Macron au Vatican : une visite à hauts risques

Ne pas y voir une entorse à la laïcité… Alors qu’Emmanuel Macron s’apprête à recevoir son titre de « chanoine » en la basilique de Saint-Jean-de-Latran, mardi, l’Elysée tente de déminer.

 Emmanuel Macron recevra mardi le titre de Premier et unique chanoine d’honneur de la Basilique majeure de Saint-Jean-de-Latran.
Emmanuel Macron recevra mardi le titre de Premier et unique chanoine d’honneur de la Basilique majeure de Saint-Jean-de-Latran. Reuters/Charles Platiau

    « Oui bien sûr, et Brigitte sera derrière en amazone! » L'humour comme arme de communication… L'Elysée a choisi le second degré pour déminer la portée de cette cérémonie. « Non, évidemment », se reprennent les conseillers du président, Emmanuel Macron n'usera pas de son droit exclusif de pénétrer à cheval dans la basilique Saint-Jean-de-Latran pour recevoir son titre.

    « Ça n'est pas parce qu'il est chanoine qu'il entre dans les ordres ou qu'il va célébrer la messe à Notre-Dame! » ironise-t-on encore au sommet de l'Etat. Comment tordre le cou à tous ceux qui rêvent d'ouvrir une nouvelle querelle sur la laïcité? Et s'amuseront sûrement, sur les réseaux sociaux, à moquer un président-monarque intronisé par la grâce de Dieu dans la cathédrale du Pape…

    « Premier et unique chanoine d'honneur de la Basilique majeure de Saint-Jean-de-Latran ». Voilà donc le titre à rallonge que va recevoir Emmanuel Macron, ce mardi après-midi, quelques heures après son audience privée avec le pape François. Survivance de la royauté qui remonte à Henri IV et aux guerres de religions, remis au goût du jour par René Coty en 1957, ce titre honorifique - et laïc insiste l'Elysée - revient de droit à tous les présidents de République française.

    Les refus de Mitterrand, de Hollande et de Pompidou

    Mais tous n'ont pas choisi de l'endosser en allant physiquement le chercher au Vatican. Trois présidents ont refusé de se prêter à cette cérémonie : François Mitterrand et François Hollande et avant eux, Georges Pompidou, aux convictions laïques affirmées et dans le contexte troublé d'après 1968, qui n'avait même pas fait le pèlerinage dans la cité de Saint-Pierre.

    « Ceux qui prétendent l'avoir refusé, l'ont quand même été ! enfoncent les conseillers élyséens, ça fait partie du package présidentiel au même titre que le président est aussi prince d'Andorre. On pourrait parler aussi de la Légion d'honneur. On peut être promu sans recevoir officiellement la distinction », ajoute-t-on encore. N'en jetez plus ! Mais tant d'efforts déployés pour en relativiser l'importance, montre à quel point cette cérémonie donne des sueurs froides à l'entourage du président.

    Nicolas Sarkozy fut le dernier chef d'Etat, en décembre 2007, à se plier à cette tradition dans l'immense basilique majeure de Saint-Jean-de-Latran. En déclarant que « la laïcité n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes ». Et que « dans la transmission des valeurs et l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur », il a mis le feu à la France laïque. « Il n'y aura jamais d'éloge de la foi avec Emmanuel Macron comme l'a fait Nicolas Sarkozy dans son discours du Latran », avertit l'un de ses proches. Le parti pris du chef de l'Etat est d'ailleurs de ne pas faire de discours du tout…

    Circulez, il n'y a rien à voir ? Si, des images. « Rien de majestueux », assure-t-on. A part bien sûr le lieu… Le président assistera à une célébration liturgique, comprenant une prière et la lecture d'un texte biblique, avant de prendre possession de sa stalle (virtuelle) dans la chapelle Colonna. Il rencontrera ensuite la communauté catholique française réunie dans le palais attenant du Latran. Le tout durera une heure et demie. « Vite emballé », on vous dit.