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Le Caravage intérieur de Yannick Haenel

Avec « La Solitude Caravage », l’écrivain livre une belle variation sur la vie de l’artiste (1571-1610), d’où sa subjectivité et ses préoccupations ne sont jamais absentes.

Par  (Collaborateur du « Monde des livres »)

Publié le 09 mars 2019 à 06h00

Temps de Lecture 2 min.

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La Solitude Caravage, de Yannick Haenel, Fayard, « Des vies », 332 p., 20 €.

« Le Souper à Emmaüs », du Caravage (1606), Académie des beaux-arts de Brera, à Milan.

A l’âge de 15 ans, Yannick ­Haenel connaît une épiphanie érotique en découvrant Judith et Holopherne, du Caravage (1571-1610). Mais seulement le visage de l’héroïne, pas la totalité du tableau. C’est un détail, dans un livre : « A son oreille, une adorable perle était fixée par un nœud de velours noir dont la boucle formait un papillon. » Cette perle et ce papillon, ajoute-t-il, « veillèrent ensemble sur mon désir ; ils en étaient l’image – ils en devinrent même la clé ».

S’il s’inscrit dans une collection biographique, La Solitude Caravage est, on le comprend dès l’abord, avant tout un autoportrait en artiste de son auteur. Haenel a lu tous les livres sur le peintre milanais, il se décrit comparant les reproductions et noyé dans les souvenirs de ses visites à Rome, Berlin ou La Valette. Mais, même s’il raconte la vie dangereuse de Michelangelo Merisi da Caravaggio en se fondant sur les recherches les plus récentes, c’est à une lecture toute personnelle de l’œuvre qu’il se livre, sortant dès la première page son sujet des parages troubles et homoérotiques où la tradition l’a longtemps situé.

Eclairs rimbaldiens

L’interprétation d’Haenel se place sous le signe de la vérité, de la décollation comme dévoilement dans le sang, cri vers l’abîme. La Judith du Caravage n’est en effet pas seulement une amante désirable mais aussi une tueuse. Ce n’est qu’en 1997, lors d’un voyage à Rome avec une femme aimée, qu’Haenel – dit-il – découvre l’intégralité de la toile : la lame, le sac qui attend la tête coupée, le sang qui gicle.

La Solitude Caravage sera donc un essai bataillien où « le meurtre prend la place du sexe » et dont le narrateur se fait volontiers voyant, transpercé d’éclairs rimbaldiens. « Il m’arrive de penser qu’on n’a pas encore vraiment pris la mesure de ce tableau », avance-t-il par exemple à propos du Bacchus de Florence : « L’acte dont procède une telle peinture – cet acte ­rigoureux qui nous fait carrément entrer une lame ironique dans les yeux – possède la capacité de dissoudre ce qu’il y a d’éternellement convenable dans la représentation picturale. » L’art du Caravage est ici d’ordre sacrificiel : le regardeur l’éprouve comme une ordalie.

Envers lumineux

Le héros d’Haenel est certes querelleur, comme les anciens biographes nous l’ont décrit, mais aussi obscur, obsédé, infiniment occupé à créer. Le noir et le gras (celui de la suie des chandelles, de la lumière faible) sont ses attributs charnels : ne peint-il pas avec un charbon issu des os calcinés que, suppose Haenel, ses assistants dérobent à des squelettes humains ? « La mort fait partie de la substance même de la peinture – on peint avec les morts. » Il y a cependant un envers lumineux : « Je crois aussi, on le dit moins, que le Caravage vécut dans un éblouissement de visions où les formes sont des ivresses colorées. »

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