Monet, l’impressionniste abstrait

A l’Orangerie, l’exposition, qui compte peu d’œuvres mais toutes de très haut niveau, montre la proximité des peintres américains d’après-guerre avec l’impressionniste.

 «Le Pont japonais», Claude Monet, 1918-1924 Huile sur toile, 73 x 100 cm Collection particulière, courtesy of Blondeau & Cie, Genève.
«Le Pont japonais», Claude Monet, 1918-1924 Huile sur toile, 73 x 100 cm Collection particulière, courtesy of Blondeau & Cie, Genève. Studio Sebert, Paris

    L'expression a été inventée par la critique d'art américaine Elaine de Kooning, elle-même peintre et femme du grand peintre expressionniste abstrait Willem de Kooning : et si Monet, à la fin de sa vie, était devenu un « impressionniste abstrait »…

    Ça fait beaucoup d'abstrait, mais sur les murs de l'Orangerie à Paris, le raisonnement devient très concret, de manière éblouissante, dans l'exposition «Nymphéas». On regarde «le Pont japonais» peint par le géant impressionniste en 1918, au crépuscule de sa carrière, à Giverny (Eure). On plisse les yeux comme lui, qui devenait presque aveugle à la fin de sa vie. On distingue le pont car on le connaît, c'est une vue qu'il a peinte des dizaines de fois, l'icône de son œuvre. Sans le nom de Monet inscrit en bas, on pourrait croire à une toile réellement abstraite des années 1950. Et on vous défie de reconnaître sans l'aide de son titre un arbre dans «le Saule pleureur», peint en 1922.

    «Le Saule pleureur» de Claude Monet, 1920-1922. Huile sur toile, 110 x 100 cmParis, musée d’Orsay, donation Philippe Meyer, RF 2000 21  /RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Michèle Bellot
    «Le Saule pleureur» de Claude Monet, 1920-1922. Huile sur toile, 110 x 100 cmParis, musée d’Orsay, donation Philippe Meyer, RF 2000 21 /RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Michèle Bellot Studio Sebert, Paris

    Une révélation outre-Atlantique

    C'est tout l'intérêt de cette confrontation : Monet n'a pas été seulement un maître pour les grands peintres américains de l'après-guerre, de Mark Rothko à Joan Mitchell. Il pourrait presque passer pour l'un d'eux, même s'il s'est éteint en 1926.

    L'exposition part d'un postulat étonnant : «les Nymphéas» a été mal accueilli en France lors de son installation à l'Orangerie après la mort de Monet. C'était décoratif, plus du tout de l'impressionnisme et une abstraction un peu informe…

     «Dial», 1956, de Philip Guston (1913-1980). Huile sur toile, 182.9 x 194 cm.New York, Whitney Museum of American Art, purchase./Whitney Museum, N.Y. The Estate of Philip Guston, courtesy Hauser & Wirth
    «Dial», 1956, de Philip Guston (1913-1980). Huile sur toile, 182.9 x 194 cm.New York, Whitney Museum of American Art, purchase./Whitney Museum, N.Y. The Estate of Philip Guston, courtesy Hauser & Wirth Studio Sebert, Paris

    En 1955, le musée d'Art moderne de New York, lui, achète un grand panneau des «Nymphéas». C'est une révélation pour les peintres américains qui privilégient ce type d'expressivité colorée. L'exposition, qui compte peu d'œuvres mais toutes de très haut niveau, montre très bien cette complicité : P hilip Guston ou Helen Frankenthaler entrent en résonance avec l'impressionniste dans une symphonie de couleurs. Monet est un pont entre les siècles. Même quand ce pont s'efface sous les touches de peinture comme des herbes folles.

    Water Lily (1) 1968, Ellsworth Kelly (1923-2015), Encre sur papier, 61 x 48.3 cmCollection Ellsworth Kelly Studio./Tim NighswanderArtwork: null Ellsworth Kelly Foundation
    Water Lily (1) 1968, Ellsworth Kelly (1923-2015), Encre sur papier, 61 x 48.3 cmCollection Ellsworth Kelly Studio./Tim NighswanderArtwork: null Ellsworth Kelly Foundation Studio Sebert, Paris

    «Nymphéas, l'abstraction américaine et le dernier Monet», musée de l'Orangerie, jardin des Tuileries (Paris Ier),9 heures-18 heures sauf mardi, 9 €, jusqu'au 20 août.