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Cannes déroule le tapis rouge à son festival des séries

Organisée autour d'une compétition internationale, la première édition aura lieu en avril 2018. A priori sans l'aide financière de l'Etat, qui a choisi de soutenir le projet concurrent de Lille.
par Jérôme Lefilliâtre, Envoyé spécial à Cannes
publié le 3 avril 2017 à 18h48

Même sans le soutien de l'Etat, Cannes organisera son «festival international des séries». La première édition de «Cannes Series» (le nom de l'événement) est prévue pour durer une semaine en avril 2018, en même temps que le MIP TV, le grand marché des programmes audiovisuels que la ville accueille chaque année depuis 1964 au Palais des festivals. «C'était dans mon projet de mandat en 2014», a fait valoir ce lundi à Cannes le maire, David Lisnard, élu il y a trois ans. Une manière de rappeler que le projet, évalué à «au moins 4 millions d'euros», ne tombe pas du ciel, alors que le ministère de la Culture a validé il y a quelques jours le projet concurrent de Lille, après un appel d'offres auquel Cannes a participé, sans succès. Dans le cadre de ce processus, l'Etat avait promis un budget pas tout à fait anodin de 1 million d'euros au lauréat.

Passage en force

Mais, puisqu'il s'agit pour Cannes d'un «enjeu culturel, économique, social, événementiel, identitaire» autour d'un genre fictionnel devenu «majeur», David Lisnard a décidé de passer en force. Pour lui, les atouts de la ville, connue pour son festival de cinéma du mois de mai, sont indiscutables : «Pour qu'il y ait un grand festival, il faut répondre aux fondamentaux de l'événementiel. Accueillir un événement international n'est pas incantatoire. Il faut des infrastructures au niveau qualitatif et quantitatif. Et Cannes est une marque mondiale.» Appelé en renfort, Maxime Saada, le directeur général du groupe Canal+, déjà partenaire de «Cannes Series», parle d'une «évidence» qui va au-delà du climat de la Côte d'Azur : «Il n'y a pas de festival dans le monde qui fonctionne sans un marché, a-t-il justifié, faisant référence au MIP TV, où les huiles mondiales de l'industrie audiovisuelle ont l'habitude de descendre. Et créer un marché, c'est compliqué.» Forcément, en la matière, il sera difficile pour Lille de rivaliser en partant de zéro.

Concrètement, une compétition internationale, sanctionnée d'un palmarès établi par un jury de cinq personnalités, est prévue, avec la diffusion d'une dizaine de séries inédites venues du monde entier – enfin, «du pilote et peut-être d'un épisode», a expliqué Benoît Louvet, ex-cadre de TF1 nommé directeur général du festival. Outre un «forum de coproduction» où pourront se rencontrer les producteurs, le festival promet également un volet grand public avec des débats, des masterclass, des rétrospectives et «au moins 200 projections dans les différentes salles de la ville».

Fleur Pellerin présidente

«Cannes Series» sera portée par une association, présidée par Fleur Pellerin, l'ex-ministre de la Culture, qui avait initié l'appel d'offres gouvernemental rue de Valois. Son ambition est de «créer l'événement de référence mondiale pour les séries», «une manifestation prestigieuse et exigeante, glamour et grand public», alors qu'«aucun pays n'a préempté le sujet». D'où la pertinence, pour «aller vite» selon elle, du projet cannois. Sur la concurrence de Lille, la néo-entrepreneure a observé qu'«il n'y a pas en France un seul festival de rock, un seul festival de musique classique, un seul festival de cinéma».

David Lisnard ne ferme pas la porte à un financement public : «Je ne désespère pas que le gouvernement soutienne ce projet. Sinon, on le fera sans l'Etat. La vie est simple. On mène notre projet, on croit qu'il est bon.» Et le maire de conclure dans un sourire qu'il existe peut-être un «darwinisme événementiel»… Entre Lille et Cannes, c'est déjà une question de survie.

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