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Logement contre service, mode d’emploi

Être logé gratuitement pour quelques heures de travail, c’est tentant. Mais pour éviter les dérives, il faut un accord écrit… et juridiquement solide.
jeune femme avec une tablette aux côtés d’une femme âgée


Accompagner une dame âgée et disposer en contrepartie du logement gratuit de sa fille ? L’offre était alléchante et Léa, étudiante à Paris, l’a acceptée en 2017. « J’avais très peu de moyens et j’avais besoin d’un logement rapidement », justifie-t-elle.

Mise à la porte pure et simple

Quelque mois plus tard, l’état de santé de la retraitée se dégradant, la jeune femme se voit effectuer un véritable travail d’auxiliaire de vie, matin et soir, cinq jours sur sept. « Cela a été éprouvant ! Physiquement et psychologiquement. » Le contrat – uniquement oral – s’achèvera cinq mois plus tard par une mise à la porte pure et simple de l’étudiante.

Leboncoin, Colocation-adulte, Roomala, Toitchezmoi, Annonces, Indeed… Des plateformes variées, plus ou moins sérieuses, hébergent des annonces de logement contre service. Le principe est simple : occuper gratuitement, ou à un prix bien en deçà du marché, un appartement ou une chambre et fournir, en contrepartie, certains services (soutien scolaire, menus travaux, compagnie de personnes âgées, aide informatique…).

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Les offres foisonnent

Le foisonnement d’offres de ce type n’est guère surprenant : la recherche d’une chambre ou d’un appartement à louer relève souvent du parcours du combattant. Il faut dire que le marché locatif s’étrangle avec l’augmentation des loyers (+ 6 % à Bordeaux, + 3 % à Paris, selon l’Observatoire LocService) et la tension du marché (six demandes de location pour une offre à Bordeaux, trois à Paris).

Cependant, aucune réglementation n’encadre en France le logement contre service. Fatalement, cette lacune génère des dérives.

Travail au noir ou prostitution

Le logement contre service, s’il possède de nombreux avantages pour les deux parties, peut en fait camoufler du travail au noir ou de la prostitution. « Homme mûr propose hébergement gratuit de plusieurs mois à jeune fille contre aide à la personne. Vous devez être non pudique et accepter quelques jeux. » Voici le genre d’annonce que l’on peut trouver en fouillant dans les annonces en ligne…

Afin d’éviter de se retrouver dans de telles extrémités, ou simplement pour se protéger de malentendus avec votre hébergeur, le plus sûr est d’établir un accord écrit. Selon l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil), le bail locatif n’est pas adapté à la situation, même si certaines plateformes recommandent l’utilisation de ce type de contrat.

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Des postulants aux profils très divers

Les étudiants ne sont pas les seuls à être intéressés par ce nouveau mode de logement. « Nous avons autant d’étudiants que de demandeurs d’emploi ou de salariés », illustre Marie-Pierre Mahé, cofondatrice de Toitchezmoi. Cette plateforme, qui revendique 56 000 membres actifs en France, héberge uniquement des annonces de logement contre service. « Nous avons aussi parmi les postulants des couples et des familles monoparentales. Il est en effet compliqué de se loger. »

Plusieurs formes d’accord d’hébergement contre service existent :

• Le contrat de cohabitation intergénérationnelle

Si vous n’êtes pas encore trentenaire et que la personne avec qui vous cohabiterez est âgée d’au moins 60 ans, vous entrez dans le cadre du contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire, créé en novembre 2018.

La loi qui en définit les contours impose une contrepartie financière « modeste » et de « menus » services rendus. Il faudra néanmoins attendre de prochains arrêtés pour affiner ces termes équivoques. Aucun modèle officiel de contrat n’existant à ce jour, détaillez au maximum les conditions de l’échange de services. Pour plus d’informations, rapprochez-vous du Réseau Cosi, qui regroupe différents acteurs de la cohabitation intergénérationnelle en France.

• La convention d’hébergement

Dans le cas d’une convention d’hébergement, la personne qui vous prête le logement ne peut exiger aucune contrepartie financière. Des services peuvent être fournis en échange, à condition qu’il n’y ait pas de subordination (dans le cas contraire, un contrat de travail est nécessaire) et que les services ne nécessitent que quelques heures par semaine. De nouveau, aucun modèle officiel n’existe, mais il faudra préciser par écrit les tenants et aboutissants de l’accord.

• Le contrat de salarié au pair

À ne pas confondre avec le « jeune au pair », le contrat de salarié au pair n’impose aucune condition d’âge ou de nationalité. La valeur des services rendus – calculée sur la base du smic horaire multiplié par le nombre d’heures par mois – équivaut aux avantages en nature perçus (logement, nourriture…).

L’employeur a l’obligation d’effectuer une déclaration auprès de l’Urssaf et de la Sécurité sociale. L’employé est couvert en cas de maladie et d’accident du travail, et il peut recourir au conseil des prud’hommes en cas de conflit. Vous trouverez plus d’informations sur Service-public.fr.

• Le contrat de salarié à domicile

La valeur des services rendus sera supérieure au loyer qui serait exigé dans une location classique ? Demandez dans ce cas un contrat de travail de salarié à domicile, qui prévoit un logement de fonction. Cet avantage en nature sera déduit de votre fiche de paie.

Une déclaration auprès de l’Urssaf et de la Sécurité sociale est obligatoire de la part de l’employeur. Là aussi, l’employé est couvert en cas de maladie ou d’accident du travail, et peut faire appel aux prud’hommes si un litige survient. Plus d’informations sur Service-public.fr.

Faites-vous conseiller

Avant de vous engager, sollicitez dans tous les cas l’avis de votre agence départementale pour l’information sur le logement (Adil) ou contactez l’Agence nationale (Anil) au 0820 16 75 00.

Consulter un avocat vous permettra également de connaître précisément vos droits et recours pour chaque type de contrat. Des permanences gratuites sont proposées par différentes institutions publiques, certains tribunaux et mairies, et des associations de consommateurs.

Flou total sur ces pratiques

Combien de personnes ont-elles recours au logement contre service ? Passent-elles plutôt par un accord oral ou un contrat ? Le travail au noir est-il fréquent dans ce cadre ? Mystère complet.

Nous avons sollicité l’Agence nationale pour l’information sur le logement, la Caisse nationale d’allocations familiales, l’Urssaf, la Fédération nationale de l’immobilier… Aucune structure ne semble être en mesure de fournir un état des lieux de cette pratique.

Quant à la Confédération nationale du logement (CNL) et à la Confédération générale du logement (CGL), deux associations de consommateurs, elles n’ont pas connaissance à ce jour de litiges liés à ces pratiques.

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