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Harvey, Irma… Qui choisit le nom des cyclones ?

Après Irma, Mariadossier
par Camille Gévaudan
publié le 1er septembre 2017 à 17h27

Alors que l'ouragan Harvey vient de ravager le Texas avec une violence inédite aux Etats-Unis depuis 2005, les Antilles ont déjà le regard braqué sur sa petite sœur Irma, qui traverse l'océan Atlantique d'est en ouest en prenant une ampleur inquiétante – des vents à 185 km/h de moyenne avec des rafales à 220 km/h. Elle pourrait frapper les Caraïbes la semaine prochaine.

Quand nomme-t-on les tempêtes ?

Harvey avec un H, Irma avec I… L’ordre alphabétique n’a rien d’un hasard : Irma est bien son successeur direct, la première tempête atlantique assez puissante depuis Harvey pour recevoir le titre de cyclone tropical. Il y a une progression précise dans la dénomination.

Quand les vents commencent seulement à s'agiter dans les mers chaudes du globe – les mouvements de convection étant favorisés par l'humidité et la température élevée à la surface de l'eau –, on parle d'une simple perturbation tropicale. On attend que les vents se mettent à tourner clairement en cercle fermé pour évoquer une dépression tropicale. S'ils forcissent jusqu'à atteindre 17 mètres par seconde (62 km/heure), on peut officiellement dire qu'on a affaire à une tempête tropicale. A partir de 118 km/h, l'alerte passe au rouge et la tempête devient cyclone tropical (de niveau 1 à 5 selon la vitesse du vent), qu'on appelle aussi ouragan ou typhon selon les continents.

C’est au stade de la tempête ou du cyclone tropical qu’on lui donne un prénom, pour le distinguer de toutes les autres dépressions qui peuplent l’atmosphère, pour faciliter les échanges entre scientifiques, navigateurs et autorités, et mieux capter l’attention de la population qui doit se préparer à la catastrophe.

«L'expérience montre que l'usage de noms courts et distinctifs permet d'aller plus vite dans les communications orales et écrites et d'éviter les erreurs, explique le Centre national des ouragans, qui surveille et étudie les tempêtes tropicales en Floride. Le bénéfice est particulièrement important pour échanger des informations détaillées entre des centaines de stations d'observations, bases côtières et navires en mer. L'usage de noms faciles à retenir réduit aussi beaucoup le risque de confusion quand deux cyclones tropicaux arrivent en même temps.»

Qui choisit les prénoms ?

Au XIXe et au début du XXsiècle, on donnait aux cyclones le nom du saint fêté le jour de la catastrophe. Aujourd'hui, des listes officielles de prénoms sont dressées à l'avance pour que les tempêtes puissent être nommées dès qu'elles deviennent cyclones tropicaux, et donc préoccupantes. L'organisme chargé d'établir ces listes annuelles dépend de l'océan et du «bassin» dans lequel se forme l'ouragan. Il en existe cinq :

- Le Comité des cyclones tropicaux pour le sud-ouest de l'océan Indien, vers Madagascar
- Le Panel des cyclones tropicaux pour les cyclones proches des côtes indiennes
- Le Comité des typhons pour le Pacifique nord-ouest et la mer de Chine méridionale, qui gère une trentaine de cyclones par an (soit 38% du total mondial)
- Le Comité des ouragans pour les tempêtes atlantiques et pacifiques touchant le continent américain
- Le Comité des cyclones tropicaux pour le Pacifique et l'océan Indien du côté de l'Australie

Carte

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d’après OMM. Les points rouges représentent les

(RSMC en anglais) chargés de la prévision des cyclones tropicaux.

Ces organismes, chapeautés par des organes de l’ONU comme l’Organisation météorologique mondiale, comptent des représentants de chaque pays concerné par le risque d’ouragan et se réunissent une à deux fois par an.

Comment sont choisis les prénoms ?

Chaque organisme régional se débrouille comme il veut, mais les règles sont finalement très proches d’une région à l’autre.

