1952, pour les maisons de mode parisiennes l’heure est à la couture et haute couture, aux silhouettes raides et structurées de Dior et Balenciaga. Gabriella Hanoka alias Gaby Aghion, une Parisienne d’origine égyptienne en rejet de cette esthétique, décide de lancer avec son partenaire Jacques Lenoir une ligne de prêt à porter de luxe, dont les vêtements seraient disponibles immédiatement; déjà coupés et confectionnés dans des matières de haute qualité et qui nécessiteraient un minimum de retouches.

Un modèle que reproduira Givenchy avec sa collection University en 1956, puis Yves Saint Laurent avec sa ligne Rive Gauche, vers la fin des années 1960. En ce qui concerne l’essence même de la silhouette Chloé, on retrouve la fluidité des tissus et des coupes, la broderie anglaise, la crêpe de soie souvent plissée, le rose poudré ou le beige rosé rappelant le sable d’Egypte, mais aussi la dentelle.

Mais pourquoi Chloé ?

Gaby Aghion pensant que son nom évoquait celui d’une diseuse de bonne aventure, préfère celui féminin et à l’esprit audacieux d’une amie, Chloé Huisman, styliste aux Galeries Lafayette. La première collection comporte seulement six modèles et Gaby Aghion, qui est avant tout une cliente de mode, s’occupe de tout, de l’approvisionnement à la vente.

Ce n’est que quatre ans plus tard qu’ils présentent une deuxième collection complète lors d’un petit déjeuner au Flore, alors rendez-vous des artistes parisiens. Une réussite puisque la marque reçoit le soutien d’Hélène Lazareff, fondatrice du magazine Elle. Ils engagent des stylistes et de nouveaux talents chaque année, à l’instar de Michèle Rosier ou de Maxime de La Falaise (la mère de Loulou), qui gagneront en notoriété les années qui suivent.

Vidéo du jour

En 1971, la première boutique éponyme ouvre dans le 7e arrondissement parisien et deux ans plus tard, le premier parfum Chloé voit le jour. Une fragrance florale et féminine qui devient l’une des plus populaires de l’époque.

Karl, Stella, Phoebe, Hannah… Le bal des directeurs artistiques

C’est en 1966 que Jacques Lenoir décide de recruter un certain Karl Lagerfeld, ayant fait ses armes chez Jean Patou, en tant que principal créateur de la maison. Grâce à ses jupes fluides et ses chemisiers vaporeux, Chloé devient vite l’une des marques emblématiques des seventies. Jackie Kennedy, Brigitte Bardot ou encore Maria Callas et Grace Kelly comptent parmi ses plus prestigieuses clientes. Milieu des années 80, après 20 de bons et loyaux services, Karl Lagerfeld part pour la maison Chanel.

Suite à cette époque glorieuse, la marque est en perte de vitesse au milieu des années 1980 et est acquise par le groupe de luxe Dunhill Holdings, devenu Richemont. Gaby Aghion et Jacques Lenoir prennent alors leur retraite et la direction artistique est de nouveau laissée à des stylistes amenés à se faire un nom. Sans succès, malgré le talent de Martine Sitbon, Karl Lagerfeld sera rappelé en 1992 pour aider la marque à sortir la tête de l’eau. Sa mission durera cinq ans et il fera défiler les plus grands tops comme Linda Evangelista, Christy Turlington, Kate Moss et Naomi Campbell dans des robes évanescentes.

En 1997, changement de cap pour la maison puisque la jeune Stella McCartney, 25 ans, est propulsée à la tête de la création et apporte un nouveau souffle féminin, romantique et impertinent. Assistée d’une certaine Phoebe Philo, sa première collection est un succès commercial grâce à des pièces aux allures vintage, rock et sexy. En 1999, Ralph Toledano prend la direction de l’entreprise.

Lorsque Stella McCartney décide de se consacrer à sa propre marque en 2001, Phoebe Philo reprend les rênes avec succès et apportera sa touche sensuelle et sophistiquée jusqu’aux collections de 2006. Principaux faits d’armes ? L’introduction des sacs dans les défilés, suivie du lancement d’une ligne de maroquinerie avec le Camera Bag, puis le Paddington, devenu le premier des it-bags. On lui doit également la ligne See by Chloé, plus abordable et dédiée aux plus jeunes. Après de telles prouesses, rien d’étonnant à ce que la marque compte désormais Sofia Coppola, Kirsten Dunst ou Lou Doillon parmi ses plus fidèles clientes.

Suite à son départ, se succèdent Paulo Melim Andresson et son style décalé, et Hannah McGibbon et ses collections ultra chics à l’héritage seventies qui l’aideront à être sacrée directrice artistique de 2008. Elle quitte la maison en 2011 pour laisser place à Clare Waight Keller et ses silhouettes toutes en fluidité et féminité, mais ponctuées de touches boyish. Six ans de succès plus tard, Natacha Ramsay-Levy est appelée pour la remplacer. Depuis, elle étoffe chaque année les lignes d’accessoires, avec de nombreux bijoux et chaussures. Mais d’après les rumeurs, la Française serait sur le point de quitter la maison…

Les pièces cultes

Au long de ces presque 70 dernières années, Chloé et ses directeurs artistiques ont su faire naître de véritable icônes de mode. Parmi elles, la robe Embrun, préférée de Gaby Aghion et premier grand succès de la marque grâce à sa parution dans le Elle de septembre 1960. Une robe chemise en jersey rompant avec la silhouette des fifties par la simplicité de sa coupe et la fluidité du tissu.

Ensuite, on pense à la robe Violon, une pièce trompe-l’oeil un brin surréaliste imaginée par Karl Lagerfeld en 1983. Autre pièce imaginée par le designer, la blouse en soie fluide qui devient un essentiel du vestiaire Chloé. Vient ensuite le fameux t-shirt ananas de Stella McCartney sorti en 2001. Tout en jersey fluide et à encolure large glissant sur l’épaule, il est de ses tee-shirts que les modeuses ont adoré porter sur peau bronzée. On pense également au jean flare à taille haute tressée imaginé par Phoebe Philo en 2004.

Véritable pièce bohème, il apparaît comme un ovni mode lors de sa sortie, après des années de règne du jean taille basse. Et que serait Chloé sans sa cape ? Imaginée par Hannah MacGibbon en 2009, cette cape souvent gansée de cuir est portée avec un mini short taille haute par la femme Chloé.

Côté accessoires, comment parler de Chloé sans citer les fameuses Susanna boots, d’abord appelées Susan mais, au grand dam des modeuses, non rééditées chaque année. La marque décide donc en 2012 de rééditer ce modèle clouté, à lanières et au talon biseauté. Désormais les listes d’attente ne cessent de s’allonger. Question sacs, le Paddington reste la référence en la matière pour la marque, grâce à son gros cadenas et son esprit voyage, il est l’aîné des it-bags de notre époque.

On pense aussi au Paraty, au Marcie, au Faye et au petit dernier sobrement baptisé C. Soulignons en parallèle que de 1958 jusqu’en 1987, chacune des créations sont nommées suivant une lettre de l’alphabet. Cette tradition fera son retour en 2012 dans une collection d’accessoires imaginée par Clare Waight Keller.