Meurtre de Gaëlle Fosset en Normandie : la gendarmerie annonce de nouvelles analyses ADN

Le point sur l'enquête sur le meurtre de Gaëlle Fosset à Saint-Germain-la-Campagne (Eure) avec le lieutenant-colonel Jourdren, commandant de la section de recherche de Rouen.

Le lieutenant-colonel Thierry Jourdren, commandant de la section de recherche de Rouen (Seine-Maritime), fait le point sur l'enquête sur le meurtre de Gaëlle Fosset.
Le lieutenant-colonel Thierry Jourdren, commandant de la section de recherche de Rouen (Seine-Maritime), fait le point sur l’enquête sur le meurtre de Gaëlle Fosset. (©DR)
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Après l’émission « Appels à témoins » diffusée lundi 7 juin 2021 sur M6 et consacrée au meurtre de Gaëlle Fosset à Saint-Germain-la-Campagne (Eure), le point sur l’enquête avec le lieutenant-colonel Thierry Jourdren, commandant de la section de recherche de Rouen (Seine-Maritime).

Actu : Par quels aspects cette affaire vous apparaît-elle singulière ?

Lieutenant-colonel Thierry Jourdren : Elle l’est à plusieurs égards. Tout d’abord, par les circonstances de ce meurtre dont a été victime une jeune femme de 21 ans, a priori sans histoires, qui menait une vie paisible dans une petite commune de l’Eure et qui a été sauvagement agressée à l’arme blanche alors qu’elle se trouvait ce soir-là chez elle, dans l’endroit où l’on est censé être le plus en sécurité.
Ensuite, par l’acharnement et le déchaînement de violence exercé contre la victime, lardée d’une soixantaine de coups de couteau. Enfin, il convient de noter que depuis 14 ans, ce dossier n’a jamais été refermé… ce qui témoigne une volonté d’explorer toutes les pistes et de mener jusqu’à leur terme toutes les investigations entreprises.

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Quels enseignements tirer des constatations scientifiques réalisées sur la scène de crime ?

T.J : Les techniciens en identification criminelle de la gendarmerie ont été confrontés à une scène de crime en partie nettoyée, voire modifiée par le ou les auteurs. Ce qui a rendu plus difficile les constatations à travers les relevés et les prélèvements opérés sur les lieux.

« Un meurtre commis par un proche »

Les conclusions de l’autopsie permettent-elles de dessiner un scénario de la nuit du drame ?

T.J : Le rapport d’autopsie est en effet une pièce de procédure majeure dans un crime de sang. Mais, à lui seul, il ne suffit pas à élaborer un scénario du drame.
Les constatations réalisées sur place, les divers témoignages recueillis par les enquêteurs notamment sur les habitudes et la personnalité de la victime viennent également appuyer le travail d’analyse des enquêteurs permettant ainsi au final de dresser le scénario le plus probable.
Ainsi, le scénario s’est vraisemblablement déroulé en trois temps : la réception chez la victime du ou des auteurs, avec ensuite une consommation d’alcool, l’agression en elle-même, qui conduit au meurtre et le nettoyage de la scène de crime.

Quelles pistes sont privilégiées dans les premiers temps de l’enquête ?

T.J : D’emblée, les enquêteurs vont privilégier la piste du meurtre commis par un proche. L’absence d’effraction sur la porte d’entrée, l’absence de désordre apparent dans la maison et les habitudes de la victime qui, selon sa famille, n’aurait jamais laissé entrer un inconnu, et de surcroît la nuit, sont autant de facteurs qui militent en faveur de la thèse d’un homicide commis par une personne du cercle proche de Gaëlle Fosset.
Enfin, la victime présente, au moment de son agression, un taux d’alcoolémie positif… ce qui signifie qu’elle a consommé de l’alcool juste avant d’être agressée. Elle a ouvert la porte à quelqu’un qu’elle connaissait.

Gaëlle Fosset a été tuée de 66 coups de couteau en 2007 à Saint-Germain-la-Campagne (Eure).
Gaëlle Fosset a été tuée de 66 coups de couteau en 2007 à Saint-Germain-la-Campagne (Eure). (©DR)

Quelles pistes sont écartées ou moins crédibles et pour quelles raisons ?

T.J : La piste du rôdeur est rapidement écartée pour les raisons que je viens de vous évoquer car la victime n’aurait jamais ouvert à un inconnu. La piste crapuleuse, notamment celle du cambriolage qui tourne mal, est également écartée car aucune effraction n’est constatée sur les ouvertures et aucun objet de valeur n’a disparu.

« Deux services d’investigations mobilisés »

Avez-vous eu le sentiment que la parole avait du mal à se libérer ?

T.J : Nous sommes dans deux petites communes paisibles de l’Eure et du Calvados où tout le monde se connaît. Les premiers sentiments qui ont prévalu à l’époque, c’est la sidération et l’incompréhension face à un drame d’une telle nature.
14 ans après les faits, on peut penser que certaines personnes qui ont pu recevoir des confidences du ou des auteurs aient envie de soulager leur conscience et soient ainsi prêtes à faire des révélations aux enquêteurs afin de faire la lumière sur ce crime non élucidé.

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Quelle est à votre connaissance la dernière personne que Gaëlle a vue vivante le jour des faits ?

T.J : Il ressort des différents témoignages recueillis à l’époque, que des voisins de Gaëlle Fosset l’ont vue le jour des faits rentrer à son domicile en fin d’après-midi, vers 18h30. Par ailleurs, son compagnon de l’époque, qui était en déplacement professionnel à Saint-Etienne, l’a eue au téléphone ce soir là, sur les coups de 20h30-21h. C’est là, la dernière preuve de vie de Gaëlle Fosset.

