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Libye : l'armée du général Haftar fond sur le pétrole

L'assaut surprise mené dimanche et lundi par les forces du général Haftar contre les terminaux pétroliers pourrait déclencher une bataille directe entre ses hommes et les brigades fidèles au gouvernement d'union nationale.
par Célian Macé
publié le 12 septembre 2016 à 15h41

Est-ce déjà la prochaine bataille ? Après un été d’affrontements meurtriers, les brigades de combattants libyens placées sous l’autorité du gouvernement d’union nationale semblent proches d’une victoire totale à Syrte. La ville était aux mains des jihadistes de l’Etat islamique depuis février 2015, qui sont désormais retranchés dans quelques blocs d’immeubles du centre-ville. Mais à 200 kilomètres plus à l’est, dans le Croissant pétrolier, un nouveau front pourrait s’ouvrir dans les jours ou les semaines à venir.

Dimanche, les troupes de l’indomptable général Haftar, l’homme fort de l’est du pays qui refuse la tutelle du gouvernement d’union nationale, ont pris d’assaut les terminaux pétroliers de As-Sidra, Ras Lanouf et Zoueitina. Ces sites portuaires, principaux débouchés de la production de brut libyen, étaient jusqu’à présent tenus par les Gardes des installations pétrolières, une milice dirigée par Ibrahim Jadhran. La zone d’influence de ce leader régional est précisément située entre les forces fidèles au gouvernement soutenu par la communauté internationale, à l’ouest, et l’autoproclamée Armée nationale libyenne de Khalifa Haftar, à l’est.

Fragile équilibre

Ibrahim Jadhran, 35 ans, plus proche idéologiquement des fédéralistes de l'Est, avait surpris en début d'année en ralliant le gouvernement d'union nationale. Cette grosse «prise» du Premier ministre, Faïez el-Serraj, l'avait à l'époque aidé à asseoir sa crédibilité. Après six mois d'inactivité, fin juillet, les Gardes des installations pétrolières avaient annoncé la réouverture des terminaux de Ras Lanouf et Al-Sidra, fermés à cause des incendies provoqués par l'Etat islamique. Ces mêmes Gardes viennent d'être expulsés de ces sites en moins de vingt-quatre heures.

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L'attaque inattendue du général Haftar vient bousculer le fragile équilibre des forces en présence. Le gouvernement d'union nationale a réagi, dès dimanche, en dénonçant une «agression flagrante contre les acquis du peuple libyen, qui porte atteinte à la souveraineté nationale». Dans un communiqué, il a appelé les combattants loyalistes à contre-attaquer : «Toutes les unités militaires doivent accomplir leur devoir national avec courage et sans hésitation.»

Victoire symbolique

Cette bataille de l’or noir serait la première confrontation directe entre les deux grandes autorités rivales qui se disputent le pays. Le Parlement de Tobrouk, dans l’Est, n’a en effet jamais reconnu l’autorité du gouvernement d’union nationale, comme le prévoyait l’accord de paix signé en janvier. Jusque-là, les brigades de l’Ouest étaient occupées à chasser l’Etat islamique de Syrte, tandis que les soldats de Khalifa Haftar tentaient d’écraser les mouvements islamistes dans les villes de l’Est. Mais alors que Faïez el-Serraj tient, avec la libération de Syrte, une victoire symbolique, Haftar peine depuis deux ans à pacifier Benghazi et Derna.

Le raid sur les terminaux pétroliers du centre du pays est-il une manœuvre destinée à reprendre l'offensive ? Ce coup de force est en tout cas explosif pour la Libye. Malgré les retards, les blocages et les incertitudes, le pays prenait le chemin d'un règlement politique du conflit. Certes, le Parlement de Tobrouk avait rejeté, le 22 août, le gouvernement d'union nationale, et demandé à Faïez el-Serraj de revoir sa copie. Mais des négociations sont en cours pour arriver à un compromis. Le général Haftar craint-il d'être lésé par ce nouvel accord politique ? En lançant l'assaut sur le Croissant pétrolier, il vient de déplacer la crise sur le terrain militaire.

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