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Libération d’Auschwitz : pourquoi l’expression "camp d’extermination" n’est pas vraiment correcte ?

Auschwitz-Birkenau, camp de concentration et centre d’extermination

© Belga

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Par Johan Rennotte

Ce 27 janvier, il y a exactement 79 ans qu’Auschwitz était libéré par l’armée soviétique. Très souvent, on a appelé l’endroit "camp d’extermination". Cette expression n’est pourtant, historiquement, pas correcte. Explications.

Pour qualifier les crimes nazis, il est souvent important d’utiliser les bons mots. Or, parfois la confusion règne. On limite souvent la Shoah aux camps de concentration, dont Auschwitz est probablement le plus symbolique – et médiatisé — de tous. Mais en réalité, la Shoah est bien plus vaste, et comprend toutes les discriminations, les mesures racistes, les pogroms, les massacres, les ghettos, les rafles qui ont lieu avant et pendant la guerre. Tous ces évènements qui ont mené à la déportation, à la concentration, à l’extermination.

"Camp de concentration" et "centre d’extermination"

L'entrée du camp de concentration d'Auschwitz, photographié en janvier 1945 après sa libération.

Un camp de concentration, c’est d’abord une prison aux proportions monumentales, souvent capable d’accueillir des centaines de milliers de personnes et utilisée pour rassembler, "concentrer" une population considérée comme ennemie. Les nazis n’ont pas l’exclusivité du système, puisque déjà en Afrique du Sud, les Britanniques avaient affamé les Boers à la fin du 19e siècle dans de pareils camps.

Il a existé une quarantaine de camps de concentration dans toute l’Europe nazie. Il existe aussi des camps "de transit", d’où partent les convois de déportation. En Belgique, c’est le cas de la caserne Dossin à Malines.

Les camps nazis ont pour but de déshumaniser et de tuer, mais non sans avoir d’abord abusé de main-d’œuvre disponible. Dans un camp de concentration, on travaille jusqu’à épuisement pour l’industrie de guerre allemande, jusqu’à en mourir. Si l’on n’est pas victime des maladies, de la faim ou des mauvais traitements. Les Juifs constituent la très large majorité des victimes des camps, mais on y compte aussi les résistants, les opposants politiques, les homosexuels. Tous ceux et toutes celles qui dérangent le nazisme.

Photos de femmes survivantes d'Auschwitz, prise à la libération du camp en 1945.

Pendant des années, on a utilisé sans trop y porter attention l’expression "camp d’extermination" pour désigner les lieux où le régime nazi assassinait de manière industrielle les Juifs d’Europe, les Roms et les Sintés, et où des millions de personnes ont perdu la vie dans les chambres à gaz. On estime qu’il existe six de ces endroits : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek, Natzweiler-Struthof en Alsace, et bien sûr Auschwitz.

Là, pas question d’internement, de concentration. L’objectif est unique : tuer en masse et rapidement. Les victimes du zyklon b, le gaz utilisé dans les chambres, ne passent pas par les baraquements. A la sortie des convois de la mort, elles sont expédiées, soit directement, soit après un glaçant triage, dans les chambres. Il n’y a donc à proprement parler pas de "camp", pas de prisonniers, personne à libérer le 27 janvier 1945 à Auschwitz.

L'entrée d'Auschwitz-Birkenau, camp de concentration et centre d'extermination, photographié en janvier 1945 après la libération.

Depuis quelques années, on préfère donc le terme de "centres d’extermination" pour démontrer qu’il n’y avait aucune survie possible, que le but de l’entreprise était bel et bien le génocide dans sa forme la plus inhumaine.

Alors d’où vient la confusion entre les deux termes ? Sans doute à cause d’Auschwitz. Au-delà d’être le maillon du système génocidaire ayant engendré le plus de victimes, au moins 1,1 million dont 90% de Juifs, l’endroit avait la particularité d’être à la fois un camp de travail, un camp de concentration, et un centre d’extermination. Ce n’est pas le seul endroit ayant eu cette sordide triple fonction, mais c’est le plus symbolique et le plus meurtrier.

Utiliser "centre" à la place de "camp", cela peut paraître bien anodin. Et pourtant, il est essentiel d’utiliser les bons termes, les bons mots pour dire l’indicible. Pour lutter contre le négationnisme, le racisme et les discours extrémistes, mais aussi pour bien comprendre l’actualité. Pareils mots sont souvent réutilisés par les uns et les autres, à des fins politiques ou sociétales. C’est particulièrement vrai depuis les attentats du 7 octobre en Israel, et la guerre à Gaza qui s’en est suivie.

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