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Libération

Armée : rappel au devoir de désobéissance

Une instruction réaffirmée dans le sillage de l'affaire Mahé, tué en Côte-d'Ivoire.
par Jean-Dominique Merchet
publié le 1er février 2006 à 20h13

Les militaires ont parfois le devoir de désobéir. Ce principe de base, inscrit dans la loi depuis 1972, vient d'être clairement réaffirmé par le ministère de la Défense. Une «instruction» parue au Bulletin officiel des armées de décembre 2005 précise que «le subordonné doit refuser d'exécuter un ordre prescrivant d'accomplir un acte manifestement illégal». Ce rappel intervient alors que l'armée est secouée par l'affaire Mahé, du nom de cet Ivoirien tué sur ordre par des soldats français. Non seulement les militaires doivent parfois refuser d'obéir, mais ils doivent «faire savoir leur refus, par tout moyen et dans les plus brefs délais, soit au ministère de la Défense, soit à son chef d'état-major d'armée, soit à l'inspecteur général de l'Arme».

A la suite d'un article paru hier dans le quotidien Ouest-France, qui qualifiait cette nouvelle instruction de «petite bombe», le ministère de la Défense a précisé qu'«elle est parfaitement conforme au décret dont elle est l'émanation». Le statut général des militaires vient en effet d'être réformé par une loi adoptée en mars 2005. Un décret du 15 juillet a ensuite modifié le «règlement de discipline générale».

Publiée en décembre, l'instruction sur le devoir de refuser un ordre est datée du 4 novembre. L'affaire Mahé n'a été connue par les autorités que vers le 10 octobre. Compte tenu du rythme assez lent de l'administration française, il faut sans doute y voir plus une heureuse coïncidence qu'une intention délibérée du ministère de la Défense de tirer les premières conséquences de cette affaire criminelle. «En la matière, la loi de 2005 ne change d'ailleurs pas grand-chose, assure le contrôleur général Jean-Michel Palagos, qui a piloté cette réforme. Il s'agit d'un grand principe de la fonction publique. Chez les militaires, cela remonte aux conséquences de la guerre d'Algérie.»

Auteur d'un ouvrage sur le statut des militaires (1), Jean-Michel Palagos explique que «l'autorité du chef et l'obéissance du subordonné ne sont pas absolues. Elles sont limitées par le respect du droit et des lois de la guerre». Mais, reconnaît-il, «il peut s'avérer difficile de savoir ce qu'est un ordre "manifestement illégal"».

(1) Le Nouveau Statut général des militaires, Ed. Lavauzelle.

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