Rose bleue

La rose bleue, Graal des jardiniers.

La rose, ‘Reine des fleurs’

Il n’est plus besoin de démontrer l’intérêt porté par les jardiniers, amateurs ou plus passionnés à celle que l’on connaît sous le nom de ‘la Reine de fleurs’.

Pour l’année 2017, il se serait vendu, rien qu’en France :

- 24 millions de bouquets de roses

- 1 million de rosiers d’intérieur

- 5 millions de rosiers de jardin

Qu’ils soient arbustifs, paysagers, buissons, grimpants, lianes ou miniatures, parfumés ou non, remontants (plusieurs floraisons dans l’année) ou pas, épineux ou inermes, les rosiers sont les végétaux les plus appréciés. Symbole de l’amour et du romantisme, la rose se décline en une large gamme de coloris : le rose bien sûr, mais également le blanc, le rouge, l’orange et le jaune. Certaines sont même bicolores et offrent des mélanges de tons en doux dégradés ou associations plus criardes.

Il y en a pour tous les goûts. Ou presque. Car une couleur reste encore absente de la palette. Impossible en effet de trouver à ce jour une rose bleue, et l’on ne parle pas ici d’un mauve ou d’un violet qui, s’ils restent superbes, ne peuvent être qualifiés de bleu.

Le bleu chez la rose, impossible ?

Chaque plante possède un certain nombre de molécules qui seront capables de réfléchir ou retenir telle ou telle couleur sur le spectre. Les anthocyanes (du grec ‘anthos‘, fleur et  ‘kuanos‘, bleu) sont un groupe de pigments qui donnent leur coloration rose à plus ou moins bleue à la plupart des plantes. Le Ph (potentiel hydrogène) du sol sera également déterminant comme on le remarque de façon très nette avec les hydrangeas (hortensias). En sol acide, une réaction chimique complexe liée entre autre à la synthèse de l’aluminium s’opère et permet à certains hydrangeas d’offrir des sépales d’un magnifique bleu. En sol calcaire, le processus est modifié et la plante n’est plus capable d’utiliser les mêmes pigments. Il en résulte une coloration rose.

Parmi les anthyocanes, la delphinide, molécule isolée à partir du delphinium (d’où son nom), permet à certaines plantes de fleurir dans différents tons de bleu. Mais cette molécule est absente chez les rosiers. Curieux quand on pense qu’être romantique et sentimental est parfois moqué par l’expression ‘être fleur bleue’, alors même que la rose est une fleur très symbolique des sentiments amoureux.

Toujours est-il qu’aucun rosier n’est bleu naturellement. Si vous avez déjà vu ou acheté des roses bleues chez un fleuriste, c’est tout simplement que les tiges ont été plongées dans une eau additionnée d’un colorant (bleu de méthylène, colorant alimentaire, encre) que la fleur a absorbé.

Créer une rose naturellement bleue serait donc une (énorme!) révolution dans le monde de l’horticulture et ouvrirait un marché à donner le vertige. C’est ce que tentent de faire de nombreux professionnels et amateurs depuis un bon moment. Et cela a (presque) réussi.

Une rose bleue, enfin ?

Deux entreprises se sont lancées dans cette aventure en y investissant plusieurs dizaines de millions d’euros. Le japonais Suntory et l’australien Florigene (depuis racheté par la firme japonaise) ont travaillé de longues années afin de tenter d’obtenir la première vraie rose bleue.

Un premier essai a consisté à ‘injecter’ des gènes de pétunia sur le rosier ‘Cardinal de Richelieu’. Le résultat n’étant pas du tout à la hauteur des attentes, un second essai a été mené.

Cette fois-ci c’est sur un hybride de thé, ‘Mister Lincoln’, qu’ont été artificiellement ajoutés des gènes de violette (Viola tricolor hortensis) et d’iris. Dans le même temps, la synthèse de la cyanidine, responsable de la coloration rouge, a été bloquée.

C’est ainsi qu’est née le rosier ‘Applause’, au nom censé féliciter des années de recherches.

Deux brevets sont déposés en 2002 et le rosier est commercialisé en 2009. Un marché juteux semble s’ouvrir. C’est sans compter sur la réglementation européenne en matière d’OGM. Depuis 2001 en effet, un moratoire a été prononcé sur la production d’organismes génétiquement modifiés.

Mais au-delà des considérations administratives, qu’en est-il réellement de cette rose soit-disant bleue ?