Pour les ouragans de l’océan Atlantique par exemple, le Comité des ouragans établit une liste de prénoms pour six ans avec une progression alphabétique (en zappant les lettres Q, U, X, Y et Z, trop rares) et une alternance masculin-féminin. Comme le danger concerne les côtes des Caraïbes, des Etats-Unis et d’Amérique centrale, ce sont des noms familiers aux oreilles de la population américaine – au sens continental. Ainsi, l’ouragan qui suivra Irma s’appellera Jose. Plus tard dans l’année, s’il naît assez de cyclones tropicaux, on verra passer Maria, Sean ou Vince.

Liste des noms d’ouragans de 2017 à 2023 dans l’océan Atlantique.

Dans six ans, en 2023, on reviendra au début du cycle et on réutilisera les mêmes prénoms pour les bébés ouragans, en écartant soigneusement ceux qui ont fait de réels dégâts et qui resteront associés à un événement unique de l'Histoire… et à son traumatisme. Le centre national des ouragans à Miami publie la liste des prénoms retirés de la circulation depuis 1954 : Camille, Gilbert, Isidore, Jeanne… Et les inoubliables Hugo (1989), Andrew (1992), Katrina (2005)… Il n'y a donc aucune chance qu'on revoie un jour passer Harvey.

Liste de noms de cyclones tropicaux pour la région du pacifique nord-ouest. La liste n’est pas annuelle : on égrène les propositions de chaque pays membre du comité.

Pour les cyclones du Pacifique nord-ouest, chacun des 14 pays représentés au Comité des typhons propose dix prénoms, et ces derniers sont égrenés par ordre alphabétique du pays proposant – du Cambodge au Vietnam – dès qu'une dépression atteint le stade de tempête tropicale : Toraji, Man-yi, Usagi, Pabuk, Wutip… Quand la liste des 140 prénoms est épuisée, on en inaugure une nouvelle, et il existe aussi un cimetière des prénoms bannis pour cause de catastrophe historique.

Et si…

Et si plus de 21 ouragans naissaient en un an dans l'océan Atlantique ? Une fois passé «Whitney» en 2017, on n'aura pas le droit d'entamer la liste de l'année suivante avec un nouveau prénom en A. Les ouragans supplémentaires devront utiliser une lettre grecque. Dans l'ordre : Alpha, Beta, Gamma, Delta…

Et si un cyclone tropical traverse deux régions du monde ? C'est déjà arrivé en 1996 : l'ouragan Cesar a traversé la mer des Caraïbes du 24 au 28 juillet, avant de traverser l'Amérique centrale pour continuer sa course dans l'océan Pacifique le 29 juillet. Il a alors pris un nouveau prénom, qui attendait en haut de la liste de son bassin d'adoption : Douglas. Aujourd'hui, on s'en souvient comme de l'ouragan Cesar-Douglas.

Trajectoire de l’ouragan Cesar-Douglas (d’est en ouest) de fin juillet à fin août 1996. (Image NOAA)

Et pour les tempêtes qui touchent les terres européennes ? Il ne s'agit pas de cyclones tropicaux : leurs noms ne sont donc pas choisis par les cinq organismes suscités. C'est l'institut allemand de météorologie, dépendant de l'université de Berlin, qui baptise les anticyclones et les dépressions européens. Tout le monde peut lui proposer un prénom via le programme «Adopte un vortex», pourvu qu'il respecte quelques règles simples, et pour une somme de 200 à 300 euros (les anticyclones sont plus chers car ils durent plus longtemps) qui aide à financer les recherches de l'institut. C'est ainsi que les tempêtes de fin décembre 1999 ont été nommées Lothar et Martin, que celle de 2010 s'est appelée Xynthia, et que, de manière générale, les dépressions européennes ont souvent un nom à consonnance germanique. Celle qui touche en ce moment le nord de l'Italie, par exemple, s'appelle Otfried.

Pour aller plus loin :

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