PORTRAIT. À Rouen, « Le Général » revendique 1 629 squats : « Du vide meublé avec des humains »

C'est un marginal plein d'idées qui sévit à la lisière de la loi parfois, en dehors souvent. "Le Général" se voit comme "un expert de la marge". Depuis 10 ans, il ouvre des squats.

Il a « élu domicile » dans la résidence du Hameau des Brouettes, occupée depuis le samedi 19 mai 2018 à Rouen (Seine-Maritime). Antonio Xavier, alias « Le Général », est un spécialiste de ce genre d’actions. (©SL / 76actu)
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« Oh, bonjour… », insiste Le Général. Assis à l’entrée de la résidence du Hameau des Brouettes, Antonio Xavier ne transige pas sur la politesse, et tout le monde comprend. « C’est normal, je suis chez moi », pose sans rire l’homme de 48 ans. Il est à l’origine de l’occupation de ce bâtiment de Rouen (Seine-Maritime), lancée samedi 19 mai 2018. Il n’est pas un militant, c’est ce qui le différencie : « individualiste », il aime « vivre avec beaucoup de monde ».

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« Je suis devenu un expert des lieux vides »

Il le martèle en fixant la façade de l’ancienne résidence pour personnes âgées dans laquelle il a « élu domicile avec ses compagnons d’infortune ». La feuille scotchée à l’entrée est à son nom. « C’est ma 1 629e ouverture », s’était-il vanté au tout début de l’occupation. Il a investi les lieux dès la mi-mai. « J’ouvre, je prépare, je laisse », résume-t-il.

Il n’est pas lié à des associations « qui vivent du social, pas dans le social » et les laisse « faire leur tambouille ». Il se contente de gérer le quotidien, le tout sans jamais quitter les lieux. Antonio n’hésite pas à se qualifier d’être « un expert des lieux vides ». En fait, il n’hésite pas sur grand chose. « Moi, j’ai fait ça… » est son début de phrase favori. 

« La marge devenue normalité de vie »

C’est qu’il en a fait, depuis son enfance à Saint-Étienne-du-Rouvray, au Château Blanc – « OCB, c’est pas que la marque de feuille » est son slogan. Apprenti serrurier renvoyé, assistant en restauration rapide, il s’est entiché de développement durable quand il était en prison – dire « je suis un voleur » le fait sourire. Pendant ses six séjours à l’ombre, jamais liés aux occupations, Antonio s’est occupé. Cantinier, serrurier, mais surtout bibliothécaire : 

J’ai lu tous les bouquins sur la mobilité. Je voulais supprimer le moteur à explosion à Rouen. À ma sortie j’ai monté une association, j’ai présenté un dossier d’appel d’offre, des politiques m’ont dit que j’avais 80 ans d’avance, mais…

L’essentiel de la suite est entaché de tombereaux d’insultes, même s’il « reste gentil », dit-il. Cet échec à peu près digéré a conduit « Le Général » là où il est, dans « le choix de la marge devenue normalité de vie ». Il a ouvert son premier lieu le 1er mai 2008, le « Zéro », rue de la République à Rouen. S’il n’a pas participé à l’ouverture du lieu occupé le 1er mai 2018 par « Surgissement », il y était et se réjouit d’y avoir fêté « son dixième anniversaire ». 

Il revendique avoir donné un toit à 117 648 personnes, Hameau des Brouettes inclus. Aucun des chiffres avancés n’est vérifiable, mais ça ne change rien pour ses colocataires : « Le Général, c’est un personnage, un type carré. »

Xavier Antonio n’ouvre pas des squats, mais des « laboratoires des arts et des techniques », une vaste expression pour englober tout ce qui peut l’être. (©SL / 76actu)

« Pas un gourou », mais « un individualiste »

De militaire, « Le Général » n’a que le t-shirt treillis et la veste épinglée des cinq étoiles équivalentes au grade. La tasse de café toujours pleine complète l’uniforme. Mais pas de garde-à-vous sous ses ordres : « Je ne suis pas un gourou ! Je suis un individualiste, je fais ça que pour ma gueule, j’ai besoin de vivre entouré d’humains dont je cherche les compétences. Tout le monde voudrait vivre en collectivité mais personne ne sait comment faire. » 

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Donc il essaie, sans trop réussir à théoriser son « utopie réelle » : « Je m’éparpille. » Capable de passer du symbole qu’il a créé pour représenter l’athéisme au coup de marteau à xylophone que son fils lui a mis dans les dents, Xavier peut être dur à suivre. Et quand on lui fait remarquer, il a la même réponse qu’au sujet de ses revenus, d’une éventuelle expulsion ou de poursuites : « Je m’en bats les c******s. » Parce qu’il ouvrira le 1 630e.

La Ville de Rouen en appelle au gouvernement
Dans un communiqué et via une lettre au député LREM de Rouen, la Ville de Rouen a alerté  l’État pour obtenir des réponses « face à cette situation ». Propriétaire, la Ville a indiqué qu’une évacuation du Hameau des Brouettes, où logent 160 personnes, serait proche. Mais elle se refuse à faire appel à la police pour « que soit recherché, en liaison avec les services de l’État et le Département, des solutions d’hébergement des occupants selon leur situation ».

Les cinq étoiles épinglées sur la veste du « Général » ne le quittent jamais. (©SL / 76actu)

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