Si ‘Applause’ semble se rapprocher de la quête ultime, le bleu qu’elle affiche tirerait davantage sur le mauve. La couleur semble en outre être peu stable et virer au rouge sale. Un problème d’acidité cellulaire en serait la cause.

Bleu, blanc, rose ?

Tandis que des firmes dépensent sans compter pour jouer à Dieu, d’autres œuvrent dans l’ombre…de leur petit jardin. C’est semble-t-il le cas d’un jardinier amateur et passionné, habitant de la ville de Moussan dans l’Aude. Il affirmait en 2016 avoir obtenu la première rose bleue naturelle. Après avoir sacrifié une cinquantaine de rosiers pour ses expériences, il aurait finalement atteint son objectif en greffant des bourgeons de sauge sur un rosier. Un mois plus tard, une fleur bleue serait apparue. Le procédé laisse plus que sceptiques les spécialistes. Le jardinier les aurait invités à venir constater le miracle par eux-mêmes mais impossible de trouver des informations sur la suite de cette histoire. De là à en conclure que l’expérience n’était pas viable il n’y a qu’un pas. Alors, impossible d’avoir une rose bleue au jardin ? Oui et non, car si le bleu pur n’existe pas chez la reine des fleurs, il existe en revanche de magnifiques variétés qui rivalisent toutes dans les tons de parme et de violet.

Quelques roses ‘bleues’

Voici donc quelques rosiers qui, sans bouleverser la génétique, apporteront une note bleutée, ou tout au moins pourprée à vos jardins.

- ‘Rhaspody in Blue’ (‘Frantasia’) – Hybride moderne (Franck R. Cowlishaw – 1999). Des bouquets de fleurs violettes sur un arbuste très remontant haut d’environ 140cm.

Rhapsody in Blue

Rhapsody in Blue

 

- ‘Burgundy Ice’ – Hybride moderne (Prophyl – 2005) – Mutation naturelle de ‘Fée des Neiges’ (=’Iceberg’), il en a hérité les nombreuses qualités (résistance, floribondité et remontance exceptionnelle) c’est un buisson aux fleurs de taille moyenne pourpre violacé qui s’élève à 1m50.

Burgundy Ice

Burgundy Ice

 

- ‘Minerva’ (‘Visancar) – Floribunda (Vissers – 2004 ) – Un petit buisson d’environ 80 cm aux bouquets de fleurs bien doubles qui oscillent entre le violet et le pourpre, avec des reflets roses. Très parfumé et longue floraison remontante.

Crédit photo : Promesse de fleur

Minerva  -Crédit photo : Promesse de fleur

 

- ‘Pourpre charmant’ – Un rosier gallique ancien dont l’obtenteur est inconnu. Non remontant mais parfumé il affiche des fleurs d’un beau violet nuancé sur un arbuste d’1m20 environ.

Crédit photo : Le blog de Rosacorleone

Pourpre charmant – Crédit photo : Le blog de Rosacorleone

 

- ‘Cardinal de Richelieu’ – Un autre gallique (Parmentier – <1850) aux fleurs doubles pourprées parfumées. Non remontant, il n’offre qu’une floraison unique en début d’été. Buisson haut de 1m20. Accepte la mi-ombre. C’est lui qui a servi de premier support à Suntory dans leurs recherches.

Crédit photo : Promesse de fleurs

Cardinal de Richelieu – Crédit photo : Promesse de fleurs

 

- ‘Veilchenblau’ – (Schmidt – 1909). Un liane ancien qui peut s’élever à plus de 5 mètres. Non remontant, sans épine, il offre un parfum discret de pomme sur des petites fleurs semi-doubles, violettes à cœur blanc.

Veilchenblau

Veilchenblau

 

- ‘Sissi’ (‘Tannacht’) – Hybride de thé (Tantau – 1964). Un coloris lilas clair très original, c’est un buisson aux grandes fleurs doubles parfumées. Remontant, il présente un port un peu raide et est assez sensible au marsonia (tâches noires) mais mérite d’être utilisé pour ses teintes douces.

Sissi - Félicitie et Perpetue

Sissi

 

On pourrait en citer encore beaucoup d’autres mais ces quelques exemples vous permettront de faire rentrer un peu de ‘bleu’ dans votre gamme de rosiers. Pour le reste, si un jour vous inventez un rosier bleu pur…