Jean-Christophe Fromantin : « Une logique de guichets se substitue à une logique de projets »

INTERVIEW. Le maire de Neuilly est favorable au « grand débat » lancé par Macron pour répondre à la colère des Gilets jaunes. Mais il déplore la méthode.

Propos recueuilis par

Pour Jean-Christophe Fromantin, Emmanuel Macron « a ouvert la boîte de Pandore avec ses annonces précipitées »

Pour Jean-Christophe Fromantin, Emmanuel Macron « a ouvert la boîte de Pandore avec ses annonces précipitées »

© WITT/SIPA

Temps de lecture : 4 min

Dans son livre Travailler là où nous voulons vivre(Éditions Francois Bourin), paru juste avant la crise des Gilets jaunes, Jean-Christophe Fromantin défendait un grand projet politique qui marie nouvelles technologies et organisation territoriale. Aujourd'hui, le maire (DVD) de Neuilly-sur-Seine veut prendre sa part au « grand débat national » que le président Emmanuel Macron met sur les rails. La consultation, qui devrait durer trois mois et démarrer dans les jours prochains dans les mairies, devrait aborder quatre grands thèmes (transition écologique, fiscalité, organisation de l'État, et démocratie et citoyenneté, dont l'immigration). Pour l'instant, Jean-Christophe Fromantin reste circonspect sur la façon dont le débat s'engage....

La newsletter politique

Tous les jeudis à 7h30

Recevez en avant-première les informations et analyses politiques de la rédaction du Point.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Le Point : Qu'attendez-vous de cette consultation  ?

Jean-Christophe Fromantin : Le problème est qu'Emmanuel Macron a ouvert la boîte de Pandore par ses annonces précipitées. Il y avait deux manières d'aborder les choses. Soit en satisfaisant des revendications catégorielles. Soit en entraînant les Français dans un vrai débat de fond et de long terme sur notre modèle de société. Las, le président a choisi la première option. Et il risque de subir les demandes inflationnistes de chaque catégorie sociale. Une logique de guichets se substitue à une logique de projets. Et les problèmes de fond, qui se posent à nous depuis des années, demeurent, à savoir : comment reconfigurer la France dans ce monde qui a changé ? Comment rendre notre pays prospère et que cette prospérité profite à tous ses territoires, à tous ses citoyens où ils souhaitent vivre et pas seulement ou l'on voudrait qu'ils vivent ? Dans ce grand débat, les Français doivent apporter des éléments. Comment percevez-vous pour vous et vos enfants les enjeux d'éducation, de formation, de mobilité, d'organisation des services publics ? Comment imaginez-vous votre intégration dans ce processus à long terme de transformation du pays ? Si l'on reste dans une logique de guichets, chacun se bornera à demander plus d'argent, plus d'avantages, plus de loisirs, plus de moyens pour consommer. Et l'on passera à côté des questions essentielles.

Concrètement, comment faut-il organiser ce débat ?

Le pouvoir s'est rendu otage du temps. On ne traite pas une question aussi importante que la mutation du modèle de société pour la France en 15 jours de préparation et 3 mois de débat, le tout engagé dans la précipitation. Il faudrait se donner toute l'année 2019 pour poser les termes, puis attendre 2020 pour ouvrir le débat.

Mais nous sommes en pleine crise, il faut agir vite...

C'est le problème : on travaille sous la pression. Mais regardez comment les réponses de court terme données de la bouche du président dans son allocution deviennent confuses, voire contradictoires, dans la mise en œuvre. Et quand ces annonces vont passer à la moulinette parlementaire, elles deviendront encore plus illisibles. C'est à Emmanuel Macron, et à lui seul, de mener ce débat, en allant à la rencontre des Français, et pas seulement en trois mois... Peut-être pourrait-il en amont, pour préparer le terrain, s'entourer dans chaque région de médiateurs, personnalités reconnues dans leur environnement comme neutres, sages et intégrées au tissu économique et social...

Faut-il libérer la parole ?

À condition que cela ne devienne pas l'auberge espagnole ! Les discussions doivent être organisées. À ce sujet, l'approche par thèmes ne me paraît pas pertinente : vous créez des silos ! Le rôle du président de la République est de transcender tous les paramètres de la société. C'est l'avenir de la France et de sa place dans le monde qui est en jeu, tout de même ! Pourquoi cantonner cette discussion à seulement quatre thèmes génériques ? La santé et la sécurité sont les premières préoccupations des Français, et on ne va pas en parler, c'est insensé !

Lancer une telle consultation génère forcément des mécontents, surtout dans un pays de râleurs comme le nôtre. Exercice quasiment impossible à gérer, non ?

Tout dépend comment on s'y prend. Dans la plupart des entreprises, on élabore des plans stratégiques à 10 ou 20 ans, pourquoi pas pour le pays ? La question qui nous est posée à tous est la suivante : quel doit être le projet stratégique de la France à 20 ans ? Chacun doit pouvoir intervenir dans ce débat à partir de l'endroit où il vit et de la façon dont il pense. Elle n'a même pas commencé que la discussion est déjà enfermée dans quatre thèmes. De plus, dès le départ, le pouvoir se prend les pieds dans le tapis en ne tenant pas la date d'ouverture des discussions parce que celle-ci a été lâchée dans la précipitation... Pour l'instant, c'est mal engagé.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (8)

  • hmichiels

    Monsieur Fomentin parle d'or. Le chef de l'état doit construire une vision partagée par la plus grande partie de la société, et non pas distribuer des cadeaux qui feront nécessessarement des frustrés et des jaloux !

  • MICHEL MARX

    Je souscris totalement à l'analyse de Monsieur Fromantin

  • hope for France

    Malheureusement, cet homme politique a raison, la méthode utilisée est celle de la verticalité et du fait du prince : en substance, si vous avez des doléances, adressez-vous à moi, qui suis votre bon prince et qui veille sur tout...
    Ce faisant, on ignore un fait fondamental : c'est en redonnant le pouvoir aux citoyens, en les responsabilisant, en leur conférant plus d'autonomie dans leur vie et donc, en s'immisçant moins dans leur vie quotidienne, que l'on s'adaptera le mieux à leurs besoins.
    Or, ce dont la France a besoin, c'est que l'Etat libère la société et lâche enfin la bride, tout simplement !
    A défaut, le cahier des doléances va aboutir à nouveau à un catalogue de revendications d'avantages et de droits sociaux, financés par de l'argent public et donc, par des déficits, des dettes et des impôts. Il faut que l'Etat change sa façon de fonctionner, en se faisant modeste, en faisant redescendre le pouvoir, mais ce n'est pas son habitude et toutes les structures administratives et politiques de ce pays y sont hostiles, car cela signifierait perdre leur emprise sur la société française. Pour l'Etat, pour les élus, pour les dirigeants politiques, renoncer à certaines de leurs prérogatives est proprement révolutionnaire en France ! Voyez comme par exemple, la France se targue au G7 de vouloir "combattre les inégalités" dans le monde, alors qu'elle devrait en priorité s'attacher à redresser son économie, au lieu de sans cesse prodiguer sa leçon de morale socialiste et écologiste, urbi et orbi... Le problème de Macron, c'est qu'il veut sans cesse ménager la gauche, alors que celle-ci est foncièrement marxiste et radicale, dans son obsession égalitariste, son prisme de la lutte de classes, ce qui l'empêchera de faire la moindre réforme des dépenses publiques (dont la gauche vit en particulier), ou de prendre des mesures pour inciter au travail, à la réussite sociale, au dynamisme économique et donc, favoriser la croissance. La croissance est le contraire du socialisme.