Réchauffement climatique : une bactérie mangeuse de chair pourrait se multiplier dans nos océans

D’après une étude américaine, Vibrio vulnificus pourrait proliférer dans les prochaines années, notamment sur la côte est des États-Unis où sa présence risque de doubler à cause du réchauffement climatique. Plusieurs cas d’infection ont déjà été recensés en Europe.

Les infections liées à Vibrio vulnificus sont responsables de nombreux cas d'amputation, et mortelles dans un cas sur cinq. Istock.com/Bjoern Meyer
Les infections liées à Vibrio vulnificus sont responsables de nombreux cas d'amputation, et mortelles dans un cas sur cinq. Istock.com/Bjoern Meyer

    Sur le littoral américain, la baignade peut s’avérer dangereuse. En cause, Vibrio vulnificus, une bactérie qui provoque d’importants dégâts sur la peau dès lors qu’une plaie entre en contact avec l’eau de mer infectée. Cette bactérie mangeuse de chair serait particulièrement sensible au réchauffement des océans, qui favoriserait sa prolifération. C’est ce que relate une étude publiée le 23 mars dans la revue « Scientific Reports ». Particulièrement active aux États-Unis, la bactérie se développe dans les eaux côtières chaudes et peut provoquer des infections mortelles.

    D’après les scientifiques, Vibrio vulnificus risque de se multiplier dans les prochaines années, à mesure que la température des océans augmente, notamment sur la côte est des États-Unis où leur population pourrait doubler d’ici vingt ans.

    Une bactérie mangeuse de chair

    Vibrio vulnificus est une bactérie marine de la famille des vibrions - comme le choléra. Pathogène pour l’être humain, cette bactérie va infecter les plaies. C’est pourquoi on parle de « bactérie mangeuse de chair ».

    « Je n’aime pas trop cette image, mais ça revient à ça, commente Patrick Monfort, Directeur de Recherche au CNRS. C’est vraiment une bactérie dont les facteurs de virulence provoquent de graves infections cutanées ». Tout commence par une infection cutanée, qui va nécroser et détruire la chair. « La plaie va s’infecter. Si l’infection n’est pas soignée, ça peut se terminer par une septicémie. Et là, vous mourez », explique le chercheur.

    « Les risques concernent essentiellement des personnes avec des terrains particuliers. Le nombre de morts reste très faible », nuance Patrick Monfort. Pourtant, même si les cas demeurent rares, il est recommandé aux personnes présentant des comorbidités de prendre garde à ne pas se baigner si elles présentent des plaies comme des coupures ou des lésions corporelles, a fortiori l’été.

    Un cas sur cinq est mortel

    Vibrio vulnificus se multiplie lorsque la température de l’eau de mer s’élève en moyenne au-dessus de 20 °C, précise le Centre national de référence des vibrions et du choléra. « Il y a deux facteurs qui favorisent la présence de cette bactérie : la salinité de l’eau et la température », complète Patrick Monfort, qui travaille depuis vingt ans sur Vibrio vulnificus. Ainsi, plus la température de l’eau s’élève et plus la bactérie prolifère. Plus la salinité de l’eau est basse, plus elle se multiplie.

    « Les relations entre l’environnement et les agents de maladie sont complexes. Il est important d’être conscient que le monde change et de comment ces changements créent des risques pour notre santé », explique Elizabeth Archer, chercheuse à l’université britannique d’East Anglia et principale autrice de l’étude.

    Les modifications écologiques de l’environnement marin et le réchauffement climatique fournissent aux vibrions des conditions idéales pour leur prolifération. Dans la majorité des cas, ces infections sont associées à un contact direct avec l’eau de mer ou à la consommation de produits de la mer, et surviennent pendant les mois les plus chauds de l’année. Selon les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis (CDC), un cas sur cinq est mortel et de nombreuses personnes doivent être amputées pour éviter l’infection du sang et le décès.

    « Ce risque existe sur les côtes atlantiques européennes »

    « Si vous avez un système global qui se réchauffe, ce qui est prévu du fait du changement climatique, les températures des eaux côtières atlantiques s’élèvent. À ce moment-là, le risque de multiplier le nombre de vibrions s’affirme. Par conséquent, le risque de contact avec les humains augmente », explique Patrick Monfort.

    « Il y a régulièrement des cas d’infection avec des Vibrio vulnificus. Il n’y en a pas qu’aux États-Unis, il y en a aussi en Europe. Ce risque existe également sur les côtes atlantiques européennes, et donc en France », développe le Directeur de Recherche. Selon lui, « l’Atlantique est plus favorable au Vibrio vulnificus que la Méditerranée, car les eaux atlantiques ont une salinité plus faible. Et une augmentation de 1 à 2 °C suffit pour favoriser leur multiplication ». En 2000, le Centre National de Référence avertissait déjà, dans l’une de ses publications, de la présence de Vibrio vulnificus dans les eaux françaises.