Il reçoit énormément de courrier, son codétenu l'aide beaucoup, c'est lui qui lui lit ses lettres, qui lui remonte le moral et qui lui achète de quoi cantiner, car il n'a pas d'argent.»

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Avant de s'entretenir une dizaine de minutes lors d'un parloir avec le détenu, Pierre Laurent a pu visiter l'établissement pénitentiaire, qui accueille environ 900 prisonniers, dont 40% pour des faits de violence, «une population pénale qui relève d'une certaine dangerosité», a expliqué son directeur, Emmanuel Fenard. «On a eu l'occasion de comprendre la nature de cet établissement. Un jeune migrant qui ne s'est livré à aucun fait de délinquance n'a rien à faire dans une maison d'arrêt, a estimé Pierre Laurent. Fodé-Moussa Camara est très peu différent du jeune reçu à l'Elysée récemment, rien ne justifie son expulsion, il est évident que sa place est parmi nous. Il a tenu à témoigner de sa volonté de rester en France, il a redit le danger qu'il encourrait s'il devait retourner dans son pays.»

«L’impasse»

Dimanche, la députée LREM Laurence Vauceunebrock-Mialon avait affirmé que le jeune Guinéen avait menti sur son homosexualité, soulevant l'indignation de ses soutiens tels les associations RESF et Aides. Le directeur général adjoint de cette dernière, Christian Andreo, avait répliqué sur les réseaux sociaux : «Dans votre vie, vous avez rencontré plus d'homosexuels dans le placard ou de faux homosexuels ? (et si jamais vous avez une méthode infaillible pour reconnaître les gays, nous sommes plusieurs à être vraiment preneurs).» «Une polémique indigne de notre pays, a réagi Pierre Laurent. Il y a eu des violences subies en Guinée, ce jeune a raconté qu'elles étaient dues à l'identité sexuelle de son compagnon, mais quelle que soit sa sexualité, ce n'est pas la question. Il a fui son pays car il se sentait menacé, il est capable et a envie de vivre chez nous, c'est de notre responsabilité de l'accueillir.»

Une polémique également révélatrice, selon le chef de file des communistes, de l'«impasse» dans laquelle se trouve le débat sur la loi asile et immigration : «Le gouvernement tente de faire le tri en permanence. Nous récusons cette tentative de redéfinir sans cesse les quelques raisons d'accueillir pour surtout beaucoup lister celles de ne pas accueillir.» La priorité de son groupe politique : les conditions de l'accueil et de l'intégration des migrants. «C'est à cela que la France devrait travailler, pour tirer vers le haut les décisions au niveau européen et international», a-t-il déclaré.

Traits tirés

Suite au rejet en appel de sa demande d'asile et à l'émission d'une obligation de quitter le territoire français en avril 2017, l'avocate de Fodé-Moussa Camara a souhaité un réexamen de sa requête auprès de la Cour nationale du droit d'asile, rattachée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Pierre Laurent pointe, lui, la responsabilité de l'Etat : «L'Ofrpa prend les balles perdues de la politique de Collomb. C'est à lui que l'on renvoie la responsabilité de décider, l'Etat considère que ça ne le concerne pas alors qu'il a le pouvoir de régulariser. Une autorisation de séjour, un permis de travail, c'est cela que nous voulons. Fodé-Moussa Camara parle français, il y a tout un tissu associatif derrière lui, il a déjà prouvé de par son activité sociale sa volonté et sa capacité de s'intégrer. C'est sûr qu'il ne le fera pas s'il continue à se balader de centre de rétention en prison. Si aujourd'hui, il faut monter quatre étages à la main pour être considéré, c'est quoi ce pays ?»

Traits tirés, tee-shirt blanc et jogging gris, Fodé-Moussa Camara a remercié Pierre Laurent de sa visite avant de retourner en cellule. Première remarque du parlementaire face aux journalistes, qui n'ont pas été autorisés à le suivre au parloir : «Il dort mal, il s'alimente peu, il n'aime pas trop ce qui est servi.» Réponse du directeur pénitentiaire : «Ça arrive.»

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