À vos yeux, qu’a-t-il manqué jusqu’à présent pour que cette enquête aboutisse ?

T.J : Des éléments matériels probants comme notamment l’arme du crime qui n’a jamais été retrouvée et que le ou les auteurs ont pris soin d’emporter avec eux.
Pour autant et à l’heure actuelle, les investigations se poursuivent. Deux services d’investigations, à savoir, du côté de la gendarmerie : la SR de Rouen et du côté de la police : l’OCRVP, sont conjointement engagés sur ce dossier et enquêtent sur commission rogatoire d’un juge d’instruction d’Evreux.

« Extraire un ADN non révélé jusque là »

Alors, quelles sont les investigations en cours ?

T.J : Tout d’abord, s’agissant des pièces à conviction saisies sur la scène de crime, je peux vous dire que de nouvelles analyses vont être réalisées en laboratoire, en vue de tenter d’extraire un ADN non encore révélé jusque là. Les progrès de la police scientifique, de la criminalistique permettent aujourd’hui d’extraire le profil génétique d’une personne à partir de micro cellules ;
Ensuite, grâce à des pièces majeures de la procédure comme le procès-verbal des constatations réalisées sur les lieux du crime et le rapport d’autopsie, les gendarmes experts de l’IRCGN vont procéder à une relecture complète de tous les documents en vue de faire ressortir des éléments nouveaux tant dans le domaine de la médecine légale que dans celui de l’anthropologie.
Enfin, nous continuons notre travail d’investigations en matière de recueil de témoignages.

« D’autres objets seront réanalysés »

Où en est l’enquête ?

T.J : L’objectif consiste à recueillir à la fois des preuves matérielles, mais également des témoignages utiles à l’enquête et qui permettraient ainsi d’arriver à la manifestation de la vérité.
L’IRCGN de la gendarmerie procède à une relecture complète du dossier sur la partie criminalistique : du premier acte d’enquête jusqu’au rapport d’autopsie. L’objectif est d’identifier certains objets, certaines pièces à conviction, qui mériteraient d’être à nouveau exploitées, à nouveau analysées en laboratoire en vue d’une recherche ADN.
A ce propos, le juge d’instruction a donné son accord pour que d’autres objets, qui ont été manipulés par le ou les auteurs sur la scène de crime, fassent eux aussi l’objet d’une nouvelle analyse en laboratoire en vue de tenter d’en extraire un profil génétique.
Des auditions de témoins se poursuivent dans le but de recueillir des informations de personnes qui peuvent avoir reçu, un temps, les confidences de « proches du dossier » et qui veulent aujourd’hui libérer leur parole et faire des révélations aux enquêteurs… car on peut penser que les « amitiés d’hier ne sont plus forcément les amitiés d’aujourd’hui ».

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Pensez-vous que 14 ans après les faits certaines personnes aient encore des souvenirs précis ?

T.J : Je ne pense pas que l’ancienneté des faits soit un handicap, mais je la considère au contraire comme un atout. Durant toutes ces années, nous avons continué de recueillir des éléments utiles à l’enquête.
14 ans après les faits, la « pression médiatique » étant retombée petit à petit, les personnes proches du dossier, voire même l’opinion publique, ont pu considérer, à tort, que la « pression judiciaire » avait suivi le même chemin.
Ainsi, certains témoins ont pu recevoir, entre 2007 et aujourd’hui, des confidences de l’auteur ou des personnes impliquées dans le but de soulager leur conscience ou tout simplement en pensant que l’enquête était terminée. On peut penser que certaines personnes, considérées comme témoins, puissent être disposées à faire des révélations aux enquêteurs.

Que peut-on attendre de cet appel à témoins ?

T.J : Dans ce dossier, plusieurs centaines de personnes ont déjà été entendues. L’objectif de cet appel à témoins est donc d’inciter toutes personnes détenant des informations à se rapprocher des enquêteurs, qu’il s’agisse des personnes déjà entendues qui auraient de nouvelles révélations à faire ou toutes autres personnes non encore identifiées par les services d’enquête.

« La piste de la rivalité amoureuse envisageable »

Quel est le mobile de ce crime ?

T.J : Le fait que la victime soit découverte en partie dénudée accrédite la thèse du crime à caractère sexuel. Pour autant, le fait que la scène de crime ait été en partie nettoyée, voire d’une certaine manière maquillée nous ouvre les perspectives en termes de mobiles envisageables.
Et au regard, des auditions de témoins recueillis jusqu’à présent, la piste de la rivalité amoureuse, voire celle de la jalousie (d’une autre femme) est tout à fait envisageable.
Dans le même ordre d’idées, la thèse de la pluralité d’auteurs, ou plus exactement de la pluralité « d’intervenants » (répartis entre auteur(s) et complice(s), voire même témoin(s) des faits) n’est pas exclue… même si, depuis le début, la piste d’un agresseur unique, ayant ensuite nettoyé la scène de crime, est privilégiée.

Ne pensez-vous pas que des personnes, qui détiennent des informations sur ce meurtre, craignent à vouloir apporter leur témoignage ?

T.J : Le code de procédure pénale permet aux témoins d’être entendus sous couvert d’anonymat. Il s’agit certes d’un procédé exceptionnel, mis en œuvre sur décision d’un juge et réservé aux situations où l’audition de la personne concernée ou des membres de sa famille pourrait mettre en péril leur vie ou leur intégrité physique.

14 ans d’enquête, cela doit représenter une masse de travail colossale ?

T.J : Tout à fait. Ce dossier comporte pas moins de 1800 procès-verbaux et plus de 500 auditions.

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