COMMANDITÉ

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TEXTE ALEXANDRE PERRAS ET AUDREY PM

Un air de famille

Dans l’histoire de l’Europe, la famille des Habsbourg occupe une place importante grâce à l’ampleur de la dynastie qui l'a fait régner sur le Vieux Continent — de l’Espagne à la Hongrie — pendant plusieurs siècles. Le secret de son succès ? Une stratégie d’intermariages qui a fini par aller trop loin, au point où certains membres ont littéralement (comme dans pour-de-vrai-de-vrai) perdu la face.

Une récente étude a en effet démontré qu’à force de se bizouner les gènes entre frères, sœurs et cousins, la famille s’est elle-même autodétruite à coups de maladies et de déformations graves, dont la célèbre « mâchoire Habsbourg », souvent décrite comme « une mâchoire inférieure surdéveloppée et un menton en galoche ». On peut admirer ces centaines d’années de consanguinité sur plusieurs portraits officiels, comme celui de Marie-Anne d’Autriche ou du pauvre Charles II. Celui-ci avait une mâchoire inférieure si développée qu’il avait du mal à se nourrir et à se faire comprendre quand il parlait. Ses autres maladies congénitales l’ont empêché de se reproduire, ce qui a entraîné du même coup la chute de la dynastie. Avis à François Legault : faudrait pas aller plus loin que des becs triomphants sur la bouche.

NE DITES PAS « CHEESE »

C’est en 2003 que le ministère des Affaires étrangères du Canada a instauré l’interdiction de sourire sur les photos de passeport, à la recommandation de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Ça fait donc 17 ans qu'on traîne des pièces d'identité avec une face digne d'un tueur en série. Et qu’on se demande ce qu’il y avait de mal avec nos anciennes photos un peu plus « hop la vie ».

La réponse, c’est qu’un visage neutre est plus facile à identifier par les systèmes de reconnaissance faciale. En souriant, on complique la vie aux machines (ou même aux bons vieux douaniers) qui observent les éléments uniques de notre visage, comme la distance entre nos yeux ou entre le bout de notre nez et notre menton. Et puis, après un vol de nuit et 42 contrôles de sécurité, on est nombreux à débarquer de l’avion avec un air bête. C’est plus « raccord » ! (Quoiqu’on gage qu’il y aura pas mal plus de sourires dans les aéroports quand voyager redeviendra autorisé/une bonne idée.)

La vraie nature des deepfakes

L’hiver dernier, Loto-Québec a charmé toute la province pour son 50e anniversaire en faisant revivre le Bernard Derome des années 1970 grâce à un procédé qu'on appelle l'hypertrucage. Mais en général, les deepfakes — qui utilisent l’intelligence artificielle pour surimposer le visage d’une personne sur le corps d’une autre dans une vidéo — suscitent plutôt l’inquiétude, surtout au plan politique. Et avec raison. Si n’importe qui peut créer une vidéo criante de vérité de Donald Trump qui menace son ennemi de la semaine d’une attaque nucléaire, mettons que le potentiel de dérapage est pas mal élevé.

Mais en attendant qu’un troll déclenche la prochaine guerre mondiale en direct de son sous-sol, l’entreprise néerlandaise Deeptrace souligne que la grande majorité (96 %) des hypertrucages en ligne sont plutôt de nature… pornographique. Et alors que les protagonistes des deepfakes politiques sont surtout des hommes, leurs variantes pornographiques sont majoritairement féminines. Ça veut dire que de petits comiques s'amusent à apposer le visage de vraies femmes (souvent des vedettes) sur le corps d’actrices pornos, sans leur consentement, évidemment. On n’arrête pas le progrès, hein ?

TOUJOURS « FRUS »

Qu’ont en commun Kanye West, Kristen Stewart et Élisabeth II, à part une vaste fortune et sûrement un confinement assez douillet ? Ils sont les heureux propriétaires de ce qu'on appelle en anglais une resting bitch face. C’est-à-dire que même lorsque leur visage est au neutre, ils ont l’air un peu « frus ».

De valeureux chercheurs se sont demandé ce qui se cachait derrière cette grave affliction, renommée « RBF » pour l’occasion. Ils ont donc analysé des visages neutres avec un outil d’identification des expressions humaines nommé FaceReader, qui « lit » 500 points du visage pour évaluer les émotions transmises. Résultat : en moyenne, les faces qui nous apparaissent réellement neutres le sont à 97 %, avec 3 % d’émotions sous-jacentes (comme une pointe de tristesse ou de surprise). Or, dans le cas des RBF, le logiciel a détecté deux fois plus d'émotions cachées, surtout du mépris.

Attention : les resting bitch faces ne ressentent pas réellement du mépris, mais des détails subtils comme une lèvre un peu retroussée font en sorte qu’on en perçoit des traces. En même temps, à force de se faire demander « es-tu fâché ? » à longueur de journée, on leur pardonnerait de finir par être un ti-peu excédés.